Palestine: Des rabbins plantent des arbres contre la violence des colons

Don Quichotte en Palestine

Kusra (Palestine), 28 janvier 2013 (Apic) La journaliste Andrea Krogmann a suivi un groupe de l’association « Rabbins pour les droits de l’homme », participant à une action palestino-juive de replantation d’oliviers dans le village de Kusra, au nord de la Cisjordanie. Les religieux juifs protestent ainsi contre la violence des colons israéliens qui détruisent régulièrement les vergers palestiniens.

« Si l’armée nous arrête, laissez-moi parler! » Après ces dernières indications du rabbin Yechiel Grenimann, les numéros de téléphone sont échangés par sécurité, et le bus démarre. A bord, des juifs d’origine américaine de tous âges, une poignée d’étrangers et quelques rabbins.

C’est le jour du « Tou Bichevat », le « nouvel an des arbres » dans la tradition juive. L’organisation « Rabbins pour les droits de l’homme » participe à un événement de solidarité palestino-juif, dans le village palestinien de Kusra, au nord de la Cisjordanie. 200 oliviers seront plantés à cette occasion. L’action est un signal à l’encontre des attaques des colons israéliens radicaux de l’implantation voisine d’Esh Kodesh. Les habitants de cette localité illégale selon le droit international viennent régulièrement saccager les oliveraies du village palestinien.

Une visite inhabituelle

Il n’est pas illégal pour des Israéliens de se rendre dans cette zone de la Cisjordanie dite de « type C », où se situe Kusra. Les quelque 4’500 Palestiniens qui y vivent sont sous contrôle civil et militaire israélien. L’arrivée de visiteurs juifs est néanmoins inhabituelle. Peu d’Israéliens juifs osent mettre les pieds au-delà de la « ligne verte ».

Quand c’est le cas, il s’agit la plupart du temps de colons, qui apportent leur lot de problèmes. Dans le bus, la marche à suivre est clairement établie. « Le kiosque à la jonction est exploité par les colons. Je n’irais pas acheter mon café là-bas », avertit le rabbin Yechiel Grenimman à l’arrêt de Kfar Tapouach. Là, un autre bus de militants de Tel-Aviv se joint à eux.

A la question de savoir ce qui motive leur action, le rabbin Grenimann avoue que la réponse n’est pas évidente. Il cite une liste d’arguments allant du mouvement étudiant de 1968 à la pensée de grands intellectuels juifs comme Martin Buber, en passant par l’influence de parents socialistes. Mais en fin de compte, c’est surtout le souci du bien d’autrui, une valeur fondamentale du judaïsme, qui amène les rabbins à s’engager contre les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés.

47 attaques l’an dernier, plus de 2’900 arbres détruits

« Tout ce que nous pouvons faire, c’est attendre les colons, explique un habitant du village. Ils viendront cette nuit ou la nuit d’après pour arracher les arbres. Mais nous en planterons de nouveaux ». Le combat du villageois palestinien rappelle celui de Don Quichotte contre les moulins à vent.

Les attaques des voisins extrémistes durent depuis des années. Un habitant du village y a déjà perdu la vie. L’an dernier, quelque 47 attaques ont eu lieu, explique Abed Aladeem Odah. Son collègue sort de sa poche une poignée de balles en caoutchouc et des cartouches de gaz lacrymogène. Les vestiges des attaques. Plus de 2’900 arbres ont été détruits lors des assauts. Les quelques centaines d’arbres plantés par le groupe de rabbins il y a quelques semaines n’ont pas fait long feu face à la violence des colons.

Malgré cela, encore mille plants seront mis en terre la semaine prochaine. Car, comme l’a récemment exprimé un représentant de l’Autorité Palestinienne venu sur les lieux, « Qui plante un olivier, plante l’espoir! »

Une tribune d’expression politique

L’armée israélienne observe les travaux de loin. Les soldats se sont placés entre le village et l’avant-poste israélien, agissant comme une barrière protectrice.

Cette action de solidarité unique dans le cadre du conflit israélo-palestinien sert aussi de tribune d’expression politique. « Pas de paix sans droit au retour », exige la Palestinienne Mahasen Rabus, dans un discours enflammé devant les caméras et les micros présents pour l’événement. Elle demande un retour aux frontières de 1948. « C’est notre pays, notre terre », assène un villageois. « C’est pourquoi je suis ici », répond l’un des planteurs d’arbres juifs.

Faible écho en Israël

A Kusra, les gens sont reconnaissants de l’aide active apportée par les rabbins. Du point de vue juif, on ne peut imaginer plus bel hommage au « nouvel an des arbres ». Le rabbin Grenimann regrette seulement que l’écho de telles actions en Israël soit si faible. Au moins, la nouvelle est diffusée à l’étranger. Et si, sur le terrain, la démarche amène un colon extrémiste ou un soldat à la réflexion, c’est déjà une victoire, assure-t-il.

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(apic/kna/bal/rz)

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