Evincé pour avoir critiqué la position de l'Eglise

Pologne: L’archevêque Henryk Hoser confirme le renvoi du prêtre « rebelle » Lemanski

Varsovie, 14 août 2013 (Apic) Mgr Henryk Hoser, archevêque de Varsovie-Praga, a confirmé le renvoi du prêtre Wolciech Lemanski de sa paroisse de Jasienica, à l’est de la Pologne, rapporte le 13 août 2013 le quotidien polonais « Gazeta Wyborcza ». Le prêtre, progressiste et proche des milieux juifs, avait critiqué la position de l’Eglise polonaise, notamment sur l’avortement et la fécondation in vitro. Après avoir été démis de ses fonctions à la mi-juillet, il a fait appel de la décision auprès de sa hiérarchie et du Vatican.

« Dans sa lettre de justification, le prêtre (Wojciech Lemanski, ndr) se perd dans des acrobaties formelles… La gouvernance inefficace de sa paroisse, ainsi que l’atmosphère de révolte et d’irrespect envers la hiérarchie de l’Eglise que le prêtre a semé parmi ses fidèles, renforce la justesse de la décision (de renvoi, ndr) », a écrit Mgr Hoser dans sa réponse à l’abbé Lemanski. Le prêtre « rebelle » a affirmé qu’il attendait maintenant beaucoup du recours déposé auprès de la Congrégation pour le clergé, au Vatican.

Confrontation entre deux Eglises

Ce conflit, opposant un charismatique prêtre de campagne et son évêque, a été extrêmement médiatisé en Pologne. L’affaire est le reflet de profondes tensions entre courants progressistes et conservateurs au sein de l’Eglise du pays.

L’abbé Wojciech Lemanski, 53 ans, a été démis de ses fonctions pour avoir critiqué sur son blog un document de l’épiscopat polonais condamnant en bloc la fécondation in vitro, l’avortement, l’euthanasie et la contraception. Wojciech Lemanski a notamment récemment pris la défense d’Agnieszka Ziolkowska, première Polonaise à être née, il y a 26 ans, grâce à la fécondation artificielle et qui a décidé de quitter l’Eglise catholique, estimant que cette dernière stigmatisait les enfants nés par ce biais. Le débat sur la fécondation in-vitro a été relancé en Pologne après que le gouvernement libéral de Donald Tusk a introduit en juillet, malgré une opposition virulente de l’Eglise, un programme national de financement de cette méthode.

Une Eglise « qui ressemble à celle du nouveau pape »

Mgr Henryk Hoser a estimé que les opinions présentées par l’abbé Lemanski provoquaient « des dommages importants et de la confusion au sein de la communauté de l’Eglise ».

« C’est une nouvelle étape dans la confrontation entre une Eglise ouverte et une Eglise fermée », expliquait à la mi-juillet à l’AFP Stanislaw Obirek, théologien polonais, universitaire et ancien jésuite. Selon lui, l’abbé Lemanski représente une Eglise « qui ressemble à celle du nouveau pape », une Eglise qui est à l’écoute des gens, proche de leurs problèmes quotidiens par opposition à une Eglise autoritaire, hiérarchisée, ne supportant aucune critique. « L’abbé Lemanski s’élevait contre le langage utilisé par l’Eglise polonaise qui est blessant pour les gens qui pensent différemment notamment au sujet de la fécondation in vitro, de l’avortement, ou de l’homosexualité », Stanislaw Obirek le qualifiant de « langage de haine ».

Une affaire « impensable à l’Ouest »

Adam Szostkiewicz, spécialiste de l’Eglise à l’hebdomadaire de gauche « Polityka », souligne que « l’abbé Lemanski ne remet pas en question la doctrine de l’Eglise elle-même. Ce n’est pas un révolutionnaire. Il s’est juste prononcé en accord avec sa conscience, contre des déclarations stigmatisant les gens, dont la dignité a été bafouée » estime-t-il. « L’Eglise polonaise de l’après Jean Paul II a un problème avec la démocratie, et ce conflit en est la preuve visible », estime Adam Szostkiewicz. « Ce qui ce passe autour de l’abbé Lemanski ne serait pas possible à l’Ouest, où cette absence de dialogue, cette utilisation de la force brute contre un prêtre serait impensable. Les fidèles ne se laisseront pas faire non plus. La graine a été semée. Les paroissiens de Lemanski ne l’oublieront pas. L’étincelle d’une réflexion citoyenne ne s’éteindra pas », assène-t-il.

Un prêtre engagé dans le dialogue avec les juifs

Wojciech Lemanski s’est principalement fait connaître du public après 2001, par son engagement dans le dialogue entre catholiques et juifs. A cette époque, l’antisémitisme catholique polonais a été mis au pilori, notamment avec la révélation du massacre de Jedwabne en 1941, lors duquel des villageois polonais ont tué 340 de leurs voisins juifs. L’abbé Lemanski est devenu l’un des premiers parmi une poignée de prêtres à commémorer chaque année ces atrocités. Il préside également régulièrement des veillées de prières au camp de concentration de Treblinka, où des centaines de milliers de juifs ont été assassinés. (apic/ag/rz)

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