Etats-Unis: Un journaliste protestant loue les récents propos du pape sur les homosexuels
Washington, 31 juillet 2013 (Apic) Alléluia! 2013 est peut-être l’année où le fait d’être chrétien est redevenu cool. On peut remarquer que, durant les dernières décennies, le christianisme a été politiquement dominé par une coalition qui se décrit elle-même comme « la droite religieuse ». Peu de gens se souviennent donc qu’il fut un temps, durant le XXe siècle, où les chrétiens étaient considérés comme « cools » et qu’on accordait à leur parole une signification puissante et prophétique sur les grandes questions de notre époque.
Il fut un temps où des leaders chrétiens tels que Martin Luther King, les frères Berrigan, Thomas Merton…Reinhold Niebuhr ou encore Jean XXIII offraient le cadre conceptuel de base pour comprendre l’importance du christianisme pour le monde.
Collectivement, ces hommes et ces femmes ont donné à l’humanité les pensées philosophiques les plus profondes et les réflexions sociales les plus pertinentes qui soient. Ils ont inspiré une génération entière de jeunes qui se sont engagés dans la réconciliation raciale, la protection de l’environnement, la justice économique et l’activisme anti-guerre. Tout en nourrissant l’esprit de ces mouvements, ils ont pris le chemin de justice et de paix prescrit par Jésus.
En ces temps-là, lorsque vous disiez être chrétien, c’était souvent les noms de ces leaders qui venaient à l’esprit des gens. Et ils étaient « cools », je veux dire pertinents, convaincants, avant-gardistes et visionnaires.
Malheureusement, dans l’histoire récente, cela a disparu. Et la conscience collective américaine est si pervertie que lorsqu’un étranger me dit qu’il est chrétien, cela me porte, moi, un pasteur chrétien, sur les nerfs. Imaginez alors ce que cela doit faire à une personne d’une autre religion ou sans confession.
Les médias ont une part de responsabilité dans cet état de fait. Il y a peu, lorsqu’ils voulaient présenter un ‘vrai chrétien’, ils se tournaient le plus souvent vers Jerry Falwell, Tony Perkins ou James Dobson. Le profil du chrétien qui en ressortait représentait un large éventail, mais certainement pas universel, de la chrétienté contemporaine.
Le profil général du chrétien qui a émergé de la sphère médiatique au cours des dernières décennies a été celui d’une personne qui ne croit pas en l’égalité entre hommes et femmes, qui rabaisse les homosexuels, qui est opposé à la science, particulièrement en ce qui concerne l’évolution et le changement climatique, qui est soupçonneux vis-à-vis des personnes d’autres religions et sans religion, et qui a une orientation militariste en politique extérieure.
En bref, cela fait belle lurette qu’il n’a pas été « cool » d’être chrétien.
Mais 2013 pourrait être l’année du changement.
Cette semaine a été une semaine chrétienne particulièrement « cool ». A commencer par les initiatives de l’étonnant pape François, lorsque durant son séjour à Rio de Janeiro, pour les JMJ, il a absolument tenu à visiter la favela voisine, une prison et un centre de désintoxication pour drogués. En même temps, il a continué à parler des pauvres et des inégalités d’une façon plus puissante et pertinente que ne l’a fait aucun homme politique depuis longtemps: « Personne ne peut rester insensible aux inégalités qui persistent dans le monde! Aucune initiative de construction de la paix ne pourra durer, l’harmonie et le bonheur ne pourront aucunement être atteints dans une société qui ignore, marginalise ou exclut une partie d’elle-même ». En d’autres mots: Pas de paix sans justice.
Le pape François a évoqué de façon adéquate l’injustice du système financier mondial et l’indifférence que le monde porte aux pauvres et aux marginaux. Le fait que le pape n’avait jusqu’ici pas parlé des droits et de la dignité des homosexuels avait été remarqué. Cela a duré jusqu’au 29 juillet dernier, quand le pontife a choqué le monde en se demandant « qui suis-je pour juger une personne gay? ». Il a ainsi ouvert une porte aux prêtres gays et fondamentalement adouci la ligne plutôt dure adoptée jusqu’ici par l’Eglise envers les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres).
C’est cool.
Le pape n’a pas été le seul leader religieux à faire parler de lui cette semaine au sujet des homosexuels. Le 26 juillet dernier, l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu a ébranlé pas mal de consciences en affirmant qu’il préférait aller en enfer que dans un paradis homophobe. L’icône du mouvement anti-apartheid a fait cette déclaration à l’occasion du lancement du programme des Nations Unies pour les droits des homosexuels en Afrique du Sud: « Je ne célèbrerais pas un Dieu homophobe, c’est ce que je ressens profondément en moi. Je suis aussi engagé dans cette campagne que je l’ai été contre l’apartheid. Pour moi, c’est au même niveau ».
Vraiment cool.
Mais nous n’avons là que les toutes dernières initiatives de ces chrétiens « cools » qui font des choses pertinentes et convaincantes. L’Eglise Unie du Christ a récemment décidé de retirer les investissements qu’elle avait placés dans l’exploitation d’énergies fossiles. L’Eglise anglicane des Etats-Unis est dirigée par une femme étonnante, Katharine Jefferts Schori, qui est à la fois pasteur et scientifique et qui mène de front le dialogue entre la science et la religion. Les évangéliques jouent un rôle de pointe dans la lutte contre le changement climatique, les évêques catholiques américains font du lobbying pour réformer la loi sur l’immigration, le patriarche orthodoxe Bartholomée Ier de Constantinople est surnommé le « patriarche vert » pour son engagement en faveur de l’environnement. De nombreux chrétiens s’impliquent dans un dialogue innovant et crucial avec les autres religions et avec les gens sans religion. Des pasteurs et prêtres, partout aux Etats-Unis et dans le monde travaillent quotidiennement avec amour et compassion pour venir en aide aux plus démunis.
J’ai à ce sujet une anecdote à mentionner. Lors de la dernière Gay Pride de New York, j’ai invité un couple d’amis homosexuels dans une église où officie un pasteur de ma connaissance. Il célébrait ce jour là une ‘messe disco’, et j’ai pensé que mes amis seraient intéressés à venir jeter un œil. Leur intérêt s’est confirmé. Nous avons passé un très bon moment à l’église. Mes amis ont énormément apprécié le pasteur, son style décontracté et branché et son sermon intelligent et convaincant. Ils ont adoré l’esprit de communauté régnant dans le groupe et ont soutenu que les idées entendues leur serviraient pour bien commencer la Gay Pride.
A vrai dire, aucun d’entre eux n’avait jamais été à l’église de sa propre volonté auparavant. Et peut-être n’y retourneront-ils jamais. Là n’est pas mon souci. Ce sont des gens merveilleux, spirituels et avec un grand sens éthique. Je n’attends pas d’eux qu’ils deviennent chrétiens.
Néanmoins, en participant à cette cérémonie, ils ont compris un petit peu plus les raisons qui me poussent à être chrétien et comment le christianisme guide ma vision du monde et mes actions. Et même si l’aperçu fut bref, ils en sont ressortis avec un respect encore plus grand pour ma foi.
Si plus de chrétiens peuvent parler de la même façon que l’ont faite le pape François et l’archevêque Tutu cette semaine, et beaucoup l’ont fait ces derniers temps, cela changera la façon dont les gens voient Jésus et la foi qu’il inspire en nous.
Et ça sera tellement « cool ».
*Paul Brandeis Raushenbush est le rédacteur en chef de la rubrique ‘religion’ du quotidien américain en ligne « Huffington Post ». Pasteur baptiste, il est également auteur de plusieurs ouvrages sur le christianisme dans le monde contemporain. (apic/huffpost/rz)
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