APIC – Reportage
des « Focolari » à Montet fête ses dix ans
« Notre époque réclame des signes »
Evelyne Graf, Agence APIC
Montet, un petit village de quelque 340 habitants dans la Broye fribourgeoise, est aujourd’hui connu dans les cinq continents… grâce aux « Focolari ». C’est que, depuis une décennie, près de mille jeunes gens, femmes et
hommes de presque tous les pays du monde, ont séjourné au Centre de Rencontre et de Formation (CRF) des « Focolari », un mouvement catholique orienté
vers l’oecuménisme, fondé en 1943 à Trente (Italie) par une laïque italienne, Chiara Lubich. Le Centre de Montet fête cette année son dixième anniversaire et semble, après les réticences d’une partie de la population locale, avoir réussi son intégration dans la région.
Aujourd’hui plutôt bien accepté dans la paroisse et la commune – il
fournit actuellement à Montet environ le cinquième de ses revenus fiscaux le Centre est devenu un lieu « symbolique » pour de nombreuses personnes,
catholiques et non-catholiques, en Suisse et à l’étranger.
Le millier de jeunes qui, durant toutes ces années, sont venus au Centre
suivre des cours de formation d’une durée de onze mois, ont donné un visage
rayonnant à cette petite « cité ». Les paroles de Jésus « Aimez-vous les uns
les autres comme je vous ai aimés » et « Là où deux ou trois sont réunis en
mon nom, je suis au milieu d’eux » sont pour les étudiants de Montet la « loi
fondamentale » qui sous-tend leur vie et leur travail en commun.
Dieu et le prochain, premiers servis
Dans une société matérialiste, axée sur la consommation et le profit, en
proie aux fléaux de la drogue et du suicide, face à l’extrême pauvreté du
tiers monde, parler de la valeur des relations humaines peut certes sembler
fantaisiste. Mais ce sont justement ces relations humaines que les jeunes
du Centre de Rencontre et de Formation de Montet se sont proposé d’approfondir dans leur vie, insistant sur le sens de la famille, donnant dans
leur vie quotidienne la première place à la relation avec Dieu et avec le
prochain. La diversité des races, des mentalités, des langues et des cultures n’est pas un obstacle insurmontable aux yeux de la communauté, mais
bien un « tremplin » pour construire l’unité entre tous.
Dans son travail à l’atelier des poupées, la Brésilienne Maristella sent
la responsabilité de construire une relation avec les autres et se met à
disposition pour effectuer n’importe quel travail nécessaire à la communauté. Peu importe si elle coud les vêtements ou si elle applique une pointe
de couleur pour réaliser les yeux de la poupée… Lucy, une jeune fille venue de Corée, a dû laisser de côté son goût pour les poupées de style coréen, mais comme les poupées de Montet plaisent aux clients et surtout aux
enfants, elle réalise son travail avec d’autant plus d’amour.
Le médecin devient couturière
Roberta, une autre Brésilienne, travaille seule dans une pièce. Devant
une grande machine, à l’aide d’une sorte d’ouate blanche, elle remplit les
poupées et les jouets en tissu. Elle soigne les relations avec les autres à
travers son travail, s’efforçant de l’accomplir au mieux pour faciliter
ainsi la tâche de la personne qui exécutera le passage suivant. Marides,
elle, vient de Hongrie. Médecin de profession, c’est ici qu’elle a appris à
coudre. A travers les conseils qui lui ont été prodigués, elle a essayé de
percevoir d’abord l’amour des autres. Elle n’est pas la seule à avoir appris à coudre à Montet, car les étudiants du Centre proviennent de toutes
les professions imaginables.
Paula l’Irlandaise, au début, ne parlait et ne comprenait pour ainsi dire pas l’italien, la langue commune à Montet. C’est à travers les différentes manières qu’ont les autres de travailler qu’elle a pu mieux les connaître et mieux commmuniquer. Tout un symbole. Dans la communauté de Montet,
tout est au service de la relation avec l’autre: le travail, les études en
groupes, la vie en commun.
Une spiritualité de l’unité
Ce style de vie s’inspire de la spiritualité du mouvement des « Focolari »
et de l’Evangile; il possède un signe distinctif : l’unité, unité de la famille, de l’Eglise et de la société. Cette unité procure une joie profonde,
elle rayonne sur les visages et constitue un signe visible qui frappe d’emblée le visiteur du Centre de Montet.
Créé il y a dix ans, le Centre a pour objectif de contribuer au renouveau de la société; c’est la suite de la formation des « Focolari », qui débute au Centre de Loppiano, en Toscane. Soutenu financièrement au début par
des donateurs suisses et étrangers, le CRF se suffit désormais à lui-même
pour ses dépenses ordinaires grâce au travail des pensionnaires dans les
divers ateliers comme celui de menuiserie et d’artisanat « Montet Bois », ou
au « Centre Art », qui produit des poupées en étoffe et de la literie pour
enfants.
D’autres jeunes filles travaillent à l’extérieur comme aides familiales,
font du nettoyage, du baby sitting, dans les familles de la région. Pour
les gros investissements, le Centre doit cependant faire appel à des dons
extérieurs. Le Centre, qui est une association, est dirigé actuellement par
deux co-présidents, l’Italienne Palmira Frizzera et le Suisse Helmut Sievers.
Une grande partie des jeunes gens qui viennent à Montet – la plupart n’y
séjournent que onze mois – proviennent de pays en voie de développement.
Ils y retournent généralement après leur formation afin de vivre au milieu
de populations victimes de tensions sociales et politiques, pour y répandre
une atmosphère de réconciliation et de dialogue. Quant aux autres pensionnaires, d’origine européenne ou nord-américaine, ils se préparent à créer
un climat d’entente et de bonnes relations interpersonnelles au sein d’une
société caractérisée par l’anonymat et la perte des vraies valeurs.
Tous ces jeunes « Focolari », malgré leur diversité, se préparent à une
vie en communauté et se sont consacrés à Dieu. C’est ainsi qu’ils font les
promesses de pauvreté, d’obéissance et de chasteté en vue du service et de
l’amour du prochain.
Nombreux sont ceux qui visitent le Centre de Montet. L’an dernier, 5’200
personnes de 64 pays sont passées dans cette petite « cité ». Lors des deux
dimanches « portes ouvertes », la population des alentours est venue en nombre: des catholiques, des protestants, des non-croyants, des familles avec
leurs enfants, des jeunes, des religieux, des prêtres. En d’autres occasions, des prêtres ou des pasteurs sont venus avec des groupes de confirmands. Chacun retourne chez soi convaincu que le christianisme est fascinant, qu’il est possible de le vivre pleinement.
Il se peut que Matteo, le jardinier italien, y ait contribué en racontant l’une des ses « expériences »: « Le fait que tout ce que Dieu a créé soit
création est fondamental à mes yeux. Ainsi, moi aussi, je fais partie de
cette création; je suis créature. J’aimerais faire passer ce sentiment à
ceux avec qui je travaille. Dans un certain sens, nous devons avoir avec la
nature, avec les plantes, la même relation d’amour et de respect que nous
avons avec les personnes, puisqu’elles sont elles aussi des créatures de
Dieu ».
Encadré
Les craintes de la population dissipées
A sa fondation, le Centre de Montet accueillait 95 personnes. Aujourd’hui,
les « Focolari » sont 150, de 39 nationalités différentes, représentant près
d’un tiers de la population totale vivant sur le territoire communal. Si
les étudiants ne sont pas comptés dans la population légale, sur les 340
résidants de Montet, 40 personnes cependant (18 Suisses et 22 « permis C »)
sont membres des « Focolari ». Certains, dans la population du village, avec
laquelle les relations sont généralement bonnes, ont d’abord eu peur d’être
« envahis » par ce mouvement, que d’aucuns à Montet qualifiaient de « multinationale ».
« Nous n’avons pas l’intention de progresser d’une façon géométrique »,
assure cependant le co-président Helmut Sievers, qui précise que le Centre
a signé en juin une convention avec la Commune de Montet. Il s’agit d’une
sorte de « gentlemen’s agreement » pour assurer la concorde dans le village,
afin que la population du Centre ne dépasse pas la population autochtone.
Des tensions ont également existé en matière fiscale, car au début les étudiants ont été comptés comme résidants de la commune, et il en est résulté
des dépenses excessives pour Montet en raison des charges liées à cette situation (écoles, hôpital, etc.).
En raison d’un certain manque de diligence des autorités de l’époque, le
Centre causait ainsi une surcharge effective à la commune. Dès que le Centre s’en est aperçu, ses responsables sont intervenus auprès de la Direction des finances pour trouver un arrangement. Depuis que cette question
fiscale a été réglée, l’atmosphère s’est totalement détendue.
Avec la paroisse et le curé Josef Kuster – un missionnaire de Bethléem
membre du mouvement -, les relations sont également très bonnes. Des permanents du Centre participent notamment à la catéchèse ou au Conseil pastoral
de secteur. Mais également pour ne pas prendre toute la place dans la petite église du village, il a été convenu que les étudiants ne se rendraient
pas en masse à la messe au village. (apic/be)
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