Le Conseil fédéral passif face à la spéculation alimentaire?

 Berne, 19 février 2015 (Apic) «Les spéculateurs pourront continuer à parier sur les prix des denrées alimentaires». Alliance Sud critique la recommandation du Conseil fédéral de rejeter l’initiative «Stop à la spéculation». Pour La communauté de travail d’œuvres d’entraide, dont les catholiques Caritas et Action de Carême (AdC), le gouvernement place les intérêts des spéculateurs avant la détresse des personnes concernées dans les pays en développement.

Les variations importantes de prix des denrées alimentaires créent une insécurité et une détresse énormes dans les pays en développement. La spéculation financière sur les produits agricoles attise cette insécurité, affirme Alliance Sud dans un communiqué. Pourtant, le Conseil fédéral recommande, dans un message publié le 18 février 2015, le rejet de l’initiative populaire «Stop à la spéculation sur les denrées alimentaires». Alliance Sud, la communauté de travail Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et l’Eper pour les questions de politique de développement, considère cette décision comme extrêmement discutable.

Le fléau de la volatilité des prix

Le Conseil fédéral justifie son refus en premier lieu en affirmant que l’initiative serait inadaptée. Il manquerait d’éléments prouvant scientifiquement l’impact conséquent des affaires spéculatives sur l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Pour Alliance Sud, il s’agit d’un argument fallacieux. «Le problème pour les pays en développement n’est pas les prix élevés des denrées alimentaires, mais les fortes fluctuations de prix», souligne Mark Herkenrath, expert des questions financières chez Alliance Sud. Nombre d’études académiques montrent qu’une spéculation financière excessive accroît la volatilité des prix et, de surcroît, fait obstacle aux effets positifs d’un marché financier organisé. «Le Conseil fédéral manque l’occasion de prendre au sérieux ces importants résultats. Cela, alors que la Suisse – après le choc du franc – fait elle-même l’expérience des effets décisifs de variations rapides de prix», ajoute Mark Herkenrath.

Des conséquences négatives pour l’économie suisse?

En lieu et place, le Conseil fédéral entend continuer à promouvoir la production agricole dans les pays en développement et à y améliorer la sécurité alimentaire. De telles mesures sur le terrain font sens, mais ne suffisent pas. Elles ne résolvent pas le problème de la volatilité des prix. Les organisations suisses de développement, qui s’engagent dans les pays en développement pour le renforcement d’une agriculture durable de petits paysans, partagent les préoccupations de l’initiative «Stop à la spéculation». Swissaid, par exemple, est active dans le comité d’initiative.

En réalité, la principale raison derrière la décision du Conseil fédéral est qu’il craint des conséquences négatives pour la place financière suisse, affirme Alliance Sud. Le gouvernement relève que l’acceptation de l’initiative accroîtrait encore l’insécurité générale quant à l’avenir des conditions-cadres économiques en Suisse. Afin d’amortir les retombées de l’initiative contre l’immigration de masse et du choc du franc, il conviendrait donc de renoncer à des mesures, importantes et signifiantes en termes de politique de développement, visant à endiguer la spéculation financière. «Une fois de plus, ce sont les plus pauvres dans les pays en développement qui vont trinquer», conclut le communiqué d’Alliance Sud.

L’étude d’Alliance Sud: «La spéculation sur les denrées alimentaires – (pas de) problème?»

(apic/com/rz)

 

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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