Univers: La comète ISON, bientôt visible à l'œil nu, réveille les peurs de l'Apocalypse

Cent fois plus lumineuse que l’étoile du berger, ISON sera là pour Noël

Fribourg, 12 novembre 2013 (Apic) La comète ISON devrait être visible à l’œil nu en Europe pour les prochaines fêtes de Noël. L’astre voyageur pourrait briller 100 fois plus fort que la planète Vénus. Il n’en fallait pas plus pour que ressurgissent, en particulier dans la galaxie internet, les vieilles peurs millénaristes et apocalyptiques liées aux phénomènes célestes.

Depuis sa découverte en septembre 2012, la comète Ison, du nom du réseau international de télescopes qui l’a révélée, est l’objet de toutes les espérances astronomiques. C/2012 S1, de son petit nom scientifique, a en effet le potentiel pour devenir la comète la plus brillante depuis la Grande comète de 1680, qui était visible même en plein jour. Les spécialistes émettent l’hypothèse qu’elle pourrait briller 100 fois plus que Vénus, l’étoile du berger, voire même dépasser la luminosité de la pleine lune.

Comme c’est le cas pour de nombreux phénomènes naturels spectaculaires, cette prochaine apparition céleste fait ressurgir toutes sortes de théories et de prophéties apocalyptiques, en particulier au sein de la grande nébuleuse de l’internet.

Bon ou mauvais présage?

De tout temps, et dans pratiquement toutes les civilisations, les comètes ont été le réceptacle de puissants fantasmes de peur ou d’espoir. Tour à tour porteuses de vie et de mort, on a relié à leurs apparitions une somme considérable d’interprétations diverses, parfois paradoxales, souvent tirées par la chevelure.

Pour les premières civilisations déjà, les comètes étaient porteuses de messages extraordinaires. Pour les Babyloniens, elles avaient une influence sur les récoltes. Chez les Grecs, elles amenaient la sécheresse. En général, les peuplades de l’Antiquité y voyaient d’heureux présages. En revanche l’Europe chrétienne du Moyen Age, mais aussi les Arabes ou les civilisations précolombiennes, pensaient que ces phénomènes célestes étaient annonciateurs de catastrophes.

Les astres chevelus avaient aussi la réputation de jouer un rôle dans l’issue des grandes batailles. Mais sur ce point, l’interprétation de l’influence apportée par la comète dépendait fondamentalement de la situation de vainqueur ou de vaincu des belligérants. En 1066, l’apparition de la comète de Halley a été vécue comme un heureux présage par les Normands de Guillaume le Conquérant, qui venaient de faire passer aux Anglais le goût du thé à la bataille de Hastings. On se doute que ces derniers ont attribué au phénomène une influence moins positive. L’épisode, illustré sur la célèbre tapisserie de Bayeux, offre d’ailleurs l’une des plus anciennes représentations d’une comète.

On relia également, à partir d’un certain moment, l’apparition cométaire à la destinée des rois et empereurs. Le point de départ historique de cette inclinaison semble être, en 43 av J.C., la grande apothéose en l’honneur de Jules César assassiné peu auparavant. Aux dires des écrivains de l’époque Suétone et Ovide, une comète serait apparue durant les festivités, signalant la nature divine de Jules César.

Il a également été suggéré que l’étoile ayant guidé les rois mages jusqu’au Christ était une comète. Mais les recherches astrophysiques sur le sujet ne confortent pas cette hypothèse. On pense qu’il se serait plutôt agi d’un rapprochement spectaculaire entre les planètes Vénus et Jupiter, qui a eu lieu en l’an 2 après J.C..

Messagères de l’Apocalypse

Durant toute l’ère chrétienne, les comètes ont fait dresser sur leur tête la chevelure des savants et des ecclésiastiques. Des théologiens comme Hildegarde de Bingen (1098-1179) ou Albert le Grand (1200-1280) se sont appuyés sur les Ecritures saintes pour affirmer une influence funeste de ces astres. Dans le livre de Jérémie, il est dit que Dieu fait apparaître dans le ciel une branche, « une branche du veilleur » pour l’accomplissement de sa parole (Chapitre 1, versets 11 et 12). L’Evangile selon saint Luc à également été mis à profit dans le passage où il prédit qu' »il y aura des phénomènes effrayants et dans le ciel de grands signes » (Chapitre 21, verset 11). Au XVIe siècle, Andreas Celichius, l’évêque luthérien d’Altmark, en Allemagne, prétendait que les comètes étaient formées par « l’épaisse fumée des péchés humains ».

Du côté des scientifiques, les conceptions étaient tout aussi effrayantes. Ambroise Paré, le grand chirurgien du XVIe siècle, voyait dans la queue cométaire, « force épées, sabres, sang et monstres ». Johannes Kepler, l’astronome allemand des XVIe et XVIIe siècle, pensait que la queue des comètes balayant la terre provoquait des épidémies, notamment de peste.

Comètes et religion

Il est certain que les comètes ont toujours orbité dans le voisinage de la religion. L’astronome britannique William Napier pense même que ces astres sont liés à la naissance des religions. Dans un article de 2003 intitulé « Dieu, l’univers et les hommes – Pourquoi existons-nous? », il affirme qu' »il y a de bonnes preuves que le ciel néolithique ait été dominé par une comète géante récurrente et que la Terre soit passée de façon régulière à travers une tempête associée de météores de grande intensité ». Il en conclut, du fait que l’origine de la religion date de ces époques, qu’elle ait pu être liée à un ciel nocturne particulièrement spectaculaire. Il estime ainsi que les mythes cosmiques, les mégalithes et l’art datant de ces époques ont pu être « une réponse sur le sol aux menaces dans le ciel ».

Les peurs se réveillent

En cela, les hommes contemporains ne sont pas très différents de leurs ancêtres. Si le sentiment de menace se manifeste plus en blogs de panique qu’en blocs de granit, la peur véhiculée par les phénomènes célestes reste bien présente dans la psyché humaine. Un voyage dans l’espace numérique peut facilement nous en convaincre. De nombreux sites offrent ainsi des raisons de s’inquiéter de la prochaine apparition d’ISON. Un certain nombre d’internautes avertissent notamment, démonstration « scientifique » à l’appui, que des fragments de la comète frapperont la Terre. Plusieurs autres plateformes assurent qu’ISON provoquera une éruption solaire qui mettra fin à notre civilisation. Certains prétendent même que le bolide stellaire serait escorté de plusieurs autres objets célestes, qui pourraient être, soit la mythique planète Nibiru, soit un vaisseau géant extraterrestre. Au niveau religieux, certains sites voient dans l’arrivée de la comète, le « signe de Jonas », mentionné dans les Evangiles. Ce « signe » est interprété par certains comme un phénomène annonciateur de la « Fin des Temps ».

Dans un registre plus positif, des plateformes bibliques prétendent que la comète annonce le retour du Christ pour Noël 2013 et l’établissement du « Royaume de Dieu sur la Terre ».

Porteuses de vie et de mort

Quoiqu’il en soit, les comètes ont toujours eu ce double lien avec la destruction et le renouveau, avec la mort et avec la vie.

William Napier explique que la vision catastrophiste de l’influence des comètes sur la Terre est restée populaire jusqu’à la fin des années 1830. C’est seulement à l’époque victorienne que les scientifiques ont commencé à expliquer les phénomènes terrestres sans tenir compte des éléments célestes. « Les renaissances occasionnelles de la vision catastrophiste devint le domaine des cinglés », assure l’astronome. Cet état d’esprit prévalut jusqu’à la fin des années 1970. Les diverses découvertes scientifiques relatives aux comètes remirent alors les menaces cosmiques au goût du jour. A cette époque, de grands cratères d’impacts météoritiques sont retrouvés en nombre croissant. Les théories selon lesquelles les extinctions de masse de la préhistoire peuvent avoir été provoquées par des forces célestes trouvent de plus en plus d’écho. Suite à cela, la culture et notamment le cinéma, ancrent dans la mémoire collective la possibilité d’une destruction de l’humanité venant de l’espace.

Parallèlement, la science contemporaine a également révélé la possibilité qu’un objet céleste, probablement une comète, ait pu être à l’origine de la vie sur Terre. Loin du bolide incandescent destructeur de la race humaine, l’astre chevelu s’est ainsi également forgé l’image d’un bienveillant spermatozoïde interstellaire venu ensemencer l’ovule planétaire qui nous sert de plancher.

Ainsi, malgré les craintes apocalyptiques que l’on pourra éprouver à la vue de la comète ISON, il faudra se souvenir que, comme l’affirme William Napier, les comètes géantes « peuvent avoir été un facteur majeur dans l’évolution de la vie sur notre planète ». (apic/rz)

Encadré 1

Les comètes ou l’histoire d’une démythification

Dès l’Antiquité, une explication scientifique au phénomène appelé « cometa aster » (astre chevelu, en latin) a été recherchée, explique un article de l’Agence spatiale européenne (ESA). Pendant très longtemps, les comètes furent associées à des phénomènes atmosphériques. Selon la thèse exposée par Aristote (384 – 322 avant J.C.), des gaz inflammables s’échappent de fissures dans les roches, s’amassent dans les couches supérieures de la région sublunaire, et s’y enflamment. La libération rapide de ces gaz serait à l’origine des étoiles filantes tandis que leur dissipation lente provoquerait l’apparition d’une comète. Aristote n’avait pas de meilleure explication et était bien conscient des limites de ses connaissances.

A l’origine de catastrophes naturelles

L’hypothèse s’est également répandue au fil des siècles que les comètes étaient responsables des périodes de grandes sécheresses. Pour les philosophes naturalistes, ces astres apportaient de la chaleur, cette chaleur déclenchait des orages et ceux-ci des catastrophes naturelles. Le Romain Pline l’Ancien (né environ en 23 après J.-C.) classa ainsi les phénomènes cométaires en 12 catégories en fonction de leur apparence, attribuant à chaque catégorie un type de catastrophe naturelle.

Au-delà de la lune

Il fallut attendre les travaux de l’astronome danois Tycho Brahé en 1577 pour que soit définitivement réfutée la thèse de l’origine atmosphérique des comètes. Il étudia pendant deux mois et demi la trajectoire d’une comète dans le ciel. Grâce au phénomène de la parallaxe, qui donne l’impression que le corps céleste observé se décale de jour en jour, alors que c’est la position de l’observateur sur la Terre en rotation qui évolue, il put établir que la comète se trouvait au-delà de l’orbite lunaire.

La révolution Halley

La grande étape suivante dans l’observation scientifique des comètes fut franchie par l’astronome et physicien britannique Edmond Halley. En étudiant en 1705 les éphémérides des comètes dont il disposait, il établit que certaines trajectoires se ressemblaient. Il en déduisit qu’il fallait attribuer ces observations à une seule et même comète et vit juste en annonçant son retour: en décembre 1758 réapparut la comète qui porte désormais son nom. Ceci validait sa théorie selon laquelle les trajectoires apparemment paraboliques des comètes ne constituent qu’une partie de l’immense ellipse qu’elles décrivent.

Encadré 2

Avenir incertain pour ISON

On sait aujourd’hui que les comètes sont des corps célestes en mouvement constitués d’un noyau de glace et de poussière. Lorsqu’elles passent près du soleil, elles sont exposées à diverses forces émanant de l’astre: vent solaire, pression de radiation et gravitation. Le noyau s’entoure alors d’une sorte de fine atmosphère brillante constituée de gaz et de particules, appelée chevelure ou coma, souvent prolongée d’une traînée lumineuse composée de gaz et de poussière. Celle-ci peut s’étendre sur 30 à 80 millions de kilomètres.

La comète Ison vient tout juste d’entamer la dernière ligne droite de son long voyage. Elle frôlera le soleil aux alentours du 29 novembre. Les astronomes ignorent toujours si elle survivra à cette rencontre, et apparaîtra dans toute sa gloire, ou si elle disparaîtra, nous privant ainsi d’un spectacle céleste exceptionnel. (apic/rz)

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