François-Xavier Amherdt: Pour un lobby «éco-spirituel»

Fribourg, 22 juin 2015 (Apic) Quelles perspectives pastorales peut-on tirer de l’encyclique «Laudato Si" du pape François? De la communion profonde avec le cosmos à la quête d’un «carpe diem évangélique», le professeur de théologie pratique François-Xavier Amherdt en esquisse quelques traits.

«Si le souverain pontife a choisi de s’appeler François, c’est à cause du Poverello d’Assise. Aussi est-ce bien dans la ligne de l’ensemble de son pontificat qu’il appelle tous les catholiques et l’ensemble de l’humanité à une spiritualité franciscaine: la louange de Dieu associée à la recherche de la paix intérieure, au respect de la création, à la justice envers les plus vulnérables et au dialogue entre les chercheurs de Dieu. Selon cette perspective, il n’est pas possible d’être authentiquement chrétien et de ne pas adopter une sensibilité écologique. Puisque le Créateur nous a confié le jardin de la nature, d’après le livre de la Genèse, nous sommes appelés à poursuivre cette œuvre de création, dans la force de l’Esprit. C’est donc à une communion profonde avec le cosmos que la Bible nous convie, au nom même de la foi en Jésus Christ, Roi de l’univers.

Cela se traduit par une utilisation mesurée des ressources naturelles, une multitude de petits gestes écologiques (tri des déchets, économie d’eau et d’énergie, …) et un mode d’existence équilibré. Plutôt que de fuir dans une consommation effrénée, le chrétien trouve son bonheur dans une forme de «décroissance» qui lui permet de déguster chaque aliment, chaque repas, chaque rencontre, chaque journée avec toute sa saveur (carpe diem évangélique). C’est au fond la spiritualité du jeûne biblique: dévorer moins pour vivre mieux, être plus à l’aise dans son corps, son âme et sa tête, exercer la solidarité avec ceux qui ne choisissent pas de ne rien avoir à manger

Sauvegarde de la création. Paix et justice

Tout ce que les communautés chrétiennes entreprennent pour devenir des «paroisses vertes» (selon le label décerné par OEKU, l’organisation œcuménique Église et environnement) va donc dans le sens de l’exercice des vertus théologales. L’enseignement social des Églises prône en effet une écologie intégrale, c’est-à-dire un lien intrinsèque entre la sauvegarde de la création, la paix et la justice.

Car la crise écologique dont les signes se multiplient – ainsi que les dernières campagnes d’Action de Carême / Pain pour le prochain / être partenaires nous l’ont rappelé: disparition des espèces, déforestation, pollution des mers, fonte des glaces, épuisement des ressources vitales, réchauffement climatique «ˆ’, touche surtout les plus pauvres, dans les pays du Sud. Et donc, la sauvegarde de la création implique le maximum d’acteurs possible à travers la planète. Elle interpelle l’ordre économique globalisé, la fracture riches-pauvres et Nord-Sud. Elle exige des gouvernants, notamment lors du renouvellement des Accords de Kyoto, à l’occasion de la prochaine Conférence de Paris sur le climat, qu’ils prennent des engagements réels pour que soient mises en place des règles au niveau international, avec des systèmes efficaces de contrôle, en faveur de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, de l’accès à l’eau potable pour tous, du développement des énergies renouvelables.

Une écologie spirituelle intégrale

Le document pontifical soutient donc tous les groupes chrétiens, mouvements, ONG et particuliers qui aujourd’hui déjà s’engagent en faveur d’un «développement durable» respectueux de la planète et de tout être humain. Elle presse les croyants de toute confession chrétienne et tradition religieuse à s’unir œcuméniquement (le terme a la même racine qu’«écologie», du grec oikos, la maison de la terre) en une sorte de «lobby éco-spirituel», pour exercer une certaine pression sur leurs différentes autorités (pétitions, referendum, contacts avec les parlementaires, …) afin que quelque chose bouge avant qu’il ne soit trop tard.

Enfin, l’encyclique s’attaque à la racine de la crise écologique, puisque son titre même vient d’un cantique. Elle montre que c’est dans la prière et la relation à Dieu que les hommes de tous les continents peuvent puiser la lucidité de reconnaître la gravité de la situation, le goût de cultiver la tempérance, l’humilité et le respect, la force de dialoguer et de s’unir pour entreprendre les bonnes démarches. Il en va de l’avenir de l’humanité.»

Abbé François-Xavier Amherdt
Professeur de théologie à l’Université de Fribourg

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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