Prédicateur : Chanoine Alexandre Ineichen
Date : 07 septembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio
Bienheureux sommes-nous ce matin car, non seulement notre assemblée compte plus de deux ou trois membres, mais encore par le prodige des ondes, nous partageons notre célébration avec de nombreux auditeurs. Il a été donc inutile de commencer notre célébration par un contrôle des présences. Vu le nombre, nous sommes donc convaincus que le Christ est au milieu de nous. S’il est fidèle, Jésus doit, comme il nous l’a promis, être là, parmi nous. En effet, au cœur de chaque Eucharistie, nous proclamons le grand mystère de la foi, c’est-à-dire la mort de Jésus, la résurrection du Christ et aussi l’attente de son retour. Il est là, mais il doit encore venir. Telle est notre foi, telle est la foi de l’Eglise.
Ainsi la première présence de Jésus, c’est celle que nous célébrons chaque dimanche à chaque messe. Pourtant, sa venue n’est que partielle. Nous le chanterons et nous venons de le dire. L’Eucharistie est certes le sommet de la liturgie, mais elle en est aussi la source. Cette présence si forte dans le partage de son corps et dans la communion à son sang que nous vivons maintenant n’est que les prémices d’un monde nouveau. « Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous as faits. » Oui, adorons ce pain des anges. Il est présence de Dieu parmi nous.
Pourtant, même si nous sommes venus nous nourrir du pain des forts et communier à la vraie vie, il reste que nous sommes sur un chemin qui n’est jamais bien droit, jamais sans difficultés. Ainsi « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. » Combien de délicatesse, de véritable amour déployons-nous pour arriver seul à seul à nous réconcilier avec notre frère ? Combien toute communauté se surpasse-t-elle pour découvrir la vraie concorde ? Par le partage du corps du Christ et la communion à son sang, c’est aussi la réconciliation que nous vivons, celle que décrit Jésus dans l’Evangile de ce dimanche. Si le sacrement de réconciliation est si déserté aujourd’hui, comme il le fut d’une certaine manière dans tous les temps, c’est parce que notre cœur a de la peine à voir dans la confession des péchés, non un acte contre nature, mais une proclamation de la grandeur du pardon de Dieu. La deuxième présence est donc celle que Jésus promet lorsque se manifeste son pardon. « Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » Cette grandiose promesse de réconcilier toute la création avec elle-même et avec Dieu est un signe de la présence de Dieu au milieu de nous. Cette promesse, Jésus l’a faite à son Eglise, non pour lui donner un quelconque pouvoir, mais afin qu’elle puisse propager sa Parole, celle du Verbe de Dieu fait chair.
Cependant, après avoir communié au corps et au sang du Christ, source et fin de toute vie chrétienne, après avoir vécu en vérité la réconciliation avec Dieu et son prochain, il y a encore une troisième présence, une présence qui ne passera, elle, jamais. Nous le savons : la figure de ce monde est appelée à disparaitre, même si sur notre chemin nous avons été fortifiés et pardonnés. En effet, le monde n’est qu’un signe du Royaume de Dieu. Pour y accéder, il nous faut encore y accomplir parfaitement la Loi dont saint Paul nous donne, dans la seconde lecture entendue ce matin, la définition exacte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Et Jésus de nous dire qu’il est justement présent dans ce prochain, ce pauvre, celui qui a faim, celui qui a soif, celui qui est malade, celui qui est en prison. Il le dit lui-même : « Amen, je vous le dit : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Cette parole si forte, mais aussi si difficile de Jésus n’est pas seulement du bon sentiment, de la compassion pour quelques misères du monde. Non, parce que le Christ est présent dans notre prochain, parce que Jésus s’est fait l’un d’entre nous, il veut nous montrer que le Royaume auquel il nous convie sera justement le lieu de cet amour divin qui nous unira les uns et les autres avec Dieu.
Si je suis parti de l’Eucharistie pour aboutir au Royaume promis, empruntons pour finir le chemin inverse. C’est parce que nous nous aimons les uns les autres, que nous pouvons nous pardonner en acte et en vérité. Alors, notre confession de l’amour de Dieu pour les hommes, de l’amour entre nous devient une véritable action de grâce, une véritable Eucharistie où Dieu se donne lui-même à manger dans le pain que nous partagerons afin que nous soyons unis au-delà de nos péchés dans l’amour de Dieu pour son Royaume. Levons-nous donc pour accomplir ce chemin dans un sens comme dans l’autre car Dieu est source et fin de toute vie.»
23e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Ezéchiel 33, 7-9; Psaume 94; Romains 13, 8-10; Matthieu 18, 15-20