Prédicateur : Frère Philippe Lefebvre O.P.
Date : 06 juillet 2014
Lieu : Institut La Pelouse, Bex
Type : radio
Commençons par la fin : quel est ce joug que Jésus propose à ceux qui viennent à lui ? Je pose cette question d’emblée parce que la finale de notre passage est énigmatique et inattendue : Jésus semblait plutôt nous orienter vers une vie sans charge, sans fardeau. Le Père du ciel, disait-il, révèle gracieusement sa sagesse aux humbles de ce monde. Rien à étudier laborieusement : c’est donné. Le Fils se fait connaître à ses amis et, alors qu’ils ploient sous le faix de l’existence, il leur promet le repos. Pourquoi donc termine-t-il un si beau programme en vantant le joug et le fardeau qu’il veut nous imposer ? Ils ont beau être légers, ils constituent quand même apparemment une obligation supplémentaire à endosser.
Réfléchissons et, puisque la vérité est révélée aux tout-petits, interrogeons-nous sans a priori et sans arrogance ! Si Jésus nous propose « quelque chose » qui vient de lui, ce n’est pas pour nous accabler davantage. Cela ne lui ressemble pas. Alors qu’est-ce que ce « joug » que nous devrions porter ? Un joug est une pièce de harnachement qui a d’abord pour fonction – c’est le sens même de ce terme – de joindre deux animaux appelés à une même tâche. Dans notre évangile de Matthieu (19, 6), Jésus emploie une autre fois l’image du joug, quand il évoque l’union d’un homme et d’une femme : « ce que Dieu a mis sous le même joug, qu’un humain ne le sépare pas ». Il parle donc du joug pour évoquer la communion de deux êtres qui deviendront « une seule chair » – comme il l’ajoute en citant Genèse 2, 24.
Le joug que Jésus nous donne, qui conjoint-il, sinon chacun de nous avec lui ? Nous sommes unis à lui, il marche à notre pas et nous apprenons à marcher au sien. Pourquoi ce joug est-il léger ? Parce qu’il n’est pas quelque chose qu’il faudrait encore se mettre sur le dos. Ce qui nous unit au Christ sans peser d’aucun poids sur nos épaules a un nom dans les évangiles : c’est l’Esprit saint ! Voilà le fardeau léger, le joug qui facilite notre vie ; il opère entre le Christ et chacun de ceux qui l’approchent une communion que rien ne peut briser.
Dès lors, l’ensemble des paroles du Christ prend tout son sens. Jésus parle à son Père et ne se lasse pas de le nommer. Comme Fils, il est le premier « tout-petit » : il a tout reçu du Père comme un tout-petit humain reçoit de ses parents son être, sa venue au monde, sa langue et bien d’autres choses. Et ce dont Jésus exulte quand il invoque le Père, c’est de pouvoir déverser en d’autres – en nous – ce don plénier du Père. « Soyez vous aussi des êtres qui attendent leur vie de Dieu, nous suggère-t-il, et avec le Fils, par lui et en lui, vous ferez cette expérience inimaginable de tout recevoir du Père ». Mais comment pouvons-nous réaliser cela ? Par l’Esprit, ce joug qui nous allie et nous accorde au Christ, qui fait de nous une seule chair avec Lui. Unis au Christ par l’Esprit, nous pouvons connaître le Père que le Fils veut nous révéler. Nous voici donc établis au cœur de cette grande circulation vivifiante qu’on appelle la vie trinitaire.»
14e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10 ; Romains 8, 9.11-13 ; Matthieu11, 25