Avant les livres, l’école du cardinal Monsengwo doit payer en priorité les professeurs
Fribourg, 27 août 2014 (Apic) « D’ici mi-septembre, nous allons envoyer à Kinshasa l’équivalent de 18 m3 de livres, des collections scientifiques, des collections de magazines pour les jeunes ». Narcisse Niclass, le vibrionnant fondateur de l’Institut de Management de Projets Internationaux (IMPI) basé à Nierlet-les-Bois, dans la campagne fribourgeoise, a été chargé par l’archevêque de Kinshasa de récolter des livres et du matériel scolaire pour le Complexe Scolaire « Cardinal Monsengwo ».
« Nous avons déjà récolté deux palettes de livres dans la Broye fribourgeoise, dans des écoles privées, à la bibliothèque de l’Institut agricole de Grangeneuve, à Posieux. Dès la rentrée, nous contacterons la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) de Fribourg et les cycles d’orientation », poursuit le Fribourgeois. Il exhibe une attestation du 20 juin dernier, signée du cardinal Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, qui lui a confié la charge de récolter des fournitures pour le Complexe Scolaire qui porte son nom.
« Nous ne sommes pas sur place et ne voulons pas juger, diriger, dire comment il faut faire. Nous accompagnons, fournissons des appuis techniques, qui vont du livre au camion 4X4 », lance Narcisse Niclass. Débarquant dans les bureaux de l’Apic, il est accompagné du « directeur chargé de la discipline » de cette institution scolaire qui accueille 4’500 élèves dans la capitale de la République démocratique du Congo. L’abbé Richard Kashama Ntoni, qui est arrivé la veille de Bruxelles à l’aéroport de Genève-Cointrin, accompagne la démarche. Il nous expliquera pourquoi l’acquisition de livres est si nécessaire pour son collège.
Ce sont les bénévoles d’IMPI qui ont déjà rassemblé deux palettes de manuels scolaires, ainsi qu’une vingtaine d’écrans neufs, « et le reste suivra ces prochains jours », assure Narcisse Niclass, qui travaille avec nombre de partenaires en Suisse. Il fera parvenir ensuite ses livres à Bruxelles: « Deux minibus vont venir de Belgique récolter les livres, puis ils seront acheminés au port de Matadi, au Congo, vers la fin septembre, depuis le port d’Anvers. La livraison est attendue fin octobre à Kinshasa. Ce sont des amis belges qui financent le transport vers Bruxelles. Il nous faut trouver 7 à 10’000 francs suisses pour l’achat d’un container en fin de vie, mais expertisé, qui restera à Matadi. Nous récoltons des fonds auprès de donateurs, d’amis, organisons des animations pour couvrir les coûts de fret et d’autres taxes et charges… »
« Nous avons besoin de livres, matériels scolaires, ordinateurs, machines à coudre et fournitures de laboratoire pour la section biologie-chimie », précise l’abbé Richard Kashama. Cet immense complexe héberge des classes allant de la maternelle au baccalauréat.
« Les livres, on en trouve à Kinshasa, mais le problème est de pouvoir les financer. Il faut d’abord payer les professeurs, et l’Etat ne donne rien pour nos écoles. C’est l’Eglise et les parents qui financent leurs salaires ».
« Aujourd’hui, en République démocratique du Congo (RDC), les écoles privées sont la majorité, et il y a un abandon de l’Etat. Les professeurs ne sont pas payés depuis des mois, dans certains cas depuis des années. Les parents doivent prendre en charge le financement, et cette situation favorise la corruption ».
Dans les écoles publiques, poursuit le jeune prêtre de la RDC, des parents paient pour que leurs enfants réussissent leurs examens. « Mais quand il s’agit de passer le baccalauréat, les examens sont centralisés, et là, c’est l’hécatombe, car on ne peut pas tricher. Le taux de réussite dans nos écoles est sans comparaison avec l’école publique ». JB
Encadré
Dans les écoles primaires de la RDC, selon des chiffres de l’ONU datant de 2011, la moyenne nationale est d’un professeur pour 37 élèves, mais dans les zones marginales, il peut y avoir plus de 100 élèves par classe. De plus, près d’un tiers des élèves en âge de scolarité ne fréquentent pas l’école.
Dans une étude de l’UNICEF et de l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) sur les Enfants et Adolescents en Dehors de l’Ecole (EADE), on découvre en 2012 qu’en RDC, la proportion des 5 -17 ans ne fréquentant pas l’école est de 28,9%, soit en termes absolus, 7’375’876 enfants et adolescents. Les filles en représentent plus de la moitié (52,7%). L’analyse du cumul des inégalités révèle que pour les filles des ménages les plus pauvres, avec un chef de ménage sans aucun niveau d’instruction et résidant en milieu rural, la proportion des EADE est de 45% contre 37,6% pour les garçons.
Ceci donne une idée de l’ampleur des efforts à faire pour ramener tous les enfants et adolescents à l’école, malgré les progrès réalisés dans la scolarisation des enfants et des adolescents en RDC.
« Il reste encore un bon bout de chemin à parcourir en vue la scolarisation primaire universelle. Ceux qui sont exclus du système sont ceux vivant dans les zones les plus reculées, n’ayant pas les ressources financières nécessaires et n’étant pas dans l’environnement familial propice pour augmenter leurs chances de scolarisation. Il ressort clairement que le faible niveau de financement de l’éducation par l’Etat, qui contraint les ménages à consacrer une part importante de leur revenu annuel aux dépenses d’éducation (14% en milieu urbain et 7% en milieu rural), constitue l’un des déterminants de l’exclusion scolaire ».
Ce rapport de février 2013, présentant les résultats de l’enquête nationale sur la situation des enfants et adolescents en dehors de l’école en République Démocratique du Congo (EADE-RDC), pointe le doigt sur la faiblesse de la capacité institutionnelle et humaine du secteur de l’éducation. Cette situation est aggravée par l’insuffisance et l’irrégularité des salaires des enseignants, l’absence d’un système de retraite, le manque de formation de certains d’entre eux et le non renouvellement de ce personnel en RDC. (apic/be)
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