Argentine: Décès de Clelia Luro de Podesta, militante pour le mariage des prêtres
Buenos Aires, 8 novembre 2013 (Apic) Cleria Luro, veuve de Jeronimo Padesta, l’ancien évêque de Avallaneda, en Argentine, figure centrale du Mouvement des Prêtres pour le Tiers monde, est décédée lundi 4 novembre à l’hôpital de Güemes, à Buenos Aires, où elle était hospitalisée depuis plusieurs jours. Amie du pape François, elle avait prédit son élection. Ce qui lui avait valu, de la part du Saint-Père, l’affectueux surnom de « méchante sorcière ».
Née en 1927 dans une famille fortunée du quartier de Recoleta, à Buenos Aires, Cleria Luro a étudié au Collège du Sacré Coeur. Dès sa jeunesse, elle sentit une profonde vocation religieuse et une volonté d’entrer dans les ordres. Une vocation qui n’était déjà pas exempte d’un regard critique sur l’institution Eglise, dont elle déplorait parfois son « éloignement à l’égard de l’Evangile et du message de Jésus ».
En 1950, Cleria Luro épouse Patron Costas et part vivre à Salta, à 1’500 km au nord de Buenos Aires, près des frontières chiliennes et boliviennes. Son mari est ingénieur dans une entreprise de production de sucre et impliqué dans la politique. Elle découvre alors les conditions de vie et de travail inhumaines endurées par les ouvriers de la canne à sucre. Ayant acquis des notions de médecine préventive au sein de la Croix Rouge, Cleria sillonne à cheval la région où elle apporte les soins et des conseils de nutrition aux populations pauvres. Elle avouera plus tard que la confrontation à cette réalité brutale lui a fait « acquérir une conscience ». En 1960, Cleria Luro se sépare de son mari. Elle rentre alors à Buenos Aires avec ses cinq filles et une sixième dont elle est enceinte.
C’est à ce moment là que son destin va croiser celui de Jeronimo Podesta, alors évêque d’Avellaneda. Pour se nourrir, Clelia Luro se fait embaucher dans une banque. « En 1966, a t-elle expliqué dans une interview accordée en août dernier au quotidien brésilien Folha de Sao Paulo, un prêtre ami de Salta, qui était alcoolique, m’a écrit pour me demander de prendre contact avec l’évêque d’Avellaneda pour qu’il puisse l’aider. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Jeronimo. Il est parvenu à faire venir le prêtre à Buenos Aires pour y être soigné. Nous sommes restés proches et je suis devenue sa secrétaire ».
Peu aimé par les militaires à cause de ses sermons engagés, ses prises de positions politiques mais aussi son charisme, Mgr Jeronimo Podesta devient vite une persona non grata pour le pouvoir dictatorial argentin, qui demande d’ailleurs à Rome de lui retirer le diocèse d’Avallaneda. Le Vatican enjoint alors Mgr Jeronimo Podesta de licencier Cleria Luro. Devant son refus, Rome lui retire le diocèse d’Avallaneda. Pire, à la fin de l’année 1967, le Vatican lui interdit d’exercer son ministère. « Jusqu’alors, il nous était impossible de former un couple. A vrai dire nous ne pensions même pas à ça. Mais après la décision du Vatican, nous avons décidé de nous marier », explique Cleria Luro.
En 1974, le couple s’exile au Pérou et vit dans des conditions économiques précaires, avant de revenir vivre à Buenos Aires en 1980, après la fin de la dictature. En 1984, Clelia et son mari se rendent à Rome. Il y assistent à la première réunion de la Confédération internationale des prêtres catholiques mariés. A leur retour, ils créent la Fédération latino-américaine, encore très active aujourd’hui. Leur credo? « Nous souhaitons seulement que Rome nous regarde. Nous ne sommes pas contre le célibat, mais nous voulons qu’il soit facultatif ». Un combat que mènera jusqu’au bout Jeronimo Podesta, assurant même la présidence du mouvement jusqu’à sa mort, le 23 juin 2000, à l’âge de 79 ans.
Un mois avant de mourir, Jeronimo Podesta avait demandé à Clelia Luro de prendre contact avec Jorge Maria Bergoglio, le futur pape François, alors archevêque de Buenos Aires. « Il m’avait assuré que selon lui, Bergoglio était un jésuite intelligent qui l’écouterait ». Il avait raison. « Ils sont restés à parler pendant deux heures, se souvient Clelia Luro. Et Jeronimo était ravi de cet entretien ».Après la disparition de Jeronimo Podesta, Bergoglio est resté bien présent. « Il a été pour moi un bon interlocuteur lorsque j’étais mal à cause de l’absence de Jeronimo, avait assuré Cleria Luro à la Folha de Sao Paulo. Il m’appelait tous les dimanches et cela me remplissait de forces. Il était devenu un ami ». Un ami qui l’appelait de Rome tous les quinze jours.
Affection, conviction ou intuition? Peu importe. Toujours est-il que Cleria Luro assurait souvent son ami Jorge Maria Bergoglio qu’un jour il serait pape. « Il disait qu’il ne voulait pas ». En 2005, lorsqu’il était revenu du conclave ayant élu Benoît XVI, Clelia Luro avait même dit au futur pape François : « Vous avez fui, mais la prochaine fois vous ne pourrez pas ». Clalia avait alors assuré que Bergoglio s’était tourné vers elle en souriant et l’avait appelé « méchante sorcière ». (apic/jcg/bb)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/la-mechante-sorciere-du-pape-francois-n-est-plus/