Fribourg: Une exposition sur la « Nakba », aux racines du drame du peuple palestinien
Fribourg, 6 octobre 2014 (Apic) « Le point de vue israélien sur la tragédie palestinienne a été trop longtemps dominant, c’est le récit du vainqueur. Notre exposition apporte un éclairage qui se veut impartial, basé sur les faits historiques… » Johannes et Marie Fankhauser, du groupe « Chemins de Palestine », sont la cheville ouvrière à Fribourg de l’exposition « La Nakba – Exode et Expulsion des Palestiniens en 1948 ».
L’exposition, qui vient d’Allemagne et a déjà circulé en France, en Suisse alémanique et à Nyon, fait escale à Fribourg, à l' »Espace 25″, au Boulevard de Pérolles, du 6 au 11 octobre 2014. Elle se visitera ensuite du 8 au 12 décembre au Conseil œcuménique des Eglises (COE) à Genève. Créée en Allemagne à l’initiative d’Ingrid Rumpf, présidente de l’œuvre d’entraide pour les enfants palestiniens réfugiés au Liban (Flüchtlingskinder im Libanon e.V) à Pfullingen, dans le Bade-Wurtemberg, l’adaptation française en a été réalisée par le Collectif judéo-arabe et citoyen pour la Palestine, à Strasbourg.
En quatorze panneaux explicatifs, l’exposition permet une plongée historique très bien documentée. Elle part de la naissance du sionisme au XIXe siècle, des débuts de l’immigration juive en Palestine jusqu’à la Déclaration Balfour de 1917. Puis elle aborde la période du Mandat britannique et le plan de partage de la Palestine par les Nations Unies du 29 novembre 1947, pour arriver à la guerre lors de la fondation de l’Etat d’Israël en 1948, et à la situation des réfugiés palestiniens aujourd’hui. Le visiteur découvre aussi le non respect par Israël des résolutions des Nations Unies, comme la résolution 194, prescrivant le droit au retour des réfugiés palestiniens, ou l’indemnisation de ceux qui ne désiraient pas rentrer dans leurs foyers.
Alors que deux tiers des Palestiniens ont été expulsés lors de la « Nakba » de 1948, plus de 400 villages ont été détruits dans une vaste opération de « nettoyage ethnique », selon l’expression de l’historien israélien Ilan Pappé.
Le visiteur est confronté à de nombreuses cartes, tableaux statistiques et illustrations. De larges citations et textes extraits d’ouvrages et des recherches menées par les « nouveaux historiens israéliens » viennent étayer une réalité historique irréfutable. « L’exposition montre la transformation violente qu’a connue la Palestine entre 1947 et 1948, devenue, depuis le début du XXe siècle, la cible du projet sioniste. Projet qui va amener l’exode, la destruction de villes et de villages ainsi que l’expropriation de terres agricoles et l’effondrement de la société palestinienne. De nombreux organismes internationaux, parmi lesquels l’Institute for Palestine Studies, l’Applied Research Institute Jerusalem, Zochrot Tel-Aviv Jaffa, ont contribué à la création de l’exposition par la mise à disposition d’un matériel iconographique jusque-là inexploité », souligne Johannes Fankhauser.
L’année 1948, qualifiée généralement en Occident de « renaissance d’Israël après 2000 ans d’exil », est appelée par les Palestiniens la « Nakba », qui signifie en arabe « désastre » ou « catastrophe ». C’est justement le mot « Nakba » qui a été choisi comme titre de l’exposition sur l’exode et l’expulsion des Palestiniens, chassés de leurs terres lors de la fondation de l’Etat d’Israël. Leurs villes et villages ont été détruits ou occupés par les nouveaux arrivants.
« Ce n’est pas une démarche politique, mais une démarche pour la justice, la dignité et les droits de l’Homme. Nous voulons donner une information complémentaire au point de vue dominant, montrer la souffrance et l’humiliation du peuple palestinien chassé de sa terre », note Johannes Fankhauser, qui s’est rendu dans les territoires palestiniens en avril 2013, avec un groupe d’une douzaine de personnes.
Le Fribourgeois a été choqué par l’ampleur des destructions, la confiscation des terres, le mur de séparation qui prive les Palestiniens de leurs sources de revenus…
Il relève que dans les territoires palestiniens occupés, Israël viole systématiquement le droit international et le droit international humanitaire. « Je pense aux bombes à fragmentation qui déchiquettent les enfants, aux bombes au phosphore qui les brûlent vifs, les asphyxient, et quand elles ne les tuent pas, causent de terribles handicaps. Gaza sert à Israël de laboratoire humain pour tester ses armes interdites! Les Conventions de Genève sont bafouées et il n’y a pas de conséquences… »
Propriété du Collectif Urgence Palestine, l’expo a été amenée à Fribourg par Nathan Finkelstein et son épouse Caroline, engagés pour la justice et les droits de l’Homme dans cette région du monde. Arrivé à la retraite, cet ancien ingénieur de l’entreprise Motorola, à Genève, voulait s’investir dans l’humanitaire, quand, en 2003, il est tombé dans une rue de Nyon sur un stand informant sur la situation en Palestine.
Le couple, des juifs se qualifiant d’athées, n’avait jamais mis les pieds en Israël. « On connaissait évidemment la version israélienne des événements, mais il fallait aller voir de l’autre côté! Pour nous, ce n’est pas une question religieuse ou politique, c’est tout bonnement une question de justice. Je ne me définis pas comme ‘pro-palestinien’. Je suis simplement en faveur de la défense des droits de l’Homme, de la dignité humaine. C’est pour cela que je m’oppose aux actions du gouvernement israélien! » Nathan Finkelstein espère que cette exposition contribuera à une prise de conscience de la réalité par un large public.
Les milieux pro-israéliens, par le biais de Lukas Weber, de l’Association Suisse-Israël (ASI), n’ont pas tardé à réagir. Dans une lettre adressée au couple Finkelstein, le président de la section bernoise de l’ASI écrit que l’exposition « ne donne pas une image équitable de la situation, mais au contraire propage des idées fortement partisanes ». Lukas Weber écrit que s’il « est exact que près d’un million d’Arabes ont quitté Israël après sa fondation… certains sont partis volontairement dans l’attente d’une proche destruction d’Israël, d’autres ont été chassés ». Rappelons que l’ASI, dans son « Plan directeur » (Cf. http://www.schweiz-israel.ch/fr/plan-directeur.html), « exige l’abandon de la prétention au retour intégral des réfugiés palestiniens en Israël, ce qui marquerait implicitement la fin de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif ».
Encadré
Organisée par les associations fribourgeoises « Chemins de Palestine » et Aider Beit-Sahour » ainsi que par le « Collectif Urgence Palestine » à Genève, l’exposition « La Nakba – Exode et expulsion des Palestiniens en 1948 », est ouverte du lundi 6 au samedi 11 octobre 2014 à l’Espace 25, au Boulevard de Pérolles 25, à Fribourg. Des visites guidées sont organisées chaque jour à 19h00. Son comité de patronage se compose de personnalités des milieux scientifiques, politiques et religieux.
Il comprend les conseillers d’Etat fribourgeois en place Marie Garnier et Erwin Jutzet, et émérite Ruth Luthi, les conseiller nationaux Jean-Francois Steiert (président du comité de patronage) et Dominique de Buman et le syndic de la ville de Fribourg Pierre-Alain Clément. Des professeurs d’Université en font aussi partie, comme l’historien Yves Besson, ancien directeur de l’UNRWA – l’agence de l’ONU qui aide les cinq millions de réfugiés palestiniens -, et Benoît Challand et Claude Hauser (histoire contemporaine, Université de Fribourg). Le comité réunit encore des artistes, comme le chanteur, écrivain et poète Michel Bühler ou le cinéaste Francis Reusser, des représentants de l’association Pro Fribourg, des responsables religieux comme Claude Ducarroz, prévôt du Chapitre cathédral de St-Nicolas, ou Laurent Passer, président de l’Assemblée ecclésiastique catholique du canton de Fribourg et président de la section romande de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem. (apic/be)
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