Homélie du 06 juillet 2014

Prédicateur : Abbé Kurt Benedikt Susak
Date : 06 juillet 2014
Lieu : Paroisse Ste-Marie, Davos Platz
Type : tv

Chers frères et sœurs dans la foi,

Les personnes qui participent ce week-end à la 29e Fête fédérale de yodel ici à Davos, peuvent apprendre quelque chose de la qualité des traditions alpines et de la vraie joie de vivre. Le yodel n’est-il pas en lui-même l’expression de cette joie de vivre?

Tout naturellement, nous nous sommes rassemblés pour l’eucharistie dominicale en notre église Sainte-Marie. La tradition dominicale, en particulier sous nos latitudes, consiste à en prendre soin, car sans dimanches, il n’y a que des jours ouvrables.

Les lanceurs de drapeaux, les joueurs de cors des Alpes et les chœurs de yodel, n’ont pas seulement montré leur habileté à Davos, mais ont aussi exprimé un peu de ce que Jésus veut nous donner, dans l’Evangile d’aujourd’hui, pour notre chemin de foi.

Dans une société au rythme de plus en plus rapide et qui favorise l’anonymat, l’homme a un besoin urgent de moments de décélération. Dans une société civile de plus en plus mondialisée et sécularisée dans laquelle l’individu importe peu et où règne une dictature du relativisme, l’homme aspire à une culture communautaire qui lui procure du réconfort et du calme. Du calme, pour que son âme et donc son être intérieur souvent épuisé puissent se reposer.

Comme souvent quand Jésus veut rejoindre les gens de son époque comme nous aujourd’hui, il utilise un langage imagé. Un langage imagé, comme expression linguistique et théologique, pour rendre de manière compréhensible des enjeux complexes.

Ainsi, Jésus parle du «joug», et donc de la charge de la vie quotidienne.

Contrairement à nous, pour les contemporains de Jésus, le «joug» était un objet bien connu. C’est pourquoi j’ai emprunté à notre Musée de Davos, le plus beau et le plus ancien joug, celui de Landwassertal qui date de 1667. Voici donc un joug.

Un joug était et est toujours encore utilisé aujourd’hui dans certains pays comme un outil important agricole pour déplacer des charges lourdes, pour décharger l’animal de trait. Car plus la charge était lourde sur le joug, plus celle-ci le pressait et écrasait.

Souvent, nous nous sentons comme une bête de somme. Tant de choses nous accablent et nous rendent la vie difficile. Expériences de souffrance, maladie, toxicomanie, conflits, dépression et égoïsme croissant, nous pourrions énumérer tant de choses….

Nous pensons être des hommes libres dans une société libre, alors qu’en réalité, nous sommes des êtres rampants qui portons secrètement des charges de plus en plus lourdes.

La situation actuelle des ressources naturelles qui diminuent, la situation économique et financière mondiale, la crise de confiance dans presque toutes les institutions comme la politique et l’Eglise, le phénomène des «burn-out» tout comme le scandale à dimension planétaire des écoutes de la NSA, qui a dernièrement révélé notre situation d’hommes de verre, nous le confirment fortement.

Nous croyons être «libres» – alors que nous sommes souvent «non libres». Nous sommes accablés par un joug de plus en plus lourd qui va finalement, vu dans sa globalité, affaiblir même le fondement de notre Occident chrétien et la réalisation de notre bien-être jadis imprégné d’esprit chrétien.

Avec ses paroles: «Venez à moi, vous tous qui peinez et qui ployez sous le fardeau, je vous donnerai du repos» et «Prenez sur vous mon joug car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ». Jésus nous invite tout concrètement à faire une pause, pour nous arrêter et réfléchir.

Au début de l’Evangile, nous avons entendu parler des sages et des savants, à que Dieu ne s’est pas révélé, mais plutôt aux tout-petits.

La solution de Jésus ne consiste donc pas à adopter une mentalité qui cherche le changement et quête le renouveau qui viendrait de «l’extérieur». Une mentalité qui s’est révélé inefficace depuis longtemps dans ses théories toujours nouvelles, ses modèles, ses systèmes et ses doctrines. Avec Jésus, les changements sont ceux qui convainquent immédiatement « de l’intérieur ».

Et c’est ainsi que se produisent les changements positifs de l’humanité et donc de la société, toujours par la conversion personnelle qui permet de surmonter les chemins de vie inadaptés, en nous tournant de manière unie vers la même foi au Christ Jésus et en osant les changements nécessaires pour orienter nos regards vers lui.

Avec Jésus, il s’agit d’une réorientation globale de notre identité chrétienne. Il est préoccupé par une nouvelle conscience – par notre paix intérieure et par l’harmonie! Jésus nous invite à emprunter son chemin, car il est le chemin.

Jésus nous invite à vivre selon sa vérité, car il est la vérité. Jésus nous invite à suivre le chemin de l’amour, parce que le joug de l’amour n’écrase pas.

Quand je vois comment nous nous comportons dans nos pays de manière légère et ironique avec notre culture, notre héritage chrétien, nos traditions et – je ne veux pas le nier – par rapport à notre Eglise, cela m’angoisse.

Notre Eglise, dans laquelle des personnes ont fait et font encore beaucoup de bien, en de nombreux endroits, dans le domaine socio-culturel et dans des sphères porteuses de sens…

Evidemment, personne ne le conteste, partout des personnes font aussi des fautes, dans notre Eglise comme dans le domaine privé. Et cela nous fait tous souffrir.

Mais pouvons-nous à cause de cela mettre l’ensemble de l’Eglise de Jésus-Christ à l’écart? Il est de notre devoir d’être un modèle pour notre jeunesse et pour les générations à venir.

Afin que nos traditions, notre christianisme et notre Eglise ne soient pas dans quelques années, comme ce joug séculaire, des pièces de musée.

Il ne nous faut pas aujourd’hui des personnes qui montrent uniquement les fautes et les péchés des autres et se tiennent en retrait avec suffisance. Il faut des gens qui sachent tirer parti de leurs fautes et aient le courage de façonner la société chrétienne de manière active.

S’engager soi-même, telle est la devise. Il ne s’agit pas de se désengager, mais de s’activer afin que le royaume de Dieu puisse advenir ici et maintenant.

La fête du yodl d’aujourd’hui nous montre que nos aïeux ont tiré parti du dépôt de la foi chrétienne et ont ainsi connu la paix et l’harmonie intérieure. De nombreuses messes yodlées et airs de yodl rappellent la confiance fondamentale en Dieu. D’innombrables musiques des cors des Alpes ont ému des gens à travers les âges.

Comme cela nous touche quand nous entendons l’ancienne bénédiction alpine «Alpsegen», dans laquelle les désirs du cœur et la conscience expriment la paix en Dieu et en sa création.

Je nous souhaite de parvenir à garder notre authenticité, dans une bonne symbiose entre le passé et le présent, la tradition établie et l’innovation nécessaire.

Parce qu’aujourd’hui nous bâtissons sur la base éprouvée de nos valeurs chrétiennes et veillons à ce que notre patrie soit habitable et aimable.

Amen.

14e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10 ; Romains 8, 9.11-13 ; Matthieu11, 25

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