Brésil: Chaque jour, six personnes sont torturées, dénonce Human Rights Watch

Brasilia, 30 janvier 2015 (Apic) Le rapport annuel de l’ONG Human Rights Watch (HRW) présenté le 29 janvier 2015, a révélé que, chaque jour, six personnes étaient victimes de torture au Brésil. 84% de ces actes sont pratiqués dans les centres pénitentiaires, les commissariats et les unités de détention de jeunes.

Les informations divulguées par HRW sur le Brésil sont basées sur des dénonciations reçues par le Centre national des Droits de l’Homme. De janvier 2012 à juin 2014, 5’431 cas de torture ont été enregistrés. Pour Human Rights Watch, l’une des raisons permettant d’expliquer un tel chiffre est le manque de punition des auteurs. «D’avantage encore qu’un héritage de la dictature militaire, la torture est un héritage de l’impunité. Les auteurs de ces actes savent qu’ils ne seront pas punis», a souligné Maria Laura Canineu, la directrice de HRW Brésil.

Autre motif mis en avant: la surpopulation carcérale, conséquence d’une politique d’emprisonnement massif. Avec plus de 560’000 détenus pour seulement 363’000 places, le Brésil présente en effet une surpopulation carcérale de plus de 35%. Le mélange des détenus en attente de jugement et de ceux déjà jugés influence également le manque de contrôle des établissements et, donc, la multiplication de cas de tortures.

Réduire la détention provisoire

«L’absence de l’Etat, le manque de sécurité et le manque d’activités dans les prisons favorisent la création d’organisation criminelles et ne fait qu’empirer la situation de ces espaces», analyse Maria Laura Canineu. Dans le rapport 2014, HRW avait déjà évoqué ses préoccupations face à la surpopulation carcérale. Cependant, très peu d’améliorations ont été notées. D’après l’organisation, le projet de loi 554/1, qui prévoit des changements dans l’accueil des détenus, constituerait une des solutions pour réduire la surpopulation carcérale et éviter ainsi des cas de torture.

Selon cette proposition de loi, tout suspect détenu préventif devrait être entendu par un juge dans les 24 heures. Actuellement, il n’existe aucun délai. HRW a même observé le cas d’un détenu accusé de recel et qui a dû attendre trois mois pour pouvoir être entendu par un magistrat. Durant cette période, il a partagé une cellule avec des délinquants déjà condamnés et des membres d’organisations criminelles.

Tortures dans les commissariats

Le rapport de HRW dénonce également une augmentation préoccupante des morts occasionnées par des policiers. Lors des trois premiers trimestres de 2014, l’augmentation des cas a été de 40% à Rio de Janeiro et de 97% à Sao Paulo. «Dans ces deux états des mesures importantes ont été prises pour réduire le nombre de morts, reconnait Maria Laura Canineu. Mais c’est loin d’être suffisant.»

D’autant que lesdites mesures sont parfois sujettes à critiques. C’est le cas à Sao Paulo, où l’on a interdit aux policiers de porter secours aux victimes de supposés échanges de tirs. Dans ce cas, l’objectif est d’éviter que les suspects blessés ne soient torturés ou assassinés sur le chemin de l’hôpital.

Dans son rapport 2015, Human Rights Watch souligne que ces violences se retrouvent également dans les protestations sociales. L’ONG dénonce notamment les agressions et les peines de prisons à l’égard des journalistes. Une étude de l’Association Brésilienne du Journalisme d’Investigation a conclu que 178 journalistes ayant couvert les manifestations de juin 2013 et 2014 ont été arrêtés ou blessés. Il y a eu également un cas d’homicide, celui du cinéaste Santiago Andrade, mort à Rio après avoir été atteint par les forces de l’ordre.

Punir les auteurs de tortures pendant la dictature

Lors de la divulgation de ce rapport, HRW a demandé que les autorités s’investissent  également dans la lutte contre les violences subies par les homosexuels, qui ont représentés plus de 150 cas d’agressions en 2013. L’ONG a également souligné que 2014 avait été une année historique pour le Brésil avec la publication par la Commission Nationale de la Vérité d’un rapport désignant en partie les coupables d’actes commis pendant la dictature militaire (191-1985).

D’un autre côté, l’organisation a demandé au gouvernement de punir les militaires et collaborateurs responsables de ces crimes et ce malgré l’existence d’une loi d’amnistie. «Selon nous, il n’est pas  nécessaire d’avoir une révocation de la loi pour pouvoir punir ceux qui ont agi durant le régime militaire. Le Chili a puni ses agresseurs, même avec une loi d’amnistie. Nous estimons en effet  que l’amnistie n’est pas applicable aux crimes contre l’humanité», conclut la directrice de Human Rights Watch au Brésil. (apic/jcg/bb)

Bernard Bovigny

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