Homélie du 03 août 2014

Prédicateur : Chanoine Raphaël Duchoud
Date : 03 août 2014
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

«Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les foules l’apprirent et quittant leurs villes, elles le suivirent à pied.»

L’introduction de l’évangile de ce dimanche correspond assez fortement à l’expérience vécue hier, samedi, à l’occasion du pèlerinage alpin où nous sommes partis à pied depuis Ferret pour rejoindre l’Hospice du Grand-Saint-Bernard. Quelle est la force qui nous a habités pour nous faire quitter le confort de notre maison afin de nous rendre, malgré l’incertitude de la météo, sur le chemin de la montagne ? Donner de son temps pour une réflexion spirituelle durant deux jours, samedi et dimanche, où par temps normal on profite souvent de se divertir après une semaine de labeur ? On peut donc se sentir solidaires de ces foules qui suivaient Jésus au point de l’empêcher de prendre un repos bien mérité au cœur de son activité missionnaire durant laquelle «les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait pas même le temps de manger». Si nous sommes présents, ici, à l’hospice, on ose croire que la personne de Jésus attire encore aujourd’hui comme elle le faisait quand le Sauveur prêchait au bord du lac de Galilée. Aujourd’hui encore, une force en lui se dégage et désire rencontrer et se confronter à celle qui nous habite, nous autres en recherche d’un absolu.

Le contexte dans lequel se déroule ce rassemblement de personnes à la suite de Jésus est dramatique : l’évangéliste Matthieu ne néglige pas de souligner que Jean-Baptiste le Précurseur a été mis à mort par Hérode et que Jésus, en apprenant cette nouvelle, se retire dans un endroit désert. On peut tout de suite imaginer l’état d’âme du Sauveur au moment où il veut se retirer à l’écart de la foule. Un désir, une force l’habite pour retrouver un contact intime avec son Père dans le silence de la nature où, par la prière, il peut porter la misère de notre humanité et la présenter au Dieu de toute vie. Alors que nous sommes inondés de nouvelles dramatiques, ne nous arrive-t-il pas d’agir un peu comme Jésus l’a fait : silence, prière, communion avec toute l’humanité ? La démarche vécue au cours de ce pèlerinage peut trouver son sens si elle fait naître en nous le désir d’intercéder pour tous ceux qui sont en difficulté : elle devient ainsi force de vie et de solidarité.

«Quand Jésus débarque, il vit une grande foule de gens et fut saisi de pitié envers eux.» La force de vie qui habite le cœur du Christ se manifeste par une attitude miséricordieuse de sa part. La miséricorde n’est pas seulement la bonté qui pardonne, mais aussi la compassion qui prend part à la souffrance de l’autre. Au cœur de ce contexte dramatique et dérangeant, Jésus sent en lui cette force qui l’attire vers ces pauvres qui sont en quête de sa Parole et de son amour, cette force qui le pousse à se donner jusqu’au bout pour que l’homme soit sauvé. Et déjà, pour Lui, se dessine l’orientation de sa mission qui va l’amener par sa Passion au sacrifice de la Croix. Mais ici, dans cet endroit désert, le don de sa Vie à toute cette foule va se faire par le biais de la communauté de ceux qui croient en lui.

Remarquons l’attitude toute humaine des disciples : «Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de quoi manger.» Mais Jésus voit plus loin : l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Etre avec Jésus implique et engendre en chacun un désir de s’engager dans la foi et la confiance au service du Royaume. Chacun est appelé à devenir responsable de son témoignage de vie ; les disciples s’entendront dire : «Donnez-leur vous-mêmes à manger», exhortation qui les interpellera au plus profond de leur être : deux forces qui se rencontrent : celle de la petitesse humaine qui par elle-même ne peut rien (cinq pains et deux poissons pour environ dix mille personnes) et celle du Christ qui peut transformer cette faiblesse en puissance du Royaume.

Ce qu’il y a de beau dans cette relation entre le Seigneur et l’homme, c’est que notre Dieu ne s’impose pas comme celui qui peut tout. Au contraire, il se révèle comme celui qui préfère compter sur la petitesse de l’homme pour agir. Dieu désire ma collaboration alors qu’il pourrait tout faire par lui-même. Sa force veut se déployer dans la faiblesse de l’homme pour révéler la puissance divine : c’est aux disciples qu’il incombe de distribuer le pain et les poissons à la foule. Ce faisant, les disciples font beaucoup plus qu’un simple service : ils participent à l’œuvre même de Jésus et font comme lui ; ils sont comme des médiateurs entre Jésus et la foule, médiation qui existe encore aujourd’hui entre le Christ et les fidèles par les prêtres, mais aussi par tous ceux qui vivent leur vie comme témoins de l’Evangile.

Dieu seul peut donner la foi
mais tu peux offrir ton témoignage.

Dieu seul peut donner l’espérance
mais tu peux rendre confiance à tes frères.

Dieu seul peut donner l’amour
mais tu peux apprendre aux autres à aimer.

Dieu seul peut donner la paix
mais tu peux créer l’union.

Dieu seul peut donner la force
mais tu peux soutenir un découragé.

Dieu seul est le Chemin
mais tu peux l’indiquer aux autres.

Dieu seul est la Lumière
mais tu peux la faire briller aux yeux de tous.

Dieu seul est la Vie
mais tu peux rendre aux autres le goût de vivre.

Dieu seul peut faire l’impossible
mais tu pourras faire le possible.

Dieu seul se suffit à lui-même
mais il préfère compter sur toi…

Amen

18e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Isaïe 55, 1-3; Psaume : 144, 8-9.15-16.17-18; Romains 8, 35.37-39; Matthieu 14, 13-21

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