Fractures

Je dois faire mon mea culpa. Dans mes pires cauchemars, je n’ai jamais imaginé que des démocraties de l’Union européenne placeraient sous tutelle une autre démocratie de la même Union, ce qu’ont fait sans sourciller la France et l’Allemagne à l’égard de la Grèce lundi dernier.

Ce résultat qui ne résout en rien le problème de la dette, appelle cinq réflexions. La première  est bien sûr que le gouvernement grec est le principal responsable de cette déroute. En allant s’asseoir à la table de ses créanciers sans plan B, il se livrait pieds et mains liés à ceux-ci. Un diplomate français l’a avoué. L’Allemagne et ses alliés est-européens avaient préparé un argumentaire sans faille qui exigeait des garanties sévères du gouvernement grec pour toutes les nouvelles avances financières éventuellement concédées. Dans ce contexte le référendum proposé à ses compatriotes par M. Tsipras était une palinodie. Il a conduit son auteur a signé le lundi les mesures qu’il condamnait le dimanche précédent.

Ma deuxième observation est que la Grèce a accepté une tutelle de ses finances publiques pour une génération en échange de son maintien dans la zone euro. C’est un prix exorbitant et qui montre à quel point la question monétaire peut ruiner la souveraineté d’un pays. Il montre combien notre époque est dominée par les questions financières. Le peuple grec n’a  pas eu, au bout du compte, son mot à dire. Triste destin pour le pays qui fut le berceau de la démocratie.

Ma troisième observation concerne l’Union européenne. Dans une chronique précédente, j’avais comparé l’Euro à la tour de Babel et précisé que sans réforme, celui-ci  serait le tombeau du projet d’unité politique de l’Europe. Ce qui s’est passé le week-end dernier confirme mon propos. L’Allemagne et ses alliés ont imposé leur logique et ont dénaturé  l’Union européenne. Comment les opinions publiques pourront-elles-encore  croire à un projet qui est fondé sur l’égalité de droits et de devoirs des pays ? Le diktat imposé à la Grèce va renforcer fortement les courants souverainistes à l’intérieur des pays du Sud et en particulier en France. Il condamne pour un temps tout rapprochement de notre pays avec l’Union européenne.

Une quatrième observation concerne la situation à l’intérieur de la Grèce. Les milieux qui ont intérêt au maintien de la Grèce dans l’Euro sont ceux qui sont tournés vers l’exportation et le tourisme. Sont également intéressés ceux qui sont en rapport d’affaires avec le reste de l’Europe. Ce sont eux qui ont gagnés. Les milieux tournés vers le marché intérieur pouvaient se contenter d’une résurgence de la drachme qui aurait été moins coûteuse pour eux. Ils ont perdu et vont devoir supporter des politiques d’austérité pendant une génération, alors qu’avec la drachme l’austérité aurait été beaucoup plus courte. On voit ici comment la mondialisation crée des perdants et des gagnants. Et comment elle peut créer une fracture à l’intérieur des pays sans des politiques économiques adaptées.

La dernière observation  concerne la durabilité de l’accord passé. Compte tenu de sa sévérité pour la Grèce et de la multiplicité des conditions qu’ils comportent, les embûches dans sa réalisation vont se multiplier. Nous aurons donc malheureusement l’occasion de reparler de ce sujet dans cette chronique.

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