Assemblée générale 2013 à Notre-Dame de la Route
Villars-sur-Glâne, 5 mai 2013 (Apic) La population de Bethléem étouffe derrière le mur de séparation israélien, les gens souffrent terriblement de cet enfermement, a souligné le 4 mai Jacqueline Mardelle, présidente des Amis de la Crèche de Bethléem. Cette institution accueille en Palestine des enfants abandonnés ou orphelins. L’association suisse, qui la soutient financièrement, tenait son assemblée générale samedi au centre spirituel et de formation de Notre-Dame de la Route.
Une bonne soixantaine de personnes avaient fait le déplacement à Villars-sur-Glâne, venant de toute la Suisse romande mais également de la France voisine, pour approuver les comptes de cette association fondée à Fribourg en 2005. Ses membres, de véritables militants, fournissent bon an mal an à la Crèche de Bethléem un soutien financier de l’ordre de CHF 150’000. Sans ces soutiens extérieurs, pas de survie pour cette institution qui accueille près d’une centaine d’enfants de 0 à 6 ans, la plupart en détresse, sous-alimentés, parfois battus, violés, jetés hors du foyer ou abandonnés dans une carton sous un porche, dans la rue ou devant une mosquée.
Outre des dons pour 125’000 francs et quelque 12’000 francs récoltés grâce à la mise sur pied de manifestations et concerts, près de 22’000 francs ont été gagnés dans la rue l’an dernier par une équipe de « soukeuses de choc », comme l’a rappelé la présidente de l’association suisse. En effet, partout en Suisse romande et au-delà, des « petites mains si discrètes » organisent des souks où se vendent des crèches de Noël en bois d’olivier fabriquées dans les ateliers de Bethléem, « produisent des superbes bougies ou tricotent l’hiver de magnifiques écharpes ».
Un de ces souks s’est même déplacé à Montréal, rapporte la présidente, faisant ainsi connaître au Québec l’œuvre fondée à Bethléem il y a plus d’un siècle par les Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, qui perpétuent ainsi leur mission d’accueil des plus pauvres et des plus démunis.
En Suisse, ce soutien a vu le jour en 2005 suite à un voyage en Terre Sainte sous la conduite du Père jésuite Jean-Bernard Livio, de la communauté de Notre-Dame de la Route. Ce religieux, archéologue et bibliste, passe une partie son temps au Moyen Orient, où il conduit des groupes « Bible en mains » et leur fait connaître la Crèche de Bethléem, dirigée depuis un an et demi par une religieuse vincentienne française, Sœur Elisabeth Noirot.
Venue tout exprès de Bethléem où elle vit avec son mari palestinien et ses enfants Hakam (20 ans) et Myriam (18 ans), Elisabeth Julen Abou Laban travaille depuis 13 ans dans le programme pédagogique de la Crèche de Bethléem. Elle axe une bonne partie de son travail sur l’art. La Valaisanne avait auparavant travaillé comme infirmière (de 1986 à 1991) au Caritas Baby Hospital de Bethléem.
A travers l’expression artistique et des activités de psychomotricité, elle amène ces enfants, qui au début n’ont pas forcément beaucoup d’assurance, à s’épanouir et à regagner l’estime de soi. « Beaucoup d’émotion se transmet par la musique, la peinture, surtout l’aquarelle ». Enfants abandonnés ou venant de conditions familiales précaires, ils progressent au contact d’enfants de familles sans difficultés, bien structurées.
« Auparavant, les gens à Bethléem regardaient avec suspicion cette Crèche recueillant les ›enfants du péché’, nés hors mariage et abandonnés. C’était il y a des années, car aujourd’hui, la liste d’attente est énorme. Nous avons de nombreuses demandes de tous les milieux. Pour nous, il est important que des enfants venant de milieux perturbés côtoient des enfants de familles équilibrées ».
Une des difficultés que connaît la Crèche est d’ordre socioculturel et ne dépend pas de l’appartenance religieuse. Si l’on rencontre à Bethléem des familles musulmanes très ouvertes, on peut aussi avoir affaire à des familles chrétiennes très conservatrices. La plupart des filles venant travailler à la crèche n’ont pas de diplôme et viennent plutôt d’un milieu traditionnel, très « coincé ». « Il y a tout un travail à faire avec elles. Le rapport au corps est difficile dans les sociétés orientales, beaucoup est basé sur le prestige, ›l’honneur’ », explique Elisabeth Julen Abou Laban.
Dans ce contexte, il est impossible d’être une mère célibataire. « Les filles mères cachent leur grossesse; nous les accueillons à la Crèche, où elles rendent de petits services. Elles sont obligées de faire une césarienne, avant que la famille ne se rende compte qu’elles sont enceintes… sinon cela équivaut à une condamnation à mort. Si elles ont un enfant sans être mariées, ces filles sont souvent victimes de ›crimes d’honneur’ ».
La Valaisanne confie à l’Apic le profond traumatisme qu’elle a vécu à la Crèche quand une jeune fille ayant eu un enfant hors mariage a cru pouvoir rentrer dans sa famille. Elle avait pourtant reçu l’assurance d’être accueillie. Attirée dans un piège, elle a été égorgée par un parent… Le poids des traditions reste très lourd dans certains milieux! A cela s’ajoute le fait que l’islam ne connaît pas l’adoption: les enfants abandonnés, quand ils trouvent une famille d’accueil locale, ne peuvent recevoir le nom de cette famille. « Les enfants non reconnus, les enfants trouvés, auront des difficultés à trouver un conjoint… Ils vont porter cela toute leur vie ! «
La situation d’enfermement que vivent les Bethléhémites derrière le mur de séparation israélien de 8 m de hauteur, passant au milieu des propriétés palestiniennes, ne provoque plus de révolte, mais une sorte d’abattement fataliste. Une lueur d’espoir pourtant: les enfants de la Crèche ont pu sortir de ce ghetto le 16 février dernier et visiter le zoo de Jérusalem. Ce véritable petit miracle a eu lieu grâce à l’intervention du brigadier général Motti Elmoz, qui ne passait pourtant pas pour un tendre quand il dirigeait l' »Administration civile en Judée-Samarie », dépendant de l’armée israélienne.
« Un émerveillement pour nous de rencontrer tous ces drôles d’animaux montrés tant de fois en images par nos éducatrices, et un bonheur immense pour nos nurses de recevoir une permission pour Jérusalem », écrit Sœur Elisabeth, la directrice, dans son courrier pour Pâques 2013 (cf.www.creche-bethleem.ch). « Ce brigadier général était venu en civil visiter la Crèche, il a été impressionné et très touché, souligne le Père Livio. Les barrières sont tombées, et grâce à lui, pour le moment, on peut emmener nos enfants à la mer ». (apic/be)
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