La minorité bouddhiste victime de violentes attaques des musulmans
Dacca, 2 octobre 2012 (Apic) Des dizaines de temples et monastères bouddhistes ainsi qu’une centaine d’habitations ont été détruits les 29 et 30 septembre dernier au Bangladesh par une foule de musulmans en colère. Les émeutiers ont sévi dans les districts de Cox’Bazar et de Chittagong.
Cette flambée de violence qui a duré tout le week-end, aurait été provoquée par la diffusion d’une photo « insultant le Coran » sur la page Facebook d’un jeune bouddhiste de la région, rapporte « Eglises d’Asie » (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
Il pourrait en fait s’agir d’une manipulation en vue de provoquer des troubles. Le ministre bangladais de l’Intérieur, Mohiuddin Khan Alamgir, a même affirmé que ce pourrait être l’œuvre de « fondamentalistes ayant agi avec la complicité d’agents étrangers ». Il a également accusé le Bangladesh Nationalist Party (BNP), principal parti d’opposition, d’avoir sciemment « jeté de l’huile sur le feu » et de porter une lourde responsabilité dans les émeutes des 29 et 30 septembre. Le Bangladesh Jamaat-e-Islami, allié du BNP et plus grand parti islamiste du pays, est également dans le collimateur des autorités.
Les responsables du BNP comme du Jamaat, ont aussitôt démenti ces accusations, affirmant n’être aucunement impliqués dans les attaques. Ils accusent à leur tour le gouvernement bangladais d’avoir manipulé les fonctionnaires locaux pour faciliter les émeutes, « la police et les pompiers n’étaient étonnamment pas intervenus pendant les incendies et les pillages ».
C’est dans la soirée du 29 septembre, qu’une foule d’environ 25’000 personnes a commencé à déferler sur Ramu, dans le district de Cox’ Bazar, proche de la frontière birmane. La foule en colère a mis le feu à plus d’une quinzaine de temples bouddhistes en bois très anciens dont certains avaient plus de 300 ans, et détruisant des dizaines de maisons.
Selon les témoins, les assaillants, aux cris d’ »Allah Akbar » ont poursuivi ensuite toute la nuit leurs attaques dans les villages alentours, puis les sous-districts voisins d’Ukhia, Patia et de Teknaf. Les manifestants ont ensuite gagné au petit matin le district de Chittagong où d’autres monastères et pagodes bouddhistes ont été incendiés. Des temples hindous ont également été pris pour cible et des dizaines de maisons pillées.
Lundi 1er octobre, les forces de l’ordre peinaient toujours à établir un bilan des dégâts matériels mais aussi des éventuelles victimes. La plupart des membres des communautés bouddhistes ont fui les violences dès le samedi soir et restent introuvables. Cependant, selon les derniers éléments d’informations fournis par les médias bangladais et les commissariats locaux, au moins 22 temples bouddhistes auraient été pillés et détruits, deux temples hindous incendiés et plus d’une centaine de maisons vandalisées.
Cette attaque visant la très minoritaire communauté bouddhiste est probablement la plus violente qui se soit jamais produite au Bangladesh. Elle semble avoir pris de court les autorités. Sur les 153 millions d’habitants que compte le pays, près de 90% sont musulmans, 8% sont hindous, les chrétiens, les bouddhistes et les animistes formant le 2 % restant.
Si des heurts sont fréquemment rapportés entre les musulmans et les hindous ou encore entre musulmans et chrétiens, les violences envers les bouddhistes sont rares. L’événement a surpris malgré le contexte d’exacerbation anti-religieuse dû au film islamophobe « L’innocence des musulmans ». La colère des musulmans suite à ce pamphlet ne s’est toujours pas dissipée au Bangladesh.
Devant cette situation inédite et un paysage de désolation qui évoque selon les témoins « le passage d’un cyclone », les autorités ont dès le dimanche 30 septembre, interdit tout rassemblement public, instauré un couvre-feu dans les districts concernés, et dépêché des unités militaires et des gardes-frontière afin de prévenir de nouveaux incidents.
L’agence d’information vaticane Fides, dans une dépêche publiée lundi 1er octobre, rapporte que le Père Adam S. Pereira, supérieur de la congrégation catholique de Sainte-Croix, très présente au Bangladesh et en particulier à Chittagong, s’est dit « abasourdi » par cette soudaine « flambée de haine et de violence aveugles ».
L’évêque de Chittagong, Mgr Moses M. Costa, a également exprimé sa surprise et son inquiétude: « Nous ne nous y attendions pas. Les deux communautés s’accusent réciproquement, mais cette violence [a été provoqué volontairement] par les islamistes. Nous, chrétiens, pourrions être la prochaine cible (…) Nous condamnons toute forme de violence et demandons le respect de toutes les communautés religieuses ».
Le ministre bangladais de l’Intérieur, Mohiuddin Khan Alamgir, qui s’est rendu sur les lieux dimanche, a déclaré être convaincu qu’il s’agissait « d’actes prémédités et délibérés de violence intercommunautaire envers une minorité ». Il s’est ensuite engagé à faire reconstruire les monastères et les temples détruits, et à ce que les victimes soient indemnisées et les coupables mis « sous les verrous d’ici 15 jours ».
Le « Daily Star », quotidien en langue anglaise publié au Bangladesh, dans son édition du lundi 1er octobre, écrit que 93 personnes ont déjà été arrêtées dans les différents sous-districts de Cox’s Bazar et 73 autres dans ceux de Chittagong. Ces 166 arrestations ont été annoncées par le ministre de l’Intérieur, qui a ajouté que plusieurs personnes avaient également été placées en détention préventive pour éviter d’autres troubles. (apic/eda/be)
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