Bhoutan: Le pasteur accusé de prosélytisme libéré

Thimphou, 7 février 2015 (Apic) Le pasteur protestant Tendin Wangyal, emprisonné en mars 2014 pour avoir organisé un rassemblement religieux sans permission des autorités, vient d’être remis en liberté, rapportent des ONG chrétiennes. Le petit Etat himalayen est pointé du doigt par certaines organisations internationales pour ses atteintes à la liberté religieuse.

Le pasteur évangélique bhoutanais a été libéré en échange du paiement de la somme conséquente de 100’000 ngultrums (environ 1’400 euros). Les juges ont annoncé avoir levé toutes les charges contre lui, rapporte le 5 février 2015 l’ONG de défense des chrétiens Portes ouvertes, relayée par Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.

Tendin Wangyal avait été incarcéré en même temps qu’un autre pasteur bhoutanais, Mon Thapa (Lobsang), relâché en septembre dernier, contre le paiement d’une amende de 98’800 ngultrums (un peu plus de 1’000 euros).

Pas de «conversion forcée»

Les deux pasteurs avaient été arrêtés le 5 mars 2014, alors qu’ils conduisaient un enfant malade à un hôpital de village. Ils étaient arrivés la veille pour préparer un séminaire de trois jours qui devait se tenir à la demande d’une trentaine de chrétiens des environs, dans le village de Khapdani, au sud-ouest du pays. Les autorités les avaient alors emprisonnés pour avoir voulu «organiser un rassemblement religieux sans autorisation préalable» et collecté «illégalement des fonds pour une activité contrevenant aux lois du pays ». La législation bhoutanaise impose en effet des restrictions sur les activités de charité.

Après plusieurs audiences, le 10 septembre dernier, la cour avait condamné Tendin Wangyal à plus de quatre ans de prison ferme. Ce n’est qu’après son dernier appel, en novembre 2014, qu’il a vu sa peine réduite à deux ans et quatre mois, suite à l’abandon de l’accusation qui lui avait été faite de pratiquer des conversions forcées.

L’affaire avait été discutée au plus haut niveau de l’Etat. Le ministre de l’Intérieur et des Affaires culturelles, Damcho Dorji, avait justifié les arrestations des deux chrétiens en affirmant qu’ils avaient tenté de «pratiquer des activités prosélytes» sans autorisation.

Les chrétiens, perçus comme l’avant-garde de l’Occident

Si le Bhoutan a inscrit la liberté religieuse dans sa Constitution, promulguée en 2008, tout prosélytisme «venant d’une religion étrangère» est formellement interdit dans le pays, dont la religion d’Etat est le bouddhisme vajrayana. Les chrétiens, considérés par la population comme l’avant-garde de l’Occident, sont perçus comme une menace pour l’identité nationale bhoutanaise, laquelle ne fait qu’une avec le bouddhisme, assure EdA. Un Bhoutanais qui se convertit au christianisme court le risque de perdre sa citoyenneté.

Le prosélytisme, la publication de bibles, la construction d’églises, d’écoles ou d’autres institutions chrétiennes sont prohibés. L’entrée des missionnaires sur le territoire est interdite et le culte chrétien doit être pratiqué au sein de la sphère privée.

Un pays à 75% bouddhiste

Depuis 2010, une loi anti-conversion, visant tout particulièrement la communauté chrétienne, punit de trois ans de prison ferme, toute tentative de conversion par la force ou par quelque moyen frauduleux que ce soit.

Le Bhoutan est par ailleurs sur la liste noire des pays persécutant les chrétiens de l’ONG Portes ouvertes.

75 % des 700’000 Bhoutanais sont bouddhistes, 22 % hindous – la plupart d’origine népalaise –, le reste de la population se partageant entre chrétiens et autres confessions. Des sources locales, essentiellement protestantes, annoncent un nombre d’environ 20’000 chrétiens, parmi lesquels se trouveraient quelques centaines de catholiques. Des chiffres difficiles à vérifier, les Eglises chrétiennes au Bhoutan étant essentiellement «souterraines» et non déclarées. (apic/eda/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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