Psychologie d’un croyant

La vie du croyant est marquée par la conversion, ce moment si intense qu’il sépare définitivement un avant d’un après. C’est l’instant de la divine rencontre échafaudant un être nouveau, insufflant une abondance d’énergie spirituelle. Il apparaît que certains ne le vivrons jamais, alors que d’autres s’en extasient au quotidien. Pour ma part, loin de la sainteté, je ne compte que deux rendez-vous, mais quels changements! Quelles conversions! Quelle entrée en chrétienté!

La conversion, voilà le lieu de mémoire du croyant! La table eucharistique oui, mais pourquoi le silence sur les conversions?

Je me suis retrouvé une fois à raconter sans détour toute la précieuse intimité d’un de mes deux rendez-vous de conversion. Quelle fragilité de se dénuder ainsi! Quel malaise! partagé aussi par celui qui reçoit pareil témoignage. J’avais le sentiment de dévoiler ma vie amoureuse, de parcourir en un éclair toutes les hontes et toutes les faiblesses depuis mon enfance. Alors on invente des expédients pour ne pas avoir l’air si naïf, on se réfugie dans un vocabulaire approprié, bien catho, qui ne sonnera malheureusement que dans les oreilles d’un catho en profondeur, pour toutes les autres on devient obscure. Dire «j’ai rencontré Dieu» provoque de ces réactions que l’amour-propre préfèrerait éteindre:
– Il se prend pour Jésus.
– Il est gentil, mais il est simple.
– Ah ces esprits sans lumière qui se trompent eux-mêmes.
– Vous comprenez, pour vivre il a besoin d’un doudou spirituel!

Rencontrer Dieu ce n’est pas non plus se blinder définitivement contre le malheur; peut-être est-ce même l’inverse, car la vie poursuit son cours, charriant nos souffrances parfois englouties dans les rapides de nos agitations, refaisant implacablement surface sur les vides de nos solitudes. Le croyant est le premier à douter de sa propre foi; il est le premier aussi à vouloir se le cacher, à surdimensionner son émotion spirituelle, à passer la mémoire de ses conversions au verre grossissant, à faire de rien la présence de Dieu.

Si l’on s’assied en scientifique agnostique dans le fauteuil du psychiatre, à l’écoute du chrétien, entendra-t-on la présence de Dieu une fois débarrassés tous les grossissements? Bien sûr que non! la conversion du psychologue ne dépendant pas de celle d’un autre.
Et pourtant il y a à témoigner…

 

Pascal Fessard

Portail catholique suisse

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