Condamné à mort par les salafistes
Casablanca, 12 août 2012 (Apic) Depuis plus d’un mois, un journaliste marocain est menacé de mort par les islamistes pour avoir demandé de décriminaliser les relations sexuelles pré-maritales lors d’un débat à la télévision locale.
Le journaliste Moktar el-Ghzioui, éditeur du quotidien marocain Al-Ahdath Al-Maghribia, a eu le malheur de soutenir l’appel de militantes marocaines des droits humains de décriminaliser le sexe hors mariage, puni par l’article 490 du code pénal marocain. Son but est la prévention du harcèlement sexuel des femmes, très souvent prises pour cibles par des hommes frustrés sexuellement.
Trois des plus importants religieux musulmans conservateurs ont publiquement soutenu un appel à la mise à mort du journaliste pour avoir soutenu le droit à une plus grande liberté sexuelle dans le Royaume chérifien. Le pays est dirigé depuis novembre 2011 par un Premier ministre islamiste, Abdelilah Benkirane, chef du Parti Justice et Développement (PJD).
Au Maroc, des femmes font campagne pour des changements législatifs, estimant que l’article 490 du code pénal prévoyant que les Marocains peuvent être emprisonnés pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage favorise le harcèlement sexuel. L’article 490 est basé sur la loi islamique, qui interdit aux personnes non mariées de se livrer à une activité sexuelle. Raison pour laquelle les commentaires de Moktar el-Ghzioui à la télévision ont suscité une énorme controverse dans une société qui reste majoritairement conservatrice. Egalement issu du PJD, Mustapha Ramid, ministre marocain de la Justice et des Libertés dans le gouvernement Benkirane, a estimé que légaliser le sexe hors mariage est « une initiative visant à promouvoir la débauche ».
Après son apparition à la télévision locale, Moktar el-Ghzioui a reçu des menaces non voilées. « Un religieux d’Oujda a émis une fatwa disant que je devais mourir. J’ai très peur pour moi et ma famille. C’est un véritable choc pour tous les modernistes qui croyaient que le Maroc progressait ».
La « fatwa » (édit religieux) d’Abdellah Nahari, un des muftis de l’Oriental, une région du Maroc dont la capitale est Oujda, a appelé au meurtre du journaliste. Cet appel a été relayé par les trois cheikhs d’une organisation extrémiste, la « Salafiya Jihadiya », Abou Hafs, Hassan al-Kettani et Omar Haddouchi. Ce dernier a publiquement déclaré que si la charia, la loi islamique, était appliquée dans le pays, « le meurtre d’el-Ghzioui aurait été recommandé ».
L’Association marocaine des droits humains appelle à une réforme du code pénal afin de réduire le harcèlement sexuel des femmes, le plus souvent par des hommes frustrés sexuellement, rapporte la BBC. Le sexologue Abou Bakr Harakat estime toutefois que même si la loi était modifiée, la perception négative du sexe hors mariage et l’importance que beaucoup de gens accordent à la virginité des femmes ne changeront pas du jour au lendemain. « C’est la société, plutôt que les individus, qui force les gens à respecter la loi », rapporte la BBC.
La BBC donne également l’opinion de l’imam Hassan Ait Belaid, à la mosquée de Casablanca, qui estime que l’article 490 du code pénal marocain fait partie de la culture d’une société non-occidentale. « Si le code est supprimé, nous deviendrons des sauvages. Notre société va devenir un désastre ».
Les observateurs qui critiquent la position des islamistes relèvent que les lois sexuelles strictes ne font qu’accroître le harcèlement sexuel des femmes. Les hommes parlent souvent d’aller à la « chasse » sur les boulevards pour tenter de trouver des femmes. La BBC relève que, selon les analystes, ce type de harcèlement démontre le niveau de frustration sexuelle qui persiste dans les sociétés musulmanes essentiellement conservatrices. (apic/bbc/com/be)
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