Valais: La quasi disparition du label « vin de messe » a ouvert le marché en Romandie
Sion, 14 mars 2014 (Apic) Le fidèle le devine de loin dans une burette, puis dans son calice doré, sans pouvoir généralement l’approcher. Mais les quelques privilégiés – sacristain ou distributeurs de la communion – qui ont pu le goûter l’attesteront: le vin de messe laisse un bon goût de douceur sucrée dans la bouche. Existe-t-il un marché spécifique pour représenter le « sang du Christ »? Le label « vin de messe » est-il encore d’actualité? Enquête en Valais, le canton le plus viticole de Suisse.
« Buvez-en tous; car ceci est mon sang ». Cette parole prononcée par le Christ lors de la Cène est partie intégrante de l’Eucharistie. Elle suit la consécration du vin, coupé avec de l’eau, chargé de symboliser le sang du Christ. Ainsi, le vin utilisé au cours de la messe n’est pas un simple vin, selon la liturgie catholique. Consacré, il devient le sang du Christ et représente la communion des fidèles avec Dieu et avec son Fils. Cette importance en fait un breuvage dont la qualité, les exigences ainsi que la provenance n’ont pas cessé d’évoluer.
Les paroisses utilisent généralement du vin blanc afin de symboliser le sang du Christ, alors qu’un vin rouge le représenterait beaucoup mieux. Jusqu’au milieu du 15ème siècle, des crûs de vins rouges ont été utilisés pour célébrer l’Eucharistie. Mais son utilisation posait quelques problèmes: Le rouge tache et, lors d’une messe, il est presque inévitable que quelques gouttes ne tombent sur la nappe de l’autel. Un vin consacré ne peut devenir une simple tache; il est le sang du Christ et a droit à des égards particuliers. Ainsi, dès 1478 le pape Sixte IV autorise pour la première fois l’utilisation du vin blanc, une pratique qui s’est progressivement imposée dans toutes les paroisses.
Même si l’appellation même de « vin de messe » tend actuellement à se perdre, il doit respecter certains critères de pureté. Par exemple, aucun autre fruit ne peut être mélangé au raisin. Le chanoine Bernard Broccard, vicaire général du diocèse de Sion explique que « ce label épiscopal était autrefois, en des temps plus difficiles, un moyen de garantir qu’il s’agissait bien de vin et non de produit frelaté ». Seul un jus de raisin fermenté pouvait être utilisé, et non un jus de raisin auquel aurait été ajouté d’autres fruits ou d’autres produits comme du sucre. Mais l’utilisation de cette appellation reste largement disparate et dépend des évêchés. De nombreux exemples thurgoviens et lucernois démontrent toutefois que la pratique du label « vin de messe » reste encore répandue en Suisse alémanique. Ces deux cantons dépendent du diocèse de Bâle, qui continue d’octroyer des labels épiscopaux afin de permettre la vente de vin de messe dans son acception originelle.
Seuls trois producteurs répartis dans l’ensemble de la Suisse disposent encore d’un label « vin de messe »: en Thurgovie, au couvent d’Einsiedeln et bien entendu en Valais. La cave Bonvin SA à Sion produit encore des vins de messe qu’elle vend sous cette appellation. La disparition pratique de l’importance du label a toutefois conduit à une perte de l’exclusivité pour la production de vins autorisés pour l’Eucharistie. Ainsi, les paroisses se servent largement auprès d’autres caves ou coopératives. La cave Bonvin SA a d’ailleurs confirmé ne pouvoir rien révéler de bien particulier sur la production ainsi que la vente de sa gamme de vin de messe. La cave ne mentionne d’ailleurs pas cette gamme de production sur son site internet. Aucun chiffre à disposition ne permet d’indiquer son importance. La disparition du label et l’amélioration technique de la production ont permis d’élargir l’offre à disposition des paroisses et, par conséquent, ont réduit l’attrait d’un produit étiqueté « vin de messe ».
Les critères de pureté et le label sont devenus, pour des raisons techniques, largement obsolètes. De ce fait, Bernard Broccard mentionne que, en général, « le vin utilisé est un vin blanc local normal ». La provenance est difficile à vérifier dans la mesure où chaque paroisse, communauté ou maison religieuse achète directement son vin de messe de manière indépendante. Aucune centralisation n’existe et l’achat n’est habituellement pas coordonné par les diocèses.
Force est de constater que depuis longtemps, malgré l’abondance de l’offre valaisanne en vin adaptés à la messe, la production locale ne dispose plus de l’exclusivité. Les paroisses sont friandes en vins doux, qui peuvent se boire dans trop de difficultés à température ambiante et se conservent plutôt bien. Ces vins surmaturés proviennent surtout de l’étranger, avant tout du bassin méditerranéen, où l’utilisation de vins spécifiquement développés pour la messe est répandue. A titre d’exemple, le Samos des Pères importé de Grèce porte la mention « Messwein ».
Si le « vin de messe » représente visiblement un marché de niche en Romandie, le Valais n’a eu de cesse d’entremêler l’histoire du vin avec celle de l’Eglise catholique. Le canton le plus viticole de Suisse dispose de plus de 5’000 hectares de vignes réparties le long de la plaine du Rhône sur près de 120 kilomètres. Près de 60 cépages sont cultivés, dont le fameux Chasselas, connu aussi sous le nom de Fendant. L’Eglise est à plus d’un titre intimement liée à la viticulture, à l’exemple de Provins SA qui produit un « Domaine de l’évêché ». Ces vins, relativement chers et régulièrement couronnés lors de concours internationaux, sont produits à partir de raisins provenant, selon les indications de Provins SA, de domaines appartenant à l’évêché tel que ceux de Tournelette ou de Tourbillon. Ce dernier produit d’ailleurs un doux Ermitage qui pourrait, au même titre que le Samos grec, s’adapter parfaitement à une utilisation pour la messe. (apic/jbr/bb)
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