La Semaine des religions invite à lever un coin du voile sur l’islam
Bienne, 10 novembre 2013 (Apic) Arracher l’islam à la gangue des préjugés, de la méconnaissance et du fantasme de l’extrémisme, tout en cultivant la transparence et l’ouverture. C’est avec cette ambition que la mosquée de Madretsch, l’une des plus anciennes de Bienne – elle date de 1993 –, a organisé le 9 novembre 2013 une journée portes ouvertes dans le cadre de la Semaine des religions, placée cette année sous le signe des jeunes.
« Notre lieu de culte ne fonctionne pas en vase clos. Nul besoin de montrer patte blanche à l’entrée. En clair, nous ne sommes pas repliés sur nous-mêmes, mais toujours prêts à tisser des liens au-delà des frontières confessionnelles », souligne Guilai Taher, président de l’Association des musulmanes et musulmans de Bienne (AMMB), qui chapeaute cette mosquée d’obédience sunnite fréquentée par quelque trois cents fidèles originaires pour la plupart des Balkans (Albanais, Kosovars, Macédoniens) et du Maghreb. Et l’agent d’assurances de souligner qu’elle est certes un lieu de rencontre, de formation, de solidarité pour les musulmans, mais également d’échanges interreligieux: « Nous avons récemment reçu en nos murs un groupe de réformés auxquels nous avons présenté les différentes facettes de l’islam ».
A l’intérieur de l’édifice religieux, dans un quartier très populaire de la capitale seelandaise, tout avait été mis en place samedi pour accueillir les curieux. Boissons, amuse-bouche, matériel didactique avec des affiches explicatives très pertinentes (« Pourquoi l’islam est-il souvent incompris? », « Qui est Mahomet? », « Quelles sont les différences entre christianisme, judaïsme et islam? »), brochures, livres, exemplaires du Coran alignés dans une salle de conférence, le tout dans un décor très dépouillé. La volonté d’aller vers l’autre avec générosité et sans prosélytisme pesant était palpable.
Hélas pour les organisateurs, hormis le défilé des fidèles absorbés par les cinq prières quotidiennes, une petite dizaine de visiteurs à peine ont franchi le seuil de la mosquée. Parmi ce public clairsemé, une personnalité bien connue à Bienne, le musicien Franz Anderegg. « Je suis venu par intérêt culturel, notamment pour écouter le chant des versets coraniques interprété par l’imam Ben Amor Boukthir. C’est une expérience fascinante, car la récitation est à l’origine de toute culture, alors que la musique spirituelle constitue le moyen le plus simple d’entrer en méditation », explique le professeur de la Haute Ecole de musique de Berne. Catholique non pratiquant, le Biennois se dit davantage intéressé par la spiritualité que par les religions. « Je ne connais pas l’islam en tant que tel, mais plutôt le soufisme et ses maîtres ivres de mysticisme ».
Au-delà de ce regard d’esthète, la très modeste affluence aux portes ouvertes est-elle le symptôme d’une forme d’indifférence à l’égard de la chose religieuse, confirme-t-elle les peurs et les clichés qui embroussaillent l’islam? « Les médias sont en partie responsables de la perception peu flatteuse de notre religion au sein de la population, s’emporte Mabrouk Mounir, vice-président de l’AMMB. Ils ne font pas l’effort d’expliquer au grand public ce qu’est réellement l’islam, lequel, faut-il le rappeler, prône la paix. Souvent, ils ne disent pas la vérité et insistent trop lourdement sur le terrorisme djihadiste. Or, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier. »
Pour le Macédonien Bari Halimi, les musulmans doivent mieux se faire connaître, dans le dessein de casser les préjugés qui les accablent. « C’est un fait, l’ignorance naît du manque de dialogue entre les différentes confessions. Dans ce contexte, les musulmans doivent davantage collaborer avec le grand public, avec les autorités, multiplier les initiatives afin d’améliorer l’image de l’islam », confie le responsable des finances de l’AMMB.
« La Semaine des religions a permis de normaliser les relations entre chrétiens et musulmans », déclare Liliane Lanève-Gujer, coordinatrice biennoise de la manifestation. Elle en dresse un bilan positif. « Le dialogue est vraiment devenu égalitaire, les initiatives se sont multipliées grâce, en premier lieu, aux communautés non chrétiennes qui ont fourni de gros efforts pour mettre sur pied des structures, organiser une vie associative, se faire connaître, s’ouvrir au public », explique l’ancienne députée écologiste au Grand Conseil bernois.
Et de citer les exemples du débat sur les jeunes organisé le 6 novembre dernier à Bienne sous l’impulsion des femmes musulmanes et des différentes manifestations interculturelles et interreligieuses qui rythment le calendrier biennois (une exposition intitulée « Voile & Dévoilement. Le voile dans tous ses états » se tient par exemple à l’église du Pasquart jusqu’au 15 novembre). Plus généralement, Liliane Lanève-Gujer estime qu’en thématisant de façon constructive la diversité confessionnelle, la Semaine des religions a atténué les craintes au sein de la population et contrebalancé une certaine ignorance religieuse.
« Pour nous, l’islam n’est pas uniquement une religion, mais un art de vivre. Or, le port du voile est une obligation par rapport à Allah, il nous permet d’être lié à Lui dans la vie quotidienne, d’approfondir chaque jour la relation que nous entretenons avec Lui. Il constitue en fait un pilier de la philosophie musulmane ».
Rencontrées samedi lors des portes ouvertes à la mosquée de Madretsch, deux jeunes Biennoises de confession musulmane expliquent avec beaucoup de simplicité, mais en gardant l’anonymat, l’importance d’un symbole religieux tel que le hijab (voile musulman qui recouvre les cheveux et le cou, mais pas le visage, à la différence du niqab et de la burqa). L’une est étudiante en droit à l’Université de Berne, l’autre effectue un stage de maturité commerciale dans la cité seelandaise. Les deux jeunes femmes d’origine tunisienne poursuivent: « On pourrait nous rétorquer que la foi peut et doit se vivre à titre privé, sans signe extérieur, mais dans notre religion, il est important de montrer son adhésion à Allah, à l’islam en général ».
Et qu’en est-il de l’intégration, du regard des autres? « Je côtoie des personnes de différentes confessions, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas vivre ensemble », explique l’étudiante en droit. Elle ajoute: « Certes, parfois je dois faire face à des questions, à des regards de personnes qui ignorent la réalité de l’islam. Mais en tant que représentante d’une religion minoritaire, il faut vivre avec ». Et de souligner: « Pour le reste, le port du hijab ne conduit pas à l’isolement. Bien au contraire, car comme le prescrit l’islam, vivre en société est un devoir ».(apic/eda)
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