Prédicateur : Abbé Patrick Werth
Date : 05 avril 2015
Lieu : Eglise Ste-Marie, Bienne
Type : radio
Mais pourquoi donc le jour de Pâques représente-t-il -pour les chrétiens- le sommet annuel de la vie spirituelle, à titre individuel et communautaire ?
Pâques est-il un meilleur jour qu’un autre ? Un jour plus propice à la réalisation de nos vœux ? Un jour idéal ?
Non seulement nous savons que nos problèmes et ceux du monde ne s’arrêtent pas le jour de Pâques, mais le croire serait comme avoir un léger problème de compréhension concernant la Résurrection.
La fête de la Résurrection du Christ ne peut pas être pensée, méditée et vécue, séparée du Vendredi saint, séparée de la Passion de Jésus. Le christianisme n’est pas une consolation, il est une confrontation à la réalité et son intégration à la vie intérieure.
Ceci une fois posé, nous pouvons nous concentrer sur Pâques puisque c’est cet événement que nous célébrons aujourd’hui.
Je vous propose une méditation en deux temps : un temps extérieur, objectif et un temps intérieur, subjectif.
Dans l’Evangile de Jean, c’est Marie Madeleine seule qui découvre le tombeau vide et qui va avertir les disciples. Permettez-moi d’ironiser : Mais où sont les hommes ? Les Evangiles ne les montrent pas sous un jour très favorable : ils ont peur et ils se cachent. Au-delà de l’ironie, je pense toutefois qu’ils représentent assez bien l’attitude que la plupart d’entre nous aurions eue à leur place, hommes et femmes confondus.
Imaginez-vous en effet être l’ami ou l’amie d’un homme que l’élite du pays et son occupant considèrent comme un dangereux agitateur au point de l’avoir mis à mort.
Car foncièrement, qui est Jésus ? Jésus est un homme qui ne renie pas la tradition, mais qui l’interroge de manière radicale. Au nom de son Père, là où la tradition est confortable, il la veut au service de tous, donc difficile, difficile pour tout le monde. Car il ne s’agit pas de s’accuser mutuellement de ne pas comprendre l’évolution de la société, mais de se poser de vraies questions, donc des questions difficiles. Là où la tradition est dure, Jésus la veut miséricordieuse. Là où tout le monde pense ceci, il pense cela. Là où nous voyons la mort, lui voit encore la vie.
L’empêcheur de tourner en rond Jésus n’était pas apprécié des élites de son temps et je ne suis pas sûr que les choses aient tellement changé. Je lis et écoute de nombreux médias différents. Ce qui me frappe, c’est le choix des sujets, le choix de ceux et celles à qui on demande d’en parler, l’insistance sur une forme de pensée unique. Quelqu’un décide de la manière dont nous aurions à penser et tous les autres auraient à suivre. Mais le Christ est coriace et les chrétiens aussi, malgré leurs nombreuses imperfections.
Les disciples ne sont toutefois pas le Maître et ils ont donc d’abord très peur. La question objective concernant la Résurrection est de savoir ce qui a bien pu provoquer leur changement d’attitude. Mais que s’est-il donc passé pour que des gens apeurés osent proclamer un message d’espérance et de solidarité pendant trois siècles ? Trois cents ans qui ne furent pas une période de persécution ininterrompue, mais qui prouvent que le christianisme n’est pas une mode. Que s’est-il donc passé ?
On peut passer sa vie et j’y ai consacré une partie de ma période athée à spéculer et à énumérer des descriptions sociales et des statistiques. On est libre de réfléchir intensément, mais on est aussi libre de constater que la réflexion seule ne donne pas nécessairement une épaisseur à la vie, un sens.
Etre capable de penser de manière critique est une grande qualité. Ca ne fait pas encore de nous un être humain capable d’une joie profonde et d’une générosité en marche.
Et c’est bien là que se situe l’enjeu véritable de la Résurrection. Pour être touché par le message de Pâques, pour sentir qu’il est toujours un renversement de valeurs : de la peur au courage, de l’égoïsme à la solidarité, du désespoir à l’espérance, il faut accepter de relier sa tête à son coeur.
Il faut relier sa tête à une vibration intérieure qui ne va pas la paralyser (notre tête) ou la réduire de taille, mais qui va l’irriguer, l’empêcher de sombrer dans le nombrilisme, lui permettre de s’ouvrir, de recommencer, de vivre, aujourd’hui et hors de la réalité que nous voulons toujours et à tout prix maîtriser, dans ce qu’on appelle l’éternité. Amen»
Patrick Werth, Actes, Colossiens, Jean, resurrection
Fête de Pâques
Lectures bibliques : Actes10, 34a.37-43; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9