Le digne Evêque de Digne

«Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition, et je la donne à Dieu.»

 

Jean Valjean, l’homme à qui Mgr Bienvenu vient de parler est présenté comme un forçat bien malheureux, devenu misérable par la dureté d’un monde dépourvu d’amour. Lui-même n’en a plus. Il trouve refuge dans la petite maison de l’évêque, si petite qu’il n’imagine pas être accueilli par un Monseigneur. Il profite de son hospitalité et s’enfuit la nuit en dérobant le peu de richesse trouvé, c’est-à-dire un panier d’argenterie. Sa cavale tourne court; les gendarmes, suspectant l’individu de par son allure et de par la marchandise qu’il emporte avec lui, le ramènent à l’Evêque. C’est là que déjà, avec Monseigneur Bienvenu, nous atteignons le Ciel!

 

«Ah! vous voilà! S’écria-t-il en regardant Jean Valjean. Je suis aise de vous voir. Eh bien, mais! Je vous avais donné les chandeliers aussi, qui sont en argent comme le reste et dont vous pourrez bien avoir deux cents francs. Pourquoi ne les avez-vous pas emportés avec vos couverts?»

 

Il est vraiment pasteur; la générosité en acte, clouant le bec de l’orgueil en puissance. Pouvons-nous, en suivant son exemple de générosité, espérer sauver des âmes? C’est évidemment impossible, affirmons-le encore, le précepte économique «donne tout aux pauvres» est inefficace. Alors quoi! Vous hurlez d’indignation. Vous vous demandez comment ose-t-on publier de telles inepties sur un site catho.

 

Nous pourrions réaliser l’expérience de réduire notre consommation à l’ascèse et de distribuer l’excédent, vivre de presque rien et donner presque tout. Mais demain le mendiant sera là, au bas de chez nous, l’écuelle tendue et le regard noir, nous reprochant de donner si peu aujourd’hui alors que nous avions donné tellement hier. Comprenons bien que la mendicité est un gouffre infernal, un «tonneau des Danaïdes», à vouloir le remplir à ras, on finira par faire un pauvre de plus, nous.

 

Cependant, Monseigneur Bienvenu n’est pas imitable par ce qu’il donne, mais par ce qu’il prie, car il n’est pas demandé de vivre de peu, mais de vivre de Dieu. Dès qu’il le peut, l’Evêque de Digne cultive son « coin de jardin ». Ce n’est pas l’argent des chandeliers qui sauve l’âme de Jean Valjean, mais la foi d’un homme abandonné en Dieu.

 

Voilà, nous y sommes, en quelques pas seulement nous quittons le calcul économique pour pénétrer les mystères de la foi. En cette année si particulière, il paraît légitime de nous y attarder.

 

Pascal Fessard

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/blogsf/le-digne-eveque-de-digne/