Suisse romande: Le casse-tête de l'enseignement religieux à l'école

Genève, 17 janvier 2015 (Apic) Dans le contexte des attentats contre Charlie Hebdo, Caroline Stevan, dans le quotidien romand «Le Temps» du 17 janvier, fait le tour des différentes politiques cantonales d’enseignement des religions.

En Suisse romande, l’éthique et les cultures religieuses bénéficient d’un enseignement ad hoc et généralement obligatoire, à l’exception de Genève et Neuchâtel.

Dans sa Déclaration officielle du 30 janvier 2003, la Conférence romande des directeurs cantonaux de l’instruction publique, qui chapeaute le Plan d’éducation romand (PER), prône de «prendre en compte et rendre accessible la connaissance des fondements culturels, historiques et sociaux, y compris des cultures religieuses, afin de permettre à l’élève de comprendre sa propre origine et celle des autres, de saisir et d’apprécier la signification des traditions et le sens des valeurs diverses cohabitant dans la société dans laquelle il vit», rappelle Olivier Maradan, secrétaire général de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin. Concrètement, il revient à chaque canton de décider des modalités d’application.

Des clés pour vivre ensemble

A Fribourg, par exemple, les interventions restent «ponctuelles» dans les classes enfantines. Au primaire, les élèves bénéficient d’une heure d’enseignement religieux – du catéchisme assuré par des membres des communautés chrétiennes – et d’une heure d’éthique et cultures religieuses, par les maîtres et maîtresses. Idem en dernière année du cycle d’orientation, contre une heure seulement d’éthique et cultures religieuses en 9e et 10e.

«Nos élèves sont de petits rois. Cet enseignement leur donne des clés pour vivre ensemble», affirme au «Temps» Fabienne Stevan, responsable de l’école primaire de Corminboeuf, près de Fribourg. Le programme évoque les récits et les personnages de la Bible, de l’islam, du judaïsme, du bouddhisme et de l’hindouisme. «C’est très ouvert, cela permet à chacun de s’y retrouver et c’est l’occasion de discuter de thèmes comme le bon ou le mauvais gouverneur, la place des femmes dans les religions ou encore les différentes architectures», note l’enseignante.

La connaissance pour éviter les amalgames

En Valais, les petits suivent deux périodes hebdomadaires, puis une seule au secondaire.

Dans le canton de Vaud, l’éthique et les cultures religieuses sont discutées ici et là en 1re et 2e primaires. Elles occupent une période de 45 minutes par semaine de la 3e à la 6e, puis une demi-période de la 7e à la 11e. Le cours est obligatoire depuis la rentrée 2013. «Cette obligation peut faire réagir et les directeurs ont dû quelquefois expliquer aux parents que ces cours étaient désormais vus sous l’angle de l’histoire et de la culture générale. Cela reste un domaine sensible, d’où la décision de laisser à chaque canton la liberté de mettre en œuvre ces leçons comme il l’entend», note Serge Martin, directeur général adjoint de la Direction générale de l’enseignement obligatoire de l’Etat de Vaud.

«Plus on a de connaissances, moins on fait d’amalgames. D’où l’importance d’avoir des enseignants formés pour aborder des thèmes aussi délicats. Je suis en train de relire le Coran, que j’ai pourtant étudié. C’est vraiment très compliqué», estime Anne Roland, enseignante de science et histoire des religions au Collège du Bugnon, à Lausanne, précisant au passage que son option est aussi demandée que le sport ou la géographie.

 Laïcité et enseignement religieux

A l’exception de Genève et Neuchâtel, tous les cantons romands prévoient un enseignement ad hoc. «Il y a toujours eu une grande tradition de laïcité de l’Etat et de l’école à Genève. Cela remonte à plus d’un siècle, défend Anne Emery-Torracinta, conseillère d’Etat en charge de l’Instruction publique. Nous préférons que le fait religieux soit abordé dans le cadre d’autres cours, tels que l’histoire ou la géographie. Cela permet de l’inscrire dans un domaine plus large; l’école n’est pas là pour donner des cours de théologie.»

Mais Yves Dutoit et Sabine Girardet, à la tête des Editions Agora qui fournissent le matériel pédagogique aux cantons romands, réfutent cette position: «La seule manière d’être sûr que cet enseignement soit apporté est d’en faire une discipline à part entière, ce qui n’empêche évidemment pas les liens interdisciplinaires. L’école est en quelque sorte un modèle réduit de notre société dans sa diversité, un lieu où il importe donc d’aborder le fait religieux et de se parler.»

«En tant que bonne Genevoise, j’étais presque contente que l’on ne soit pas tenu de donner ces cours, au nom de la laïcité», remarque Stéphanie, institutrice dans le primaire, à Genève. «Je trouve désormais qu’ils sont nécessaires, mais j’estime ne pas avoir le bagage pour le faire. Le sujet est tellement sensible, je ne voudrais pas dire d’approximation. Au final, c’est toujours cet enseignement-là qui passe à la trappe, faute de temps, ou de peur d’avoir des parents sur le dos», souligne l’enseignante. (apic/lt/rz)

 

 

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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