Haïti: cinq morts et 43 blessés au cours d’un meeting électoral (061290)
Port-au-Prince, 6décembre(APIC) Cinq personnes ont été tuées et 43 autres
blessées, dont certaines grièvement, mercredi soir en Haïti par l’explosion
d’un engin à l’issue d’un meeting électoral tenu à Pétionville, une banlieue résidentielle à 8 km au sud de Port-au-Prince par le Père Jean-Bertrand Aristide, candidat aux élections présidentielles qui se dérouleront
le 16 décembre prochain en Haïti. Le prêtre catholique Aristide, salésien,
leader de l’Eglise populaire haïtienne et un des favoris à la présidence du
pays, avait été exclu de sa Congrégation le 15 décembre 1988; il est depuis
suspendu de ses fonctions.
L’explosion s’est produite lors de la dispersion de la foule, alors
qu’une brève panne de courant avait privé Pétionville d’électricité. La déflagration pourrait avoir été provoquée par une bombe ou une grenade. Au
moment de l’attentat, le Père Aristide avait déjé regagné la capitale après
s’être exprimé au cours de ce meeting où s’étaient rassemblées plusieurs
milliers de personnes, en majorité des jeunes. C’est parmi ces derniers que
figure le plus grand nombre de victimes.
Une élection du Père Aristide à la présidence d’Haïti serait sans doute
mal accueillie par la hiérarchie catholique du pays, égratignée plus d’une
fois par celui dont l’action est guidée par l’option préférentielle pour
les pauvres proclamée par la théologie de la libération, dont il est un ardent défenseur. Au cours d’une interview accordée en juin dernier à l’agence APIC, il avait été sans détours dans sa critique, faisant de « l’Eglise
hiérarchique opposée à l’Eglise peuple de Dieu nourrie de l’esprit de Vatican II la complice du pouvoir en place, l’ennemie du peuple haïtien qui se
réfugie dans le silence par manque de courage évangélique pour protester et
de courage prophétique pour dénoncer ».
L’avenir est entre les mains des pauvres
L’avenir en Haïti est entre les mains des pauvres, confiait encore le
Père Aristide, en parlant des futures élections. Sans savoir encore (?)
qu’il en serait l’un des principaux animateurs et favoris, il avait déclaré
ne rien en attendre: « Nous nous retrouverons au coeur d’un gouvernement duvaliériste, avec à notre tête des macoutes armés et bénis par l’impérialisme américain ». Sans aller jusqu’à appeler au boycott d’élections qu’il
estimait non-démocratiques, le bouillant prêtre-présidentiable demandait
que justice soit faite d’abord.
Le Père Aristide, 36 ans, la voix basse et le sourire timide avait été
exclu de sa Congrégation puis suspendu de ses fonctions pour « incitation à
la haine et à la violence » et pour « exaltation de la lutte des classes ».
Celui qui déclarait qu’ »il faut passer par les pauvres pour évangéliser » et
que « la fidélité à Dieu, c’est d’abord la fidélité au pauvres », ne peut aujourd’hui célébrer l’Eucharistie qu’avec la permission d’un évêque. « Mais
l’évêque attend le mot de Rome… », devait-il conclure malicieusement. Sans
doute ignorait-il alors que le dernier mot pour en faire un président appartiendrait au peuple d’Haïti. Ce dernier le donnera le 16 décembre et décidera s’il entend ou non placer un théologien de la libération à la présidence du pays.
Le Père Aristide, qui jouit d’un large soutien populaire pour son engagement en faveur des pauvres et contre l’injustice, a déjà été victime de
plusieurs attentats. Il avait notamment échappé à la mort en juillet 1987,
dans l’attentat de Freycineau et en septembre 88, quand son église fut incendiée et ses ouailles massacrées. Depuis l’annonce de sa candidature, les
inscriptions au scrutin ont augmenté: leur pourcentage (92%) est supérieur
à celui de 1987, lorsque les Tontons Macoutes avaient provoqué un bain de
sang, tuant une centaine de personnes et ouvrant le chemin à la dictature
du général Henri Namphy. Quelque 26 candidats se présentent à la présidence, 125 personnes se disputeront les 27 sièges de sénateurs et 338 autres
les 83 sièges de députés. (apic/ats/pr)
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