Homélie du 10 août 2014

Prédicateur : Chanoine José Mittaz
Date : 10 août 2014
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

«Que fais-tu de la tristesse au fond de toi?»: cette question m’a été posée, il y a quelque temps, par un ami proche, diacre réformé de la région.

Cette question j’aimerais vous la poser ce matin: «Que fais-tu de la tristesse qui est au fond de toi?». Pouvoir poser cette question c’est d’abord reconnaitre un lien profond qui nous unit parce que ce n’est pas une question que l’on peut poser comme cela à la croisée des chemins. Il faut avoir pris le temps de s’arrêter. Peut-être le temps de s’abriter un peu comme Elie dans cette caverne où il attend le Seigneur qui passe.

«Que fais-tu de la tristesse au fond de toi?» Je me rappelle de ma première réaction pensant en moi-même mais il m’embête avec cette question, parce que peut être – et même certainement – je n’avais pas regardé cette tristesse au fond de moi. J’ai dû commencer par me laisser regarder dans cette tristesse au fond de moi, car Il m’aime, regard du Christ, regard de cet ami.

La tristesse qui n’est pas rejointe à l’intérieur de nous-mêmes s’exprime souvent en violence. Quand les disciples dans la barque voient Jésus arriver, ils poussent des cris de peur! Qu’est ce qui apaise à ce moment-là? «Jésus leur parla».

Et je me rappelle cette expérience vécue au Grand-Saint-Bernard en hiver, avec un groupe de jeunes, dans un exercice de sauvetage où on avait creusé des trous dans la neige pour que des jeunes y aillent. On avait refermé ces trous et des chiens d’avalanche devaient aller les trouver. Bien sûr, chacun avait une radio…. Et j’entends un jeune qui, à la radio, dit à un autre jeune, au moment où les trous se refermaient: «Parle moi, sinon j’ai peur!».

Nous ne pouvons accéder à la tristesse au fond de nous-mêmes, que dans une relation bienveillante, aimante. Parfois, comme Elie nous pouvons être à l’extérieur de nous-mêmes, dans une énergie de vie, une force de vie, mais qui n’est pas intériorisée, qui ne fait pas alliance avec aussi cette tristesse qui nous rend faible au fond de nous.

Lorsque cette force de vie ne fait pas alliance avec cette tristesse au fond de nous, eh bien ça peut casser de toutes parts. Les informations qui ont précédé cette eucharistie nous le rappellent.

Elie, qui dans une rage, massacre tous les prophètes de Baal parce qu’il a mal au fond de lui, que l’amour ne soit pas aimé. Eh bien, il est aussi dans cette violence. Et à travers le désert, car la tristesse implique la confrontation avec la solitude pour la rejoindre en soi, eh bien, il va s’épuiser et il va pouvoir dire à Dieu «Prends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes frères». Mais il va pouvoir le dire à quelqu’un… Un regard, une présence qui peut transfigurer, réorienter vers la vie. Arrivé au Mont Horeb, peut être que Elie reconnaît dans les forces cosmiques qui se déchaînent, le vent, le tremblement de terre, le feu, ses propres passions mal intégrées à son être profond.

Oui, nos passions sont appelés à être intégrées à notre être profond. Et la première force qu’il découvre dans cette caverne, c’est peut être celle de pouvoir s’abriter, se réfugier, comme lorsque nous avons besoin d’être réconforté. Et lorsqu’il sort de cette caverne, on nous dit qu’il se couvre le visage, comme pour dire, mais cette demeure intérieure, eh bien je la porte en moi, en allant à l’extérieur.

Et c’est parce qu’il porte en lui ce sanctuaire qu’il trouve aussi au travers du passage par la tristesse qu’Elie peut reconnaitre le murmure de la brise légère, la douceur qui panse les plaies, la douceur qui dit l’amour là où ça a manqué, là où ça a fait mal et c’est dur d’accéder jusqu’ à ce lieu.

Le bouillant saint Paul nous le dit dans la deuxième lecture, il doit prendre à témoin le Christ et invoquer sa conscience pour oser dire: «Je suis triste».

Ce matin, dans cette eucharistie, osons nous laisser regarder dans notre tristesse pour réintégrer nos passions dans un élan de vie.»

Messe du 18e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : 1 Rois 19, 9a.11-13a; Psaume : 84, 9ab-10.11-12.13-14; Romains 9, 1-5; Matthieu 14, 22-33

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