«C'est un peu comme rentrer chez soi» à 2'434 mètres d'altitude

Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse (11)
Ziteil, dans les Grisons, est le lieu de pèlerinage le plus haut d’Europe

Ziteil, 26 juillet 2013 (Apic) Les montagnes suisses regorgent de cabanes du Club Alpin, de stations de téléphériques et de buvettes d’alpage. Mais le lieu de pèlerinage marial de Ziteil, dans le canton des Grisons, n’est à nul autre pareil. Depuis l’apparition de la Vierge à une fille et à un garçon, il y a plus de 400 ans, des milliers pèlerins se rendent chaque année à « Nossadonna da Ziteil » à 2’434 mètres d’altitude.

Lorsque l’on s’arrête, on n’entend que sa propre respiration, et parfois le sifflement d’une marmotte, le vent frais qui caresse le visage ou encore le bruit lointain d’un ruisseau. L’Alpe Munter, à 1’952 mètres d’altitude, se trouve juste en dessous. L’environnement devient toujours plus montagneux: herbage plus court, quelques gentianes et, sur la gauche, les pentes du Piz Toissa (2’657 m) avec ses éboulis et ses névés éparses. La sueur collante refroidit le dos. Et on sent que le soleil va bientôt disparaître derrière les sommets.

Un lieu de pèlerinage dans un environnement aride

A 14h, le point de départ de la montée vers Ziteil, le lieu de pèlerinage le plus haut d’Europe, dans la chaîne de l’Oberhalbstein, a été le village de Salouf avec ses 200 habitants. Plus de trois heures plus tard, le chemin continue de monter, dans la cuvette entre le Piz Toissa et le massif du Piz Curvér. Mais il n’y en a plus pour longtemps. A la fin de ce tronçon, le panorama s’ouvre tout à coup vers l’est, jusqu’au Corn da Tinizong (3’173 m) et sur la vallée jusqu’à Savognin. Le lieu de pèlerinage de Ziteil, avec son église et sa maison des pèlerins, émerge à peine des pentes arides dans la lumière du soir.

Paul Schlienger, chapelain de Ziteil et curé de Mon, Riom et Stierva, trois petites paroisses de la vallée, nous accueille dans la cuisine de l’abri des pèlerins. L’homme de 50 ans, chemise noire, col romain et tablier blanc, remue le contenu des casseroles posées sur une cuisinière à bois. Le repas du soir des pèlerins sera composé de soupe, salade et riz Casimir. « Ici, sur les hauteurs, on n’a pas besoin de professeurs », affirme le cuisinier et diplômé de l’Ecole hôtelière. Paul Schlienger anime la prière du rosaire le samedi soir et la messe pour les pèlerins le dimanche matin, et se tient à disposition pour les confessions.

Le factotum de Zitail

En tant que chapelain, il est chargé de faire fonctionner le lieu de pèlerinage, avec le soutien de bénévoles. Le prêtre cuisine, dégage en juin les dernières plaques de neige sur le chemin pédestre vers Ziteil, transporte la marchandise, coupe du bois, purge et nettoie en automne l’ensemble des conduites d’eau de la maison. Il fait tout cela depuis 1999. « L’hospitalité est l’Alpha et l’Omega de mon activité », affirme-t-il. Un homme en jeans avec un tissu sur la tête apparaît sur le pas de la porte. C’est un berger, qui est aussitôt invité par le prêtre à souper.

Chaque année, ce sont entre 4’000 et 4’500 pèlerins qui se rendent à Ziteil, selon les estimations de Paul Schlienger. La saison des pèlerinages dure de juillet à septembre. Les dortoirs de l’abri peuvent accueillir jusqu’à 170 personnes. En cette fin de semaine de juillet, 25 personnes, y compris les aides, passeront la nuit dans ces installations rudimentaires. Ceux qui cherchent le confort se sont trompés de chemin. Il n’y a ni eau chaude, ni douches. Et lors de la prière du rosaire, qui débute à 21h dans l’église, le froid engourdit plus d’un fidèle.

Flot impressionnant de pèlerins, déjà tôt le matin

Le dimanche, le flot des pèlerins est impressionnant. La cloche sonne à 6 heures, alors que le soleil est encore caché par les sommets environnants. A peine une heure plus tard, les premiers fidèles attendent devant l’église. L’auberge des pèlerins se remplit de visiteurs venus se régénérer avec un petit-déjeuner au terme de leur marche matinale. Ce sont des familles, des couples ou des personnes seules. On entend parler le romanche. Le prêtre – aussi enjoué et joyeux que la veille au soir – passe de table en table, échange des poignées de mains et distribue des friandises aux enfants.

Beaucoup de pèlerins proviennent de la région. Certains d’entre eux sont des Grisons qui ont quitté leur canton. C’est le cas de Battist. Agé de 58 ans, il est natif de Savognin et vit actuellement à Zurich. « Je suis attiré chaque année par ces hauteurs. Ca fait partie de moi-même », affirme-t-il, tout en montrant la croix du pèlerinage sur son sac à dos.

Sœur Maria Baptista Klötzli, aux cheveux châtains bouclés, porte une veste polaire brune. Elle a amené son chien. « C’est un lieu où l’on se trouve près du ciel, dans la nature, dans l’église. Quand on fait chaque année le pèlerinage à Ziteil, c’est un peu comme rentrer chez soi », affirme la femme de 49 ans, qui vit seule depuis 4 ans au « Tschütschi », un ermitage au-dessus de Rickenbach, dans le canton de Schwyz.

Lorsque la messe débute, à 8 heures, tous les bancs sont remplis jusqu’au dernier. Le chœur mixte de Stierva chante à la tribune. L’abbé Schlienger salue les fidèles en romanche. Pour cet Argovien, il est important d’utiliser la 4e langue nationale pour une grande partie de la liturgie.

Ziteil est également un lieu reconnu pour faire pénitence. A cet effet, avant et après la célébration, les escaliers sous l’église accueillent des fidèles qui montent à genoux les marches une à une.

Le chemin du retour vers Salouf permet de découvrir d’autres formes de pénitence: des jeunes en VTT qui transpirent et respirent en haletant. Ils arriveront bien plus tard que la majorité des pèlerins. Mais le chapelain sera là pour eux, et les accueillera avec amabilité et hospitalité. Comme tout le monde.

Encadré:

La Vierge appelle les gens d’Oberhalbstein à se repentir

Selon la tradition, Marie est apparue à une jeune fille de 18 ans et à un garçon de 16 ans dans l’Oberhalbstein et leur aurait dit à plusieurs reprises: « Allez dire aux gens d’Oberhalbstein qu’ils ont bien trop péché. S’ils ne s’amendent pas, Dieu les punira sévèrement, de sorte que non seulement les fruits des champs dessècheront, mais que tous ses habitants mourront ». Lorsqu’on commença à organiser des processions, les fruits desséchés se mirent à reverdir.

Une église est mentionnée dès 1679. Elle est reconsacrée en 1710, transformée en 1846-1849, puis reconstruite en 1959, indique le Dictionnaire historique de la Suisse. Elle attire de nombreux pèlerins, pour qui une maison fut construite en 1848 et agrandie en 1914 et en 1949. Le site a inspiré des écrivains romanches (Alexander Lozza, Alfons von Flugi), des musiciens (Ernst Broechin) et des peintres (Giovanni Segantini).

La saison des pèlerinages dure de juillet à septembre, mais le lieu de pèlerinage n’est ouvert qu’en fin de semaine. La maison du pèlerin peut accueillir 170 visiteurs dans les dortoirs. On ne peut atteindre Ziteil qu’à pied. Le parking de Munter, à 1’860 mètres d’altitude, est payant.

Informations sur le site www.ziteil.org

Encadré:

Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse

A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 14 dans une série consacrée aux « Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse ».

Déjà parus: La Collégiale Ste-Vérène à Zurzach (AG), la Basilique Notre-Dame de Genève, la Grotte de Sainte-Colombe à Undervelier (JU), Notre-Dame de Fatima à Ponthaux (FR), Notre-Dame de l’Epine à Berlens (FR), le pèlerinage d’Heiligkreuz (LU), Notre-Dame de Lourdes à Zurich-Seebach (ZH), l’ermitage de Longeborgne (VS), Maria Rickenbach (NW), Maria Dreibrunnen à Wil (SG) et Ziteil (GR).

A paraître: la chapelle de l’Immaculée à Quarten (SG), la chapelle de Notre-Dame à Hergiswald (LU) et les gorges de Sainte-Vérène à Soleure.

Note: Des photos de ce pèlerinage sont disponibles au prix de 80 francs la première et 60 francs les suivantes. A commander à kipa@kipa-apic.ch

(apic/bal/bb)

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