Saint-Maurice : L’Abbaye publie ses textes fondateurs en vue de son 1500e anniversaire
Saint-Maurice, 13 mai 2014 (Apic) La perspective du 1500e anniversaire de l’Abbaye de Saint-Maurice a suscité un renouveau des études archéologiques et historiques sur les origines et la diffusion du culte de saint Maurice et de ses compagnons martyrisés, selon la tradition, à la fin du IIIe siècle, à Agaune, aux portes du Valais. Présenté à la presse le 12 mai 2014, un nouvel ouvrage sur la «Mémoire hagiographique de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune » apporte des éléments inédits au puzzle de la reconstitution historique.
L’édition scientifique et la traduction en français de trois des plus anciens textes liés à l’Abbaye de Saint-Maurice donnent un éclairage plus précis sur les circonstances et les origines de sa fondation en 515 par le roi des Burgondes Sigismond. La «Passion anonyme de saint Maurice», la «Vie des Abbés d’Agaune» et la «Passion de saint Sigismond» sont trois textes certes déjà connus, mais dont l’accès était réservé jusqu’à présent aux seuls latinistes ou spécialistes de l’histoire médiévale.
En publiant cette édition avec des commentaires, Eric Chevalley, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, et Cédric Roduit, philologue, ouvrent cette connaissance à un public plus large. Ces trois textes mettent en valeur l’importance du monastère d’Agaune et l’ancienneté du culte de saint Maurice. Il s’agit d’éléments exceptionnels non seulement pour l’histoire du Valais et de la Suisse romande, mais aussi des témoins privilégiés de la culture et de la spiritualité de l’Occident chrétien à l’époque mérovingienne.
Issus d’auteurs anonymes, difficiles à dater précisément, appartenant au genre hagiographique, ces textes sont, avec quelques inscriptions, les plus anciens documents qui parlent de l’Abbaye de saint Maurice. Ils ont connu une large diffusion dans toute l’Europe médiévale, dans plusieurs dizaines de versions successives et parallèles. Souvent considérés par les historiens comme des récits essentiellement légendaires, ils apportent néanmoins des éléments historiques précis que la confrontation avec d’autres sources archéologiques ou artistiques permettent de confirmer.
La «Vie des Abbés d’Agaune», le moins connu des trois textes, relate les circonstances de la fondation de l’Abbaye. Elle raconte par exemple que le premier Abbé Hymnenode, connu aussi par une inscription, a voulu débarrasser Agaune de la présence d’habitations profanes sur le lieu du martyre de la légion thébaine et qu’il y a interdit la présence de femmes. Cette indication permet ainsi d’affirmer l’existence d’un culte à saint Maurice organisé à Agaune avant la fondation de l’Abbaye en 515. Le roi burgonde Sigismond n’aurait ainsi fait que réorganiser autour d’une communauté monastique le pèlerinage à la basilique érigée sur le lieu du martyre.
La «Passion anonyme de saint Maurice» souvent considérée jusque-là comme une simple réécriture tardive de la «Passion de saint Maurice» rédigée à la fin du IVe siècle par Eucher, évêque de Lyon, et pour cette raison un peu négligée, remonte en fait à une tradition indépendante probablement tout aussi antique, estime Eric Chevalley. Etudiée en tant que texte autonome, elle peut permettre de mieux appréhender la question de l’historicité du martyre de saint Maurice qui jusque-là reposait sur la seule critique du texte de saint Eucher. L’anonyme semble particulièrement soucieux de respecter le contexte historique, relève le chercheur.
La «Passion de saint Sigismond» témoigne du culte voué au fondateur de l’abbaye. Le récit ne raconte pas la fondation, mais la dernière période de la vie du roi des Burgondes qui deviendra le premier saint roi d’Occident. Pressé par les Francs, Sigismond se serait retiré secrètement en 523 avec sa famille dans un monastère pour une vie de prière. Trahi par les siens, il fut livré aux Francs qui le firent périr en le jetant dans un puits. Quelques années plus tard, l’Abbé d’Agaune fit rechercher et ramener son corps en Valais pour le déposer dans l’église saint Jean qui devint alors saint Sigismond. Ce texte témoigne surtout du rayonnement de l’Abbaye durant tout le Moyen-Age, puisqu’on le retrouve notamment à Prague au XIVe siècle, probablement amené après la visite de l’empereur d’Allemagne Charles IV à Agaune en 1355.
Cet ouvrage, ainsi que d’autres publications scientifiques antérieures, a servi de socle à la publication l’an prochain de deux volumes illustrés destinés au grand public, a révélé l’Abbé du monastère Joseph Roduit. Le premier s’intéressera à l’archéologie et l’histoire, le second au domaine artistique, en particulier au trésor de l’Abbaye.
« La mémoire hagiographique de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune », textes édités et traduits par Eric Chevalley et Cédric Roduit, Cahiers lausannois d’histoire médiévale 53, 2014, 289 p. (apic/mp)
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