Homélie du 21 septembre 2014

Prédicateur : Andrea Spörri, pasteure et Andreas Berlinger, assistant pastoral catholique
Date : 21 septembre 2014
Lieu : Eglise de Richterswil (ZH)
Type : tv

Andrea Spörri

Se retrouver devant Jean Baptiste devait être pour le moins surprenant : un homme enveloppé dans une fourrure et amaigri par le peu de nourriture qu’il mangeait. Probablement, d’ailleurs, il ne devait pas être très propre, ni fraîchement peigné!

En plus, cet homme d’aspect sauvage apostrophait les gens en leur disant : « Convertissez-vous, Repentez-vous!! Laissez-vous baptisez !! « Et le plus étonnant, c’est qu’il a réussi: Dans la Bible, il est dit: Le pays tout entier de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui pour l’écouter, et beaucoup d’entre eux avouaient leurs péchés et se faisaient baptisés …

Comment résonne aujourd’hui à nos oreilles l’appel de Jean Baptiste ? Que faire si, moi par exemple, encouragée par le succès de Jean-Baptiste, je vous dis :

« Convertissez-vous ! Changez ! Faites pénitence ! Confessez vos erreurs ! » Je suis à peu près certaine que je ne vais pas attirer la même sympathie que celle qu’a suscitée Jean.

C’est sans doute lié à ce que provoque en nous le mot «pénitence» lorsque nous l›entendons. Ou peut-être aussi, les images qu’il suscite immédiatement … Peut-être que ce mot pénitence a le même effet que lorsque nous apercevons une voiture de police: Nous nous sentons en quelque sorte pris en faute, et on se demande: Qu’ai-je donc à nouveau fait de mal? Pourquoi suis-je censé me « repentir? » Nous ne sommes plus au Moyen Age …

Pourtant, aujourd’hui, nous souhaiterions oser répondre à l’appel à la repentance de Jean. Nous ne faisons pas cela pour vous décourager! Nous ne voulons pas pointer du doigt les quelques défaillances individuelles que vous avez pu commettre. Il ne s’agit pas pour nous de blâmer quiconque, ou que nous soyons tous très contrit et la mine renfrognée d›ici la fin de cette célébration. Ce n’est pas cela que nous souhaitons.

Avec son discours Jean Baptiste a provoqué quelque chose parmi ceux qui l’ont écouté. Il les a amenés à réfléchir et quelque chose en eux a été touché.

Un des signes qui montre que quelque chose a changé en eux, c’est le fait que les gens se sont laissé baptiser par Jean – un signe extérieur qui prouve ce qui s’est joué à l’intérieur.

Et c’est pour nous ce qui nous permet d’oser répondre positivement aujourd’hui à l’appel de Jean-Baptiste. Nous ne voulons pas vous offrir une amende,….en allemand le mot pénitence et amende c’est le même- Il ne s’agit donc pas de vous amender comme lorsque vous n’avez pas payé votre ticket de transport. Ou comme le bouquet, qui est ramené à la maison lorsque l’anniversaire de mariage a été oublié….c’est peut-être le cas chaque année…. On y reviendra plus tard.

Ce à quoi nous aimerions vous inviter, c’est à une attitude intérieure particulière. En effet, nous sommes convaincus qu’une telle attitude intérieure peut changer beaucoup, et ce encore aujourd’hui.

 

Andreas Berlinger

Ce qui va de pair avec la pénitence, nous l’avons entendu, c›est une attitude intérieure, une mise au point – un repère. Mais que signifie cette attitude intérieure de pénitence?

Faut-il que nous dirigions notre regard uniquement sur nos erreurs et nos lacunes ?

Faut-il s›auto-flageller ?

Probablement pas. Le chemin vers une vie comblée de paix et de joie intérieure ne peut pas se réaliser en détruisant ma propre estime et conduire ainsi à une satisfaction intérieure.

D’ailleurs sur la durée, c’est le contraire qui rend malade : le refoulement de la part sombre de moi-même.

Nous avons développé beaucoup de mécanismes, qui nous font sortir du chemin. Par exemple en projetant sur les autres: «je n’y peux rien si on en est venu à la dispute. Mais une femme…elle est toujours si….» ou en minimisant la faute: " ce n’est pas si grave que cela. C’est en fait très bien que j’ai osé passer un savon à ce collègue, ce coq fier !»

En même temps, des sentiments de culpabilité refoulés deviennent des poisons pour notre esprit. Tôt ou tard ils ressortent sous forme de colère ou de peur ou ils me rendent très irritable.

Comment alors faire en sorte que cette attitude intérieure de pénitence ne soit ni surchargée de culpabilité ni trop facilement excusée?

Je pense que si nous voulons nous développer en personnes responsables, alors il faut que nous posions sur nous-même un regard sain, sans refouler ce qui est inconfortable. Cela suppose une sincérité envers moi-même, sinon je piétine. Pour ce qui reste dans l’inconscient à moi-même, cela ne change rien. C’est seulement en conscience que des corrections sont possibles. « Apprendre de ses erreurs », dit-on souvent. L’expérience de sa propre culpabilité peut donc être le début d’une transformation intérieure.

Etre honnête vis-à-vis de soi-même, signifie d’un côté que je ne me considère pas plus petit ou plus mauvais que je ne suis. Dieu m’a bien crée et je dois me voir tel que je suis: avec toutes les forces et les talents qui m’ont été donnés.

Et ce regard réaliste, juste sur moi me protège d’un second danger : celui de me considérer plus grand, plus important que je ne suis. Je dois alors admettre sincèrement qu’il y a aussi chez moi et en moi encore des parts sombres sur lesquelles je peux travailler. Et comme je suis responsable de mes actions, je renonce à toute tentative de justification et de blâmer les autres. C’est à cette condition que je peux aller de l’avant et me trouver moi-même.

Je pense que c’est ainsi qu’il faut considérer l’attitude intérieure de pénitence : un des critères c’est de poser un regard lucide sur moi et me demander si je suis sincère et quelle sont mes responsabilités.

Andrea Spörri

Plaçons donc d’abord un point de repère chez soi et ne mettons pas tout de suite la faute sur les autres. Quand nous parvenons à faire cela, il y a quelque chose qui change dans notre vie. Pas seulement en nous-même mais aussi dans nos relations avec les autres.

Reprenons l’exemple du bouquet de fleurs que nous offrons pour se faire pardonner de l’anniversaire de mariage que nous avons oublié.

Peut-être avez-vous déjà vécu une telle situation : oublier le jour anniversaire de notre mariage.

Nous remarquons assez vite que nous avons déçu notre époux ou notre épouse. Et comment réagissons-nous face à cela?

Nous pensons peut-être: Oh cela n›aurait jamais dû arriver! Mais en ce moment, j’ai tellement sur les épaules et de toute façon, la dernière fois, c’est lui ou elle qui avait aussi oublié mon anniversaire…!

On a beau se justifier, cela nous fait tout de même mal et pour nous faire pardonner de notre époux ou épouse, on lui rapporte le jour suivant un très gros bouquet de fleurs.

La première fois, ce bouquet peut sans doute compenser la déception- mais quand c’est la 5è, la 7è fois ? La relation va sans doute en souffrir et aussi gros que soit le bouquet il ne fera pas le même effet…..

Mais que se passe-t-il lorsque plus tard après la deuxième fois nous regardons en nous et nous nous posons la question : «Là je l’ai vraiment déçu ! Je le sens bien. Je dois vraiment faire en sorte que cela ne se reproduise pas «. Et c’est précisément ce changement d’attitude qui va positivement changer la relation.

Cet exemple indique clairement quelles sont les alternatives pour cette attitude intérieure de pénitence. Elle ne doit pas rabaisser ou rendre de mauvaise humeur – en fait c’est le contraire: je suis convaincu que si nous adoptons cette attitude envers nous-même, notre attitude vis-à-vis des autres change aussi et cela a un effet positif sur nos relations.

Juste encore cette conversation fictive: « Tu as oublié notre anniversaire de mariage – Je suis déçu», «Oui, je peux te comprendre, je suis désolé-excuse-moi » au lieu de « »tu ne devrais pas m’en vouloir, toi aussi tu as oublié mon anniversaire! »

Quand nous sommes prêts à endosser notre part sombre, notre rapport au monde change. Quand nous sommes conscients de nos erreurs, nous sommes aussi moins durs avec les erreurs des autres.

Pourtant la pénitence comme attitude intérieure, n’est-ce pas une idée trop naïve ?

Ne doit-elle pas pour être efficace être comme une amende de circulation qui est utile parce que c’est une sanction qui ne laisse pas indifférent ?

Andreas Berlinger

Oui, la pénitence ne devrait-elle pas aussi faire mal?

Qu’il s’agisse d’un scandale de dopage, d›une photo de nu prise au mauvais endroit ou une erreur professionnelle de chirurgie- le coupable doit être trouvé et puni. La faute expiée!

C’est ainsi que fonctionne notre société : très humaine. C’est ainsi qu’est rassasié notre sentiment de justice.

Et c’est pourquoi il est à peine étonnant que nous pensions que Dieu réagit de la même façon : « Si Dieu est juste, alors il doit aussi punir le contrevenant ! »

Lorsque je vais rendre visite à des malades, j’entends souvent la question : « Qu’ai-je fait de mal pour que Dieu me punisse si fort ? Qu’ai-je fait pour mériter cela ? »

Dieu punit-il vraiment immédiatement, comme on le dit ? Exige-t-il vengeance ? Rétribution ? Ou devons-nous lui prouver notre allégeance par des pénitences particulièrement dures, parce qu’il nous a épargné ?

Au travers du prophète Isaïe, Dieu nous parle d’une autre image :

«Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l’homme se rabaisse ? S’agit-il de courber la tête comme un roseau, de coucher sur le sac et la cendre ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ?»

«Non!», la réponse est donnée de fait!

Et tout devient immédiatement très clair: Dieu ne veut, ni n’a besoin de pénitences pour être apaisé ou pour punir.

Le sens de la juste pénitence est complètement différent. Peut-être que nous comprenons mieux si nous remplaçons le terme «pénitence» par «conversion». Car en fait c›est bien de cela dont il s’agit.

L’attitude intérieure de la pénitence permet de nous détourner du mauvais chemin sur lequel nous nous étions engagés. Elle permet de nous convertir et nous tourner sur le chemin qui mène à une vie réussie, à des relations fructueuses avec Dieu et avec les autres.

Et c’est justement ça, que Isaïe proclame comme l’objectif de la pénitence quand il dit: « Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? »

La conversion ne suppose pas que nous devions attirer à tout prix la bienveillance de Dieu, mais de nous modeler nous-même pour que nous soyons de meilleures personnes avec un sens aigu du bien et du mal.

La pénitence n’est pas un commerce, au travers duquel nous pourrions acheter la miséricorde de Dieu.

Non pas que nous n’ayons pas besoin de pitié! Mais de fait, elle nous est d’ores et déjà offerte par Dieu en dehors de toute performance de notre part.

C’est ce qui a d’inouï dans le message chrétien. Avant même que nous réalisions notre faute, Dieu a déjà là les bras ouverts et nous offre sa bonté et son pardon – sans que nous devions les mériter au travers de la pénitence.

L’attitude intérieure de la pénitence ne sert pas à ouvrir le cœur de Dieu. Car il l’est déjà depuis longtemps. Mais elle permet à notre propre cœur de s’ouvrir, pour recevoir en cadeau la miséricorde et dire avec le psalmiste : parce que je ne le peux pas moi-même :

«Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.»»

Textes bibliques : Isaïe 58, 3-8 et Marc 1, 4-8

https://www.cath.ch/homelie-du-21-septembre-2014/