Le redécoupage du diocèse de LGF relancé par Mgr Morerod

Fribourg, 30 avril 2015 (Apic) Trois ans après sa nomination à la tête du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Morerod a décidé de reprendre la question de son redécoupage. Il a lancé une consultation sur le sujet auprès des prêtres, agents pastoraux et communautés religieuses. Le diocèse qui regroupe les quatre cantons romands de Vaud, Genève, Fribourg et Neuchâtel pour quelque 650’000 catholiques est trop grand, mais surtout trop complexe.

«En Suisse le danger principal est probablement de devenir des fonctionnaires. Ce danger du reste menace tous les agents pastoraux, et j’aimerais trouver comment contribuer à l’amenuiser», explique Mgr Morerod. «Quand on me demande ce que j’aime dans mon travail, je réponds que c’est rencontrer Dieu et rencontrer les gens. Mais je crains que le temps que je peux y consacrer soit trop limité, et que, en raison de la taille du diocèse, je me trouve souvent dans un rôle de fonctionnaire.»

Quatre cantons, deux langues officielles, 650’000 catholiques pour 1,6 million d’habitants, le diocèse de Lausanne Genève et Fribourg est effectivement grand, mais surtout complexe par ses réalités cantonales très différentes. Pour Mgr Morerod, cette situation explique la rareté des visites pastorales. «Dans les 17 unités pastorales que j’ai visitées, on me dit que ce n’était pas arrivé depuis 40 ans!»

Un serpent de mer

La question du redécoupage du diocèse de LGF est un peu un serpent de mer qui pointe la tête hors de l’eau à des intervalles plus ou moins longs avant de replonger dans les profondeurs. La dernière tentative sérieuse de réorganisation remonte au milieu des années 1970. Dans la foulée du Concile Vatican II et du Synode 72 de l’Eglise en Suisse, la Conférence des évêques suisses avait mandaté une commission pour étudier le redécoupage des diocèses du pays. L’ancien juge Philippe Gardaz en était. En 1980, la commission publie son rapport et propose la réinstallation d’un évêché à Genève; Vaud, Fribourg et Neuchâtel restant liés autour de l’évêché de Fribourg.

La Conférence des évêques en prend acte, mais la réforme bute sur plusieurs obstacles. C’est alors surtout la réticence de l’Eglise protestante de Genève qui fait difficulté. Certains responsables de l’Eglise réformée avaient vivement critiqué cette idée, perçue comme une implantation catholique dans un canton phare de la Réforme. La situation évolue après 1987, lorsque Mgr Amédée Grab est nommé évêque auxiliaire à Genève.

Un diocèse à Genève ?

«Les conclusions du rapport de 1980, restent largement valables aujourd’hui sous l’angle pastoral, mais aussi socio-géographique et historico-culturel», estime Philippe Gardaz. De nombreux arguments militaient en faveur d’un redécoupage et pour la création d’un diocèse à Genève: Un territoire géographiquement cohérent permettant une administration simple et directe; la possibilité pour l’évêque d’avoir un contact régulier avec les agents pastoraux et les fidèles; l’existence d’une administration quasi complète et le désir des Genevois d’avoir leur propre diocèse. Les inconvénients restent également globalement les mêmes: la difficulté d’avoir un nombre suffisant de prêtres en tenant compte de la diversité linguistique et culturelle des catholiques, la précarité financière et une certaine dépendance de la solidarité des autres diocèses, autant pour le personnel que pour le financement.

Avec des arguments similaires, Lausanne et Fribourg pourraient aussi revendiquer de devenir des diocèses indépendants. Seul Neuchâtel n’atteint pas la masse critique. Il y a cependant encore loin de la coupe aux lèvres.


 

Encadré 1

La structure du diocèse de LGF

Au plan pastoral, le diocèse de LGF se divise en cinq vicariats, un pour chaque canton, plus un pour le Fribourg alémanique. Chaque vicariat dispose de ses institutions propres sous l’autorité d’un vicaire épiscopal, ou d’un évêque auxiliaire à Genève, qui gère les activités et le personnel pastoral. Du point de vue du fonctionnement, on pourrait parler de «mini-diocèses».

Chaque canton dispose en outre d’une structure de droit public ecclésiastique, régie selon des principes démocratiques, avec des organes élus. Ces organes sont responsables de la gestion des finances de l’Eglise au plan cantonal. La Corporation ecclésiastique du canton de Fribourg (CEC) récupère une partie de l’impôt ecclésiastique perçu par les paroisses. La Fédération ecclésiastique catholique romaine du Canton de Vaud (FEDEC) reçoit une contribution directe de l’Etat. L’Eglise catholique romaine – Genève (ECR) et la Fédération catholique romaine neuchâteloise vivent sous le régime de la séparation Eglise-Etat. Organisées en associations, elles dépendent des contributions volontaires des catholiques.

A priori le redécoupage du diocèse de LGF en deux ou plusieurs entités nouvelles n’aurait pas d’incidence sur les corporations ecclésiastiques qui devraient continuer à faire le lien avec l’Etat, estime Philippe Gardaz.


Encadré 2

Le diocèse en chiffres

Les quatre cantons qui forment le diocèse de LGF présentent des réalités très diverses au plan religieux, social et économique. Les différences de ressources matérielles et financières sont importantes. Opérer une comparaison détaillée dépasserait largement le cadre d’un tel article. On peut néanmoins relever quelques ordres de grandeur. En se basant sur le budget des corporations ecclésiastiques cantonales, à l’exclusion de celui des paroisses, on dépense 124 francs par catholique et par an à Fribourg, 104 francs dans le canton de Vaud, 80 francs à Neuchâtel et 70 à Genève. On compte 1 agent pastoral salarié(EPT) pour 1’831 catholiques à Fribourg, pour 1’315 dans le canton de Vaud, pour 1’710 à Genève et 1’200 à Neuchâtel.

 

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Encadré 3

Les conditions de la création d’un diocèse

La création de nouveaux diocèses dépend aujourd’hui de la seule compétence du Saint-Siège selon l’article 373 du code de droit canon. Les règles matérielles sont décrites dans le décret conciliaire «Christus Dominus» (art 22 ss).

Concrètement chaque diocèse doit former une ‘unité organique’ quant aux personnes, aux offices et aux institutions. Avec ces cinq vicariats, le diocèse de LGF semble pouvoir difficilement répondre à ce critère.

Le deuxième critère définit que le territoire doit être d’un seul tenant. Ce qui est le cas. Il s’agit en outre de s’adapter aux limites des circonscriptions civiles, en l’occurrence des cantons. Depuis quelques années, il existe des unités pastorales inter-cantonales dans la Broye.

L’étendue du territoire ou le nombre de ses habitants doivent permettre à l’évêque de «pouvoir en personne accomplir les cérémonies pontificales, faire commodément les visites pastorales, diriger et coordonner comme il faut toutes les œuvres d’apostolat dans le diocèse». Le décret souligne aussi l’importance du lien de l’évêque avec ses prêtres, les religieux ou les laïcs qui ont une charge pastorale. C’est le principal problème soulevé par Mgr Morerod.

Le quatrième critère concerne les prêtres. Ils doivent être " assez nombreux et qualifiés pour paître, comme il faut, le peuple de Dieu.» En cas de création d’un nouveau diocèse, on demandera à chaque prêtre s’il veut rester dans son diocèse d’origine ou s’il souhaite rejoindre le nouveau.

Enfin le dernier critère concerne les ressources matérielles. Le décret prévoit que «le diocèse possédera déjà les ressources nécessaires pour faire vivre les personnes et les institutions, ou du moins il aura par ailleurs la prudente assurance que, venant d’ailleurs, elles ne viendront pas à manquer».

Le décret conciliaire précise en outre que la Conférence épiscopale est compétente pour examiner ces questions et soumettre ses avis et ses vœux au Saint-Siège.


 

Encadré 4

L’histoire du diocèse de LGF

Lausanne et Genève sont deux cités épiscopales depuis la fin de l’Antiquité. Elles le sont restées jusqu’au moment de la Réforme protestante dans la première moitié du XVIe siècle où les évêques ont été chassés. Elles pourraient légitimement aspirer à retrouver un évêque résidant. Fribourg, où l’évêque réside depuis le début du XVIIe siècle, n’est devenu formellement ville épiscopale qu’en 1924, mais elle peut également faire valoir sa forte tradition catholique.

Le premier siège épiscopal sur le territoire de la Suisse romande a été la cité romaine d’Avenches. L’évêque Saint Maire le fixa à Lausanne à la fin du VIe siècle. Au Moyen Age, le diocèse s’étend des rives du Léman aux rives de l’Aar jusqu’à Soleure englobant aussi la ville de Berne. Après le passage à la Réforme en Pays de Vaud, l’évêque se réfugie en Savoie en 1536. Il se fixe à Fribourg au début du XVIIe siècle, mais sans posséder de cathédrale. Le bâtiment actuel de l’évêché a été acquis au début du XIXe siècle.

La fondation du diocèse de Genève remonte au IVe siècle. Elle se rattache aux évêques de Vienne, dans la vallée du Rhône. En plus de la ville et la région genevoise, le diocèse s’étend sur une grande partie de la Savoie et du pays de Nyon. Après la Réforme, l’évêque se fixe à Annecy en 1564. En 1821 le titre d’évêque de Genève est rattaché à celui de Lausanne, Genève étant devenu suisse en 1815.

En 1924, Mgr Marius Besson fut le premier à porter le titre d’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, suite à l’érection de la collégiale Saint-Nicolas en cathédrale.


Encadré 5

La consultation

La consultation ouverte jusqu’au 15 mai par Mgr Morerod auprès des prêtres, agents pastoraux et communautés religieuses, est très succincte. Elle se limite à trois questions : 1. Pensez-vous qu’il soit opportun de redécouper le diocèse de LGF ? 2. Pensez-vous qu’il soit opportun de créer un diocèse de Genève ? 3. Quel autre éventuel redécoupage verriez-vous ? Le questionnaire n’est pas accompagné de notes explicatives, ni de documents. «Il s’agit de prendre la température», explique Gilles Gay-Crosier, chancelier de l’évêché, chargé du dépouillement de l’enquête. Les autorités politiques des quatre cantons ainsi que les Eglises sœurs protestantes et catholique-chrétienne ont également été informées.

Le chancelier attend un taux de réponse assez élevé afin d’avoir une vue représentative. Les réponses sont enregistrées au fur et à mesure de telle sorte qu’un document de synthèse devrait pouvoir être remis à l’évêque à fin mai. «Il s’agira de voir ensuite s’il y a une volonté d’aller plus loin», explique Gilles Gay-Crosier. Le cas échéant le résultat sera communiqué à la Conférence des évêques et aux instances romaines qui ne sont pas actuellement impliquées dans la démarche.

A noter que le questionnaire s’adresse aux personnes et non pas aux institutions ecclésiales ou ecclésiastiques qui, en l’état, ne semblent pas vouloir donner d’avis formel.


 

Encadré 6

Une église-mère, trois basiliques Notre-Dame

Cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg

Achevée en 1490, la tour de la cathédrale Saint-Nicolas domine la ville de ses 74 mètres. Elle est encore aujourd’hui le plus haut bâtiment de la ville. Symbole de Fribourg, elle témoigne de l’attachement de la cité à la foi catholique.

Basilique Notre Dame de Genève

Construite entre 1852-1857, sur l’emplacement d’un ancien bastion de la ville de Genève, la basilique Notre Dame symbolise la lutte des catholiques pour leurs droits dans la Genève anticléricale de la deuxième moitié du XIXe siècle. Spoliée en 1875, elle est revendue aux catholiques en 1911 et devient basilique mineure en 1954.

Basilique Notre Dame de Lausanne (Valentin)

Erigée de 1832 à 1835, Notre-Dame de Lausanne au Valentin est la première église construite dans le chef-lieu vaudois depuis la Réforme de 1536. Elle a été promue au rang de basilique en 1992 et classée monument historique en 2003. Dotée d’un clocher en 1935 seulement, elle est le symbole de la renaissance catholique en pays de Vaud.

Basilique Notre Dame de Neuchâtel (église rouge)

Construite entre 1897 et 1906, sur le bord du lac, Notre-Dame de Neuchâtel a gardé le surnom ‘d’église rouge’ due à la couleur de son béton. Menacée de démolition, cette magnifique église néo-gothique est finalement entièrement restaurée en 1986. Elle accède au rang de basilique en 2007.

Maurice Page

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