Liban: La lutte pour la reconnaissance du mariage civil a le soutien du président Sleiman

Ferme opposition de cheikh Mohammad Rachid Kabbani, mufti de la République

Beyrouth, 13 février 2013 (Apic) Le chrétien maronite Michel Sleiman, président de la République libanaise, plaide pour la reconnaissance du mariage civil dans le cadre de la mise en place d’un « Etat laïc moderne ». Par contre, le cheikh sunnite Mohammad Rachid Kabbani, mufti de la République, fulmine contre une telle idée. Le 12 février, Kabbani faisait connaître la position officielle de l’autorité sunnite: « Tout responsable musulman qui approuve la légalisation du mariage civil est considéré comme apostat et traître à la religion musulmane! »

Le soutien populaire grandissant pour la légalisation du mariage civil – surtout parmi les jeunes Libanais – s’exprime au quotidien sur les réseaux sociaux et sur internet. Selon certaines sources, quelque 10 % des nouveaux mariés libanais se rendent chaque année à l’étranger pour se marier civilement. En effet, le Liban ne connaît, en droit interne, que le mariage religieux, qui produit tous ses effets civils aux yeux de l’Etat. Le législateur libanais autorise cependant les Libanais qui contractent des unions à l’étranger à adopter les formes civiles de la loi étrangère.

Kabbani qualifie le mariage civil de « microbe »

Qualifiant le mariage civil de « microbe », la sanction promise au contrevenant par Kabbani est sans appel: « Il ne sera ni lavé, ni mis dans un linceul et ne recevra pas les prières à sa mort, ni ne sera enterré dans les tombes des musulmans ». Le mufti de la République a fait cette déclaration à l’issue d’une réunion extraordinaire sur le mariage civil à Dar el-Fatwa, la plus haute autorité sunnite, en présence d’oulémas.

« Il est de notre devoir de nous opposer à ces tentatives de nous éloigner de notre religion par le biais de slogans qui prônent la réforme », a-t-il déclaré. Les propos polémiques du mufti suscitent des réactions enflammées sur internet et les réseaux sociaux.

Un jeune couple chiite et sunnite suscite la polémique

Le débat sur le mariage civil a récemment gagné en ampleur au Liban, après que Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, un jeune couple chiite et sunnite, se soit symboliquement marié civilement en novembre 2012. C’était une « première » au Liban, un pays qui n’autorise que les unions religieuses. Ce couple a officiellement demandé au ministère de l’Intérieur de reconnaître son union. Les deux époux avaient d’abord dû effectuer une procédure administrative consistant à effacer leur confession des documents officiels. Après une année de démarches, ils ont signé un contrat de mariage devant un notaire.

« Des dignitaires s’opposent au mariage civil, mais cela ne change rien à mes convictions et à ma quête pour aiguiller le train sur les bons rails », a expliqué Michel Sleiman sur son compte Twitter. Selon le quotidien libanais « L’Orient-Le Jour » du 13 février, un « oui » du ministre de l’Intérieur Marwan Charbel ferait jurisprudence et nécessiterait une loi locale pour régir les effets du mariage civil facultatif au Liban.

La balle est dans le camp du ministre Charbel

Le 12 février, la plus haute instance judiciaire consultative du Liban avait reconnu la légalité de l’union de Khouloud Sukkarieh et Nidal Darwiche. Selon cette consultation, « tout Libanais qui n’appartient à aucune communauté religieuse a le droit de contracter un mariage civil au Liban. De plus, le notaire est la référence spécialisée qui unit le couple et certifie le contrat de mariage civil. Par ailleurs, le couple a la liberté de décider de la loi civile (étrangère) à la base de son union. Enfin, il n’y a rien qui interdise l’enregistrement du contrat de mariage de Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche dans les registres d’état civil », les conjoints ayant rayé la mention de leur religion sur le registre.

Le quotidien francophone écrit que « la balle est aujourd’hui dans le camp du ministre Charbel, qui doit trancher ».

L’ancien président libanais Elias Hraoui avait proposé en 1998 une loi similaire qui avait été acceptée par le gouvernement mais retirée devant une levée de boucliers des autorités religieuses, relève « L’Orient-Le Jour ». Si les autorités chrétiennes ne se sont pas encore officiellement prononcées sur cette question qui agite un pays régi par le « confessionnalisme », les autorités religieuses sunnites rejettent toute idée de mariage civil. Le Haut Conseil chiite s’est également exprimé contre la légalisation du mariage civil et a appelé à un dialogue sur la question entre les différentes communautés religieuses.

Un pays qui connaît encore les codes du « statut personnel »

Au Liban, en vertu des codes du « statut personnel », les chefs des 18 communautés religieuses régissent les questions relatives au mariage, au divorce, à la succession, à la garde parentale et à d’autres aspects de la vie d’une personne. (apic/orj/be)

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