Rome: Un livre revient sur les sombres causes de la renonciation de Benoît XVI
Rome, 7 février 2014 (Apic) Un an après la renonciation de Benoît XVI, un ouvrage offre un éclairage très précis sur certaines des circonstances qui ont poussé Joseph Ratzinger à poser ce geste inédit dans l’histoire moderne de la papauté, le 11 février 2013. Dans « L’homme qui ne voulait pas être pape – histoire secrète d’un règne » (Albin Michel), paru en France le 6 février 2014, Nicolas Diat rend un hommage appuyé à un Benoît XVI victime de «trahisons» qui a dû affronter «la médiocrité, la bassesse vertigineuse et les petites rancunes» à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise.
Dans cette enquête fouillée, fruit de dizaines d’entretiens avec des responsables de la curie romaine, l’auteur n’hésite pas à donner les noms de plusieurs cardinaux italiens et de quelques laïcs responsables à ses yeux d’avoir entravé le pape dans sa mission, et notamment dans le cadre de « l’affaire Vatileaks ». Facilement identifiables, quelques sources haut placées en ressortent pour leur part nettement moins égratignées.
Au fil d’un ouvrage où domine l’affection pour la figure de Benoît XVI, présenté comme un «agneau au milieu des loups» qui «ne sait et ne veut pas se défendre», qui pardonne tout, Nicolas Diat propose une relecture posée du pontificat, à commencer par une longue redécouverte de la profondeur des écrits d’un pape à l’envergure intellectuelle rare et dont le règne est sans conteste «celui du verbe». Au-delà des crises du pontificat ou des «polémiques organisées» de l’extérieur, l’ouvrage analyse les soubresauts et les tempêtes qui ont mené Benoît XVI – qui «ne voulait pas être pape» – à démissionner. Autant d’éléments qui ont permis l’élection du pape François après un conclave qui n’a pas fait l’économie d’une évocation à huis clos des «dérives du gouvernement romain»et appelé à une réforme de l’institution.
L’auteur n’hésite pas à dresser un portrait peu amène de certains cardinaux de curie. S’il évoque la grande responsabilité du cardinal Angelo Sodano dans la tentative d’étouffer « l’affaire Maciel » – du nom du fondateur des légionnaires du Christ – et dans certaines dérives financières, Nicolas Diat pointe du doigt à plusieurs reprises les rapports conflictuels entre celui qui fut longtemps secrétaire d’Etat de Jean Paul II et son successeur, le cardinal Tarcisio Bertone.
Ce dernier, pour sa part, se voit attribuer une lourde responsabilité dans la polémique mondiale qui advint avec « l’affaire Williamson » lors de la levée de l’excommunication par Benoît XVI des évêques lefebvristes en janvier 2009. Fidèle collaborateur du pape, le cardinal Bertone se voit attribuer d’autres «maladresses» ou «graves erreurs», parmi lesquelles sa volonté d’isoler le pape de toute la polémique médiatique qui enfle au cours de son voyage en Afrique, en mars 2009, après ses propos sur l’usage du préservatif dans la lutte contre le sida.
Dans le dossier lefebvriste, entre autres, le cardinal Giovanni Battista Re, alors préfet de la Congrégation pour les évêques, est présenté quant à lui comme un dangereux «pyromane» ayant cherché à torpiller la réconciliation avec les intégristes au risque de laisser le pape faire les frais d’un «discrédit indélébile».
Cette histoire secrète d’un règne écrite par Nicolas Diat présente en outre Paolo Gabriele comme «une pauvre marionnette désarticulée». Autour du majordome du pape, figure de proue de « l’affaire Vatileaks » pour le grand public, apparaissent en fait des proches de Benoît XVI: le cardinal Paolo Sardi longtemps en charge de rédiger ses discours, l’ancien secrétaire du cardinal Ratzinger Mgr Joseph Clemens et son ancienne gouvernante Ingrid Stampa.
A l’évidence, l’un des principaux instigateurs de la «trahison» dont fut victime Benoît XVI aux yeux de l’auteur de l’ouvrage est le cardinal Mauro Piacenza, alors préfet de la Congrégation pour le clergé. Celui-ci est soupçonné de rencontres secrètes avec Paolo Gabriele dans le but de «renverser le cardinal Bertone» afin de prendre sa place. Il est à ce jour le plus haut responsable de la curie que le pape François ait dégradé en le nommant, en septembre 2013, au poste de Pénitencier majeur. Le nouveau pape a choisi, glisse Nicolas Diat, de «lui imposer une opportune pénitence».
Dans l’ombre du cardinal Piacenza apparaissent deux autres hommes: le sous-secrétaire pour les relations avec les Etats Mgr Ettore Balestrero, que Benoît XVI écartera en toute hâte moins d’une semaine avant de la fin de son pontificat, ainsi qu’un laïc, le trentenaire Marco Simeon, présenté comme «un homme d’influence douteux qui deviendra l’un des conseillers occultes du secrétaire d’Etat». Intermédiaire du cardinal Bertone suspecté d’avoir mis en place un système de commissions financières pour les institutions souhaitant collaborer avec le Saint-Siège, Marco Simeon sera discrètement écarté début 2013.
S’il évoque également «l’infiltration des francs-maçons au sein du Vatican» et dresse un portait peu flatteur du commandant de la Gendarmerie vaticane Domenico Giani, « L’homme qui ne voulait pas être pape » propose aussi quelques traits du pape François. Le nouveau pape est présenté comme «un bâtisseur», un homme qui sait que sa volonté de réforme n’est pas partagée par tous, mais qu’il serait fortement erroné d’opposer à Benoît XVI, insiste Nicolas Diat. (apic/imedia/ami/bb)
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