Taizé: Pas de musique sans silence

Lausanne, 21 mai 2015 (Apic) Pour beaucoup de gens, la première et la principale expérience de Taizé passe par l’écoute. La ‘magie’ de Taizé c’est d’abord la musique. Méditative, apaisante, elle porte à descendre au fond de soi. Pour la jeune musicienne Céline Grandjean, on pourrait dire qu’à Taizé il n’y pas de musique sans silence et pas de silence sans musique.

La musique occupe une place essentielle dans la prière de Taizé. Environ 80% du temps des offices des frères sont occupés par le chant, le reste se partageant entre le silence et les textes, explique Céline Grandjean, coordinatrice du centenaire de Taizé pour la Suisse. Par la forme répétitive des chants, la musique permet de descendre à l’intérieur de soi pour conduire au silence. On pourrait dire ‘pas de musique sans silence’.

Pour la jeune femme, musicienne et étudiante en musicologie, le répertoire de Taizé se caractérise aussi par sa facilité d’accès. Avec des séquences courtes, parfois seulement deux mesures, les chants jouent sur la répétition selon un mode litanique (en fait, il serait peut-être plus juste de parler d’ostinato que de litanie). Les mélodies et les harmonies sont simples. Ils sont donc facilement abordables par des personnes de tous âges.

L’usage du latin pour certains chants participe également à cette simplicité. Le latin est certes une langue que l’on ne parle plus, mais il est la racine commune de nombreuses langues européennes et ramène bien sûr à la grande tradition du chant grégorien. Outre le latin, le répertoire de Taizé s’est aujourd’hui adapté dans de nombreuses langues.

La ‘responsabilité’ de chanter

Pour Céline Grandjean, le chant de Taizé se fait expérience spirituelle. «Il nous met face Dieu. Notre corps devient notre instrument. Nous acquérons alors une ‘responsabilité’ de chanter et de méditer le texte.» Pour cette expérience, l’aspect collectif du chant est primordial. L’échange se fait entre les personnes présentes et avec Dieu. «Le chant à plusieurs nous porte mutuellement».

Le cadre du chant de Taizé est assez défini, mais il n’enferme pas, il n’est pas figé comme cela se passe dans la messe ou le culte où le célébrant suit un ordre bien déterminé et fixe le rythme, explique Céline. Ce cadre est plus souple et peut se prolonger en fonction du ressenti et l’atmosphère du moment. «Le chant devient alors vraiment source de communion et permet d’expérimenter la force de l’union.»

Enfin le chant de Taizé véhicule un message de paix. C’est d’ailleurs le titre du dernier CD publié en mars 2015, par Deutsche Grammophon la prestigieuse maison de musique classique allemande sous le titre «Music of Unity and Peace»

(voir le trailer :

deux webisodes en français :

Une musique universelle

Né dans une petite communauté monastique, la musique de Taizé a rapidement essaimé non seulement dans les rassemblements de jeunes mais aussi dans la liturgie habituelle des diverses églises aussi bien catholiques que protestantes. Son répertoire peut s’entendre partout et dans toutes les circonstances.

«Le chant de Taizé ne véhicule pas de grandes émotions de type romantique. Il se contente d’harmonies ‘basiques’, de tempos lents et de nuances peu contrastées. Il est donc assez universel et intemporel», explique Céline Grandjean.

Il emprunte ses éléments à des sources variées de diverses confessions, catholiques, orthodoxes ou protestantes de différentes époques et origines. Un des chants les plus célèbres repris par Taizé est le ‘Jubilate Deo’ qui remonte au compositeur luthérien allemand du tournant du XVIIe siècle Michael Praetorius.

La musique accompagne des paroles simples. Outre les psaumes bibliques, elles sont souvent reprises de Pères de l’Eglise comme saint Augustin, dans le chant «Jésus le Christ» ou saint Grégoire de Naziance pour «O Toi l’au-delà de tout !». Frère Roger et d’autres frères de Taizé ont également composé des textes. Mais une belle musique et de belles paroles ne font pas forcément un beau chant. La qualité de la prosodie, c’est-à-dire l’adaptation de la musique et du texte est très soignée et cela dans toutes les langues, de même que l’harmonie, relève Céline Grandjean.

L’addition de ces diverses qualités des paroles, des mélodies, de la prosodie et de l’harmonie fait le succès du répertoire de Taizé auprès de gens d’âge, de culture et de confessions différentes.

On n’écoute pas Taizé comme un concert mais comme un soutien à la prière. L’interprète ne se met pas en avant il n’est qu’un médiateur. «On raconte que Frère Roger a dû faire comprendre à un de ses frères musicien qui aimait briller aux grandes orgues de se faire un peu plus discret de prendre moins de place d’être là en soutien et pas plus», conclut la jeune musicienne lausannoise.

 


Encadré

Une histoire en trois phases

L’histoire de la musique de Taizé peut se décrire en trois phases. Dans les années 1950, la petite communauté, récemment installée à Taizé, fait appel au Père Joseph Gélineau (1920-2008) qui compose les premiers chants essentiellement inspirés du grégorien. Le jésuite français donne son premier répertoire à la petite communauté monastique. On lui doit notamment «Ubi caritas Deus ibi est» :

 

A partir des années 1960, la colline de Taizé commence à attirer de plus en plus de jeunes. Cette transformation de la vie communautaire a une incidence sur la musique. Il s’agit alors de chercher un style qui parle également aux jeunes. Le compositeur Jacques Berthier (1923-1994), en collaboration étroite avec Frère Robert est l’artiste qui crée les chants qui deviendront les «tubes» ou les «classiques» de Taizé. Il est considéré comme le créateur du style de Taizé avec des œuvres comme le «magnificat»

«Bénissez le Seigneur «

ou «Nada te turbe»

La troisième phase débute après la mort de Jacques Berthier. C’est alors divers membres de la communauté dont Frère Jean-Marie et Frère Alois – devenu ensuite supérieur après la mort de Frère Roger en 2005 – qui prennent le relais en poursuivant la tradition. Le répertoire de Taizé n’est pas figé, tous les deux ans environ sort un nouveau disque avec des reprises mais aussi des mélodies nouvelles. Le livre de chants évolue de même au gré de ses éditions successives. De nouvelles langues apparaissent de plus en plus comme le Polonais ou le Tchèque après la rencontre européenne de Prague en 2014.

 


Encadré

La prière de Taizé en Suisse

Une quarantaine de prières de Taizé ont été organisées en Suisse à l’occasion du 12 mai, date anniversaire de la naissance de Frère Roger.

Céline Grandjean est une des animatrices de la prière de Taizé qui se réunit environ une fois par mois à l’église Saint Laurent au cœur de Lausanne. Un public d’habitués d’âges assez divers s’y retrouve. «On essaie de recréer l’atmosphère de Taizé, même si cela reste différent». La fréquentation des groupes de Taizé évolue un peu par vagues. Incontestablement la rencontre européenne de Genève en 2012 a donné un nouvel élan. La difficulté est plutôt de fidéliser les animateurs et les musiciens, note Céline Grandjean. (apic/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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