Réfugiés de Saint-Laurent: dissensions caritatives

Lausanne, 19 mars 2015 (Apic) La communication reste difficile entre le collectif R et les Eglises vaudoises au sujet de l’occupation de l’église Saint-Laurent de Lausanne. D’un côté, on regrette l’absence de soutien; de l’autre, on dénonce un «coup de force» qui sape toute collaboration. Les deux instances sont divisées quant à la prise en considération préalable de la situation des migrants.

Contacté par cath.ch, Pascal Bregnard, responsable du département Solidarités de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, regrette la manière de procéder du collectif. «Les Eglises n’ont pas été sollicitées, elles ont été mises devant le fait accompli au premier jour de l’occupation [le dimanche 8 mars 2015, ndlr]. Accorder un refuge à des migrants est une solution radicale, un ultime recours, qui implique de connaître la situation des personnes et d’avoir épuisé toute autre forme de soutien».

Discerner les situations

Informées après coup, les Eglises ont contacté le collectif de migrants afin d’étudier ensemble les «dossiers» de ces personnes. C’est là pour elles la condition préalable de tout engagement. «On ne peut pas délivrer de permis de séjour à toutes les personnes qui arrivent en Suisse», explique Pascal Bregnard. «Les Eglises ne peuvent pas entrer dans une telle revendication. Pour la crédibilité du message évangélique, nous devons connaître les personnes avant de nous engager en leur faveur».

«L’Eglise a ses principes, nous, nous en avons d’autres», rétorque Graziella de Coulon, membre du collectif R. «On ne peut certes pas accueillir toute la misère du monde, mais on peut accueillir celle qui arrive en Suisse. C’est un petit pays, mais un pays riche. Lorsque des personnes ne peuvent plus rester chez elles, nous nous devons de les accueillir.»

Une solution radicale

Pascal Bregnard persiste. «Nous demandons un discernement des situations de vie de ces personnes». A ses yeux, l’aide des Eglises se base sur différents critères: «Qui sont-elles? D’où viennent-elles? Ont-elles vécu quelque chose de particulièrement inique? S’agit-il d’un individu? D’une famille?»

Dans certaines situations particulièrement graves, les Eglises peuvent recourir à des moyens radicaux. «Il arrive que des lieux de cultes soient mis à disposition de réfugiés. C’est une protection symbolique – nous n’avons pas le pouvoir de nous opposer aux forces de l’ordre s’elles décidaient de déloger de force des personnes réfugiées dans une église. Or c’est une solution de dernier recours car les églises sont des lieux de précarité. Avant d’en arriver là, il faut voir étudié toutes les autres possibilités».

Le bras de fer continue

L’imminence du renvoi des six émigrés somaliens et érythréens empêche cette réflexion préalable, selon Graziella de Coulon.»Je ne veux pas polémiquer avec les Eglises, nous nous sommes suffisamment expliqué. Nous demandons que ces requérants d’asile ne soient pas renvoyés vers l’Italie car ils seraient voués au néant. Il s’agit d’êtres humains et, à ce titre, leurs revendications doivent être entendues. Je regrette que les instances de direction des Eglises ne soutiennent pas notre action, mais on ne peut plus perdre de temps à aller discuter avec elles», conclut-elle. Le bras de fer caritatif se poursuit. (apic/pp)

Pierre Pistoletti

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