Rome: Constitutions d’un groupe minoritaire de carmels approuvées (211290)
Rome, 21décembre(APIC) Le Saint-Siège a accepté plusieurs textes de
Constitutions pour les carmélites déchaussées. Carmes déchaussés et carmélites ont appris la nouvelle de Rome le 14 décembre. Le Père Sainz de Baranda, préposé général des carmes, vient en effet de se faire « un devoir
grave et urgent » d’informer l’Ordre de cette décision, cela « avec une profonde douleur ». En effet, la décision de Rome consacre la division de l’Ordre, tant redoutée par le préposé général des carmes et l’immense majorité
des moniales.
La décision du Vatican tient en trois dispositions: le pape a approuvé
les Règles et Constitutions présentées par un groupe de 92 monastères (sur
810); ce texte est valable non seulement pour ces monastères, mais « aussi
pour tous ceux qui voudraient opter pour lui ultérieurement »; le pape « n’a
pas cru opportun d’approuver en même temps le texte des Constitutions préparé et approuvé par la Congrégation des Religieux, en ce qui dépendait
d’elle ». Autrement dit, un groupe minoritaire de monastères opposés à
l’ »aggiornamento » demandé par le Concile Vatican II cesse d’être associé
aux carmes déchaux.
Ces dispositions ont été communiquées au Père Sainz de Baranda par le
cardinal Jean Jérôme Hamer, préfet de la Congrégation pour les instituts de
vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. Ce dernier l’informait
des décisions que venait de lui faire parvenir le cardinal Agostino Casaroli, alors secrétaire d’Etat du Vatican, dans une lettre datée du 23 novembre.
Les « Déclarations » non encore approuvées
C’est en 1966, moins d’un an après la clôture du Concile Vatican II et
conformément à ses directives que le Père Anastasio Alberto Ballestrero,
préposé général des Carmes, futur cardinal-archevêque de Turin (1977-1989),
lance une consultation pour réaliser l’ »aggiornamento ». L’initiative reçoit
un bon accueil auprès des moines et des moniales de l’Ordre, mais se heurte
à la résistance d’un groupe de monastères qui entendent conserver les
Constitutions d’Alcala adoptées en 1581, du vivant de sainte Thérèse d’Avila. En 1977, Paul VI approuve « ad experimentum », pour une période de cinq
ans, une nouvelle législation contenant la Règle primitive de saint Albert
de Jérusalem, les Constitutions élaborées en 1567 par sainte Thérèse
(remaniées par les Pères carmes en 1581 à Alcala, où, malgré ses objections, Thérèse se soumit dans un esprit d’obéissance), ainsi que les « Déclarations » contenant les nouvelles dispositions juridiques demandées par
le Concile.
En 1982, après cinq ans d’expérimentation, les « Déclarations » font l’objet d’une nouvelle consultation. 80% des monastères sont favorables au renouveau voulu par Vatican II. Le groupe des monastères conservateurs (de la
vingtaine, leur nombre est passé à 150) reste rétif. Il soumet alors au Vatican son propre texte, les « Constitutions de notre Mère sainte Thérèse
adaptées au Concile Vatican II », rejetant l’évolution proposée dans les
« Déclarations » de 1977.
C’est dans ce contexte qu’intervient en 1984 la décision du Saint-Siège
de rédiger lui-même la nouvelle législation des Carmélites (lettre du cardinal Casaroli au Père Sainz de Baranda). Une décision d’autant plus déconcertante pour les 80% des carmélites qui viennent d’approuver les « Déclarations » de 1977 qu’elles n’ont fait que se conformer aux directives conciliaires. Décision « surprenante et inquiétante », leur écrit dans sa lettre
le préposé général des carmes en en soulignant l’enjeu: c’est au pape qu’il
revient désormais de résoudre la question essentielle « de l’unicité ou de
la pluralité de textes de Constitutions pour les carmélites déchaussées et,
par voie de conséquence, le problème très grave de l’unité ou de la division de l’Ordre ».
Le travail de rédaction de la nouvelle législation des carmélites commence en novembre 1985. Il est confié à la Congrégation pour les Religieux,
assistée de six experts carmes. Le travail a pour base le projet de législation présenté dans la lettre du cardinal Casaroli, « étant donné qu’il
s’agit d’une décision personnelle du pape », relève le préposé général dans
une lettre aux moniales. Le projet de législation qui est rédigé sous la
responsabilité de la Congrégation dirigée par le cardinal Hamer comporte un
préambule, les Constitutions d’Alcala de 1581, « convenablement adaptées »,
et des chapitres complémentaires recueillant les normes du Code de droit
canon. Après consultation des carmélites du monde entier (clôturée le 30
mars 1987), le texte est soumis pour approbation à la Secrétairerie d’Etat
du Vatican.
Depuis, les carmélites attendent de recevoir ce texte, dont elles n’ont
pas encore eu connaissance. Leur dépit est d’autant plus grand que les moniales du groupe minoritaire ont elles-mêmes soumis au pape un texte de
leur cru, et que celui-ci – qui n’a abouti sur le bureau du pape que fin
juin dernier – a été approuvé sans autre forme de procès. Les religieuses
comprennent mal les raisons qui ont amené le pape à différer la publication
de leur législation, prête depuis bientôt deux ans, surtout après avoir eu
écho des propos rassurants et des encouragements donnés par le cardinal Hamer en différentes occasions. Tant que leur texte n’aura pas été approuvé,
les « Déclarations » resteront la loi en vigueur dans leurs communautés.
La déception passée, les carmélites accueillent la décision du pape avec
sérénité et dans l’ »attitude de disponibilité, de soumission pleine et cordiale aux décisions que prendrait le Saint-Siège, d’acceptation obéissante »
que leur recommandait le Père Sainz de Baranda en 1984. Dans la lettre
qu’il vient d’adresser aux supérieurs provinciaux des carmes, le préposé
général leur demande de rester dans cette disposition: « Si vous me permettez toutefois une parole fraternelle, celle d’un frère blessé au plus intime du coeur, je vous demande qu’en ce moment si grave nous sachions donner
ensemble un témoignage d’obéissance silencieuse au Pape et de fraternité
douloureuse en nos Saints Parents Thérèse de Jésus et Jean de la Croix ».
Les « Carmels unis »: plus sévères que sainte Thérèse
Le groupe minoritaire, dit des « Carmels unis », est né en Espagne à l’initiative de Mère Maravillas de Jésus (Madrid), avec le soutien des milieux
conservateurs du franquisme. Des 92 monastères qu’il réunit aujourd’hui,
une soixantaine se trouvent en Espagne (dont celui d’Avila), cinq en France
(Evreux, Créteil, Alençon, Ars et Cognac), quatre en Pologne et au Brésil,
trois aux Etats-Unis et deux en Belgique (Gand et Audenaerde).
Le no 133 de leurs Constitutions précise que l’ »Ordre de la Bienheureuse
Vierge Marie du Mont-Carmel constitue dans l’Eglise une famille spirituelle
à laquelle appartiennent à titre égal les Pères Carmes et les moniales Carmélitaires Déchaussées ». Quant à leur statut juridique, les 92 monastères
« conservent l’unité spirituelle avec tout l’Ordre, n’ont aucun autre supérieur majeur au-dessus de la Prieure, sinon le Saint-Siège, et ne sont pas
associés aux Frères Déchaux, de sorte que le Préposé général n’a sur eux
aucun pouvoir. Par conséquent, ils sont confiés à la vigilance de l’Evêque
diocésain à norme du droit ».
Un cinquième des effectifs des carmélites va continuer de se référer aux
normes du XVIe siècle, « considérées par certains experts comme étant plus
sévères que celles de sainte Thérèse », s’il faut en croire « El Pais ». Dans
son édition du 15 décembre, le quotidien madrilène évoque quelques-unes de
ces normes « approuvées par le Vatican pour les carmélites intégristes », par
exemple la distinction des « soeurs de choeur » (celles qui assistent aux offices) et des soeurs converses (celles qui accomplissent des tâches subalternes: cuisine, nettoyage, …); le port du voile au parloir, où l’entretien a lieu derrière la grille et en présence d’une autre moniale chargée
de surveiller les visites; l’autorisation donnée à la supérieure d’ouvrir
la correspondance des soeurs.
La vie carmélitaire en Suisse
La Suisse compte trois carmels: Le Pâquier (Fribourg), Develier (Jura)
et Locarno (Tessin), où vivent quelque soixante religieuses. Les Pères carmes ne sont présents dans le pays que depuis 1975, à Fribourg: au nombre de
quatre, ils mènent une vie de prière et d’étude. (apic/cip/cor)
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