En pleine polémique sur le projet de loi définissant Israël comme «l'Etat nation du peuple juif»

Israël: Jubran Nadaf, fils d’un prêtre grec-orthodoxe de Nazareth, s’engage dans Tsahal

Nazareth, 5 décembre 2014 (Apic) Alors que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou milite pour un projet de loi destiné à définir Israël comme «l’Etat-nation du peuple juif» et non plus comme un «Etat juif et démocratique», le Père Gabriel Nadaf, un prêtre grec-orthodoxe de Nazareth, annonce que son fils s’est engagé volontairement dans une unité d’élite de l’armée israélienne.

Le Père Gabriel Nadaf, très isolé au sein de son Eglise en raison de son engagement en faveur de la conscription des chrétiens arabes israéliens au sein de Tsahal, l’armée israélienne, a accompagné son fils de 18 ans au bureau pour la conscription des chrétiens à Tibériade. Fondateur en 2012 d’un «Forum pour le recrutement des chrétiens» afin de stimuler leur engagement dans les rangs de Tsahal, le prêtre est l’objet de menaces de la part de responsables politiques arabes israéliens, qui le qualifient de «traître».

Le Père Nadaf ne veut pas être qualifié d’Arabe

Le prêtre grec-orthodoxe estime que l’on ne devrait pas classer les chrétiens locaux comme «Arabes». Il salue le fait que le gouvernement israélien a «corrigé une injustice historique qui a faussement défini comme ‘chrétiens arabes’ les citoyens israéliens descendants de chrétiens orientaux, bien qu’à part la langue parlée, ils n’ont absolument aucun lien avec la nationalité arabe».

Gabriel Nadaf affirme que l’origine ethnique historique des chrétiens d’Israël est un mélange d’origines juive, grecque, romaine, assyrienne et d’autres peuples «qui étaient tous là bien avant l’arrivée des Arabes musulmans». Il relève que de plus en plus de chrétiens s’identifient ouvertement avec Israël, ou comme des alliés d’Israël, un pays qui à ses yeux «protège les chrétiens», alors qu’ils sont persécutés dans les pays musulmans.

En Israël, les citoyens sont recensés selon leur origine «nationale»

Gabriel Nadaf salue le fait que les chrétiens israéliens n’aient plus l’obligation de s’identifier comme «Arabes» sur les cartes d’identité israéliennes, mais peuvent désormais s’inscrire comme «Araméens». Comme la plupart des 150’000 Israéliens de religion chrétienne (2% de la population du pays), il était recensé comme «Arabe» par l’état civil israélien qui classe tout citoyen israélien selon sa «nationalité»: juive, arabe, druze ou circassienne.

L’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte, qui regroupe les évêques des diverses obédiences chrétiennes, a dénoncé l’incitation à s’enrôler dans l’armée israélienne, estimant que les musulmans, druzes et chrétiens partagent la même identité palestinienne. L’enrôlement des chrétiens dans l’armée d’un pays qui les discrimine ne vise à leurs yeux qu’à les diviser.

Dès le lancement de l’opération de recrutement par le gouvernement israélien, il y a deux ans, le métropolite Attalah Hanna, archevêque de Sebastia, du Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, dissuadait les chrétiens palestiniens vivant en Israël de servir dans une armée «qui occupe et opprime» ses concitoyens. Il affirmait qu’Israël voulait ainsi faire disparaître l’identité nationale de la population arabe de confession chrétienne, ajoutant que les chrétiens de Terre Sainte étaient une partie essentielle de la nation arabe.

Il était rejoint dans sa critique par le patriarche émérite de Jérusalem Michel Sabbah, un Palestinien de Nazareth, qui déclarait que Tsahal était «une armée d’occupation, occupation imposée aux Palestiniens».

Une question de conscience et de dignité

«Le fusil israélien est pointé contre les Palestiniens. Il n’est donc pas logique qu’un Palestinien se fasse enrôler dans cette armée. Il s’agit d’une question de conscience et de dignité. Le chrétien palestinien israélien est un élément qui participe à la construction de sa société israélienne, mais ne peut pas la construire par le sang versé de son frère palestinien sous occupation israélienne».

Pour Mgr Michel Sabbah, les chrétiens palestiniens qui s’enrôlent dans l’armée israélienne n’ont peut-être aucun problème de conscience ou de dignité. Ils y voient plutôt l’occasion d’obtenir certains privilèges accordés à ceux qui servent dans l’armée (priorité pour entrer dans les universités ou des opportunités de travail, etc.). «Cela ne lui donnera pas l’égalité à laquelle il a droit et qu’il n’obtiendra pas, puisqu’il restera toujours ’arabe’ aux yeux de l’Etat juif. La valeur d’un individu réside dans son humanité et sa dignité. La dignité dans cette affaire revient à répondre à la question suivante: ’ Est-ce qu’un frère peut pointer son arme sur son frère ?’».

Le projet de loi destiné à définir Israël comme «l’Etat-nation du peuple juif», aux yeux des Eglises chrétiennes de Terre Sainte, ne va pas contribuer à combler le fossé qui s’élargit en Israël entre une population juive majoritaire et sa minorité arabe. C’est une «inscription du racisme, déjà présent dans la rue, dans la loi et au cœur du système politique», dénonce pour sa part accusé le Centre juridique de défense des droits de la minorité arabe «Adalah» (»Justice» en arabe), une ONG israélienne basé à Haïfa. (apic/haar/com/be)

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