France: Des cadres de la FSSPX accusés de piratage informatique

Une opération pour piéger et confondre les prêtres dissidents

Menzingen/Paris, 29 juillet 2014 (Apic) Des responsables de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), séparée de Rome depuis 1988, ont usurpé l’identité de l’un de leurs prêtres sur internet et piraté la boîte mail d’un autre, rapporte le 29 juillet 2014 le quotidien romand «Le Temps». L’objectif était de piéger et de confondre les prêtres «ultras» entrés en dissidence avec leur hiérarchie suite aux discussions de rapprochement de la Fraternité avec Rome entamées en 2009.

Les actes de piratage informatique s’inscrivent dans le cadre de la réponse de la direction de la FSSPX à la «Lettre ouverte des 37 prêtres de la FSSPX à Mgr Fellay [le supérieur général de la congrégation]», du 28 février 2013. Les signataires anonymes y accusaient le prélat valaisan, en référence aux discussions menées avec le Saint-Siège, de «nuire au bien commun de notre société», lui reprochaient de dire «tout et son contraire» et avançaient la perte de «la droiture évangélique».

La missive a été suivie, le 7 mars, d’une circulaire de l’abbé Christian Thouvenot, secrétaire général de la FSSPX, accusant l’évêque britannique Richard Williamson – exclu de la FSSPX en 2012 – et l’abbé Olivier Rioult, d’être les maîtres d’oeuvre «de cette entreprise d’insubordination», de concert avec deux prêtres français, l’abbé Pinaud et l’abbé Salenave.

Les trois prêtres ont été relevés de tout ministère et envoyés dans des prieurés distincts. Un procès ecclésiastique a été instruit à leur encontre. Le 18 mars 2013, Mgr Bernard Fellay a ainsi érigé un tribunal ecclésiastique, nommant juge l’abbé Henry Wuilloud, Supérieur du district de Suisse, et assesseur l’abbé Vincent Quilton, professeur de morale à Ecône.

L’abbé Rioult n’a jamais été jugé, préférant quitter la Fraternité. Les abbés Salenave et Pinaud ont été reconnus coupables d’actes séditieux, relevés de leur ministère et astreints à résidence forcée pendant plusieurs mois, dans des prieurés en Italie et en Autriche.

Usurpation d’identité

Les actes de piratage et d’usurpation d’identité par les animateurs de ces procès canoniques apparaissent au détour de l’acte d’accusation de l’abbé Pinaud, rédigée par l’abbé Quilton. La première pièce du dossier d’accusation, dite «narration des faits», ne fait aucun mystère, note «Le Temps»: «L’abbé Benoît Wailliez [supérieur du district de Belgique-Pays Bas] créa une adresse e-mail fictive au nom de l’abbé Pinaud et s’en servit entre trois et cinq fois pour piéger des confrères ou laïcs impliqués dans la rébellion. L’abbé Rioult fut le premier visé… et le premier à mordre et à se dévoiler. Mgr Williamson fut aussi pris au piège.» Pour ferrer les dissidents, les auteurs du piège auraient également signé certains des messages envoyés au nom de l’abbé Pinaud.

Plaintes déposées

L’affaire a fait l’objet d’un livre autoédité en 2014 par l’abbé François Pivert, défenseur de l’un des prêtres jugés. Un ouvrage qui rassemble les actes du procès intenté à l’abbé Pinaud, et dont la publicité n’a pas dépassé le cercle des initiés.

«Le Temps» indique que l’abbé Rioult et l’abbé Pinaud ont saisi la justice française. Le premier pour atteinte à la vie privée et le second pour usurpation d’identité. Ni l’abbé François Pivert, ni les prêtres dissidents n’ont pu être contactés par le quotidien romand. Impossible donc de savoir ce qu’il est advenu de leurs plaintes pénales. La FSSPX a souligné à l’adresse du journal que les procès intentés aux abbés français relevaient de la justice ecclésiastique. «Nous ne nous érigeons pas au-dessus de la loi civile, que nous cherchons à respecter», a précisé l’abbé Thouvenot. «Quant à l’abbé Pinaud, les éléments qui ont servi dans la procédure le concernant ne sont pas issus d’un procédé […] où l’on aurait usurpé son identité», a souligné le secrétaire général de la FSSPX.

A la lecture des actes du procès, il apparaît en effet que les informations obtenues grâce à la fausse adresse e-mail n’ont pas été exploitées par l’accusation. En revanche, l’exploitation du contenu de la boîte mail de l’abbé Rioult – «tous les documents reçus et envoyés» – a été «laissée à la Maison généralice [le siège de la FSSPX, à Menzingen, dans le canton de Zoug». Contactée par l’Apic, l’instance de Menzingen n’a pas voulu faire de commentaires par oral sur cette affaire.

Des faits passibles d’un an de prison

L’avocat genevois Nicolas Capt, spécialiste en criminalité des nouvelles technologies, indique au quotidien romand que la justice française pourrait entrer en matière. Même si les actes de piratage semblent avoir été commis en Belgique et en Suisse, la loi pénale française s’applique en effet si «la victime d’un délit passible d’emprisonnement est de nationalité française». Le Code pénal punit ainsi l’usurpation d’identité d’une peine maximale d’un an de prison, y compris lorsque les faits ont été commis sur internet. «Cela vise à mon sens les courriels écrits à des tiers par le «faux» abbé Pinaud ainsi que, possiblement, les tentatives de récupérer le mot de passe de l’abbé Rioult», précise l’avocat. (apic/lt/rz)

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