Prédicateur : Chanoine Antoine Salina
Date : 04 mai 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio
Frères et sœurs, nous venons d’entendre un évangile qui nous est familier dont nous allons essayer de souligner quelques aspects :
Trois jours après la Résurrection, deux disciples sont en marche vers Emmaüs, à proximité de Jérusalem. Ils sont encore pleins de la violence des événements de la Passion.
Essayons de nous mettre à leur place ; alors même que nous avons reçu les écrits des Actes des Apôtres et les témoignages des Ecritures, les disciples n’ont à l’esprit que les derniers instants de la Vie de Notre Seigneur ; il leur reste à imaginer le tombeau vide auprès duquel quelques femmes de leur groupe leur ont dit avoir été l’objet d’une surprenante manifestation : » des anges qui disaient qu’Il est vivant « .
Nos deux voyageurs ont partagé le quotidien du Christ parmi les hommes. Ils ont mis leur confiance et leur espérance entre ses mains – ils y ont cru – et puis, témoins de sa passion, ils n’ont pas eu le courage de s’approcher de la Croix.
Cela explique que, à ce stade du récit, ils n’arrivent pas encore à faire le lien entre le tombeau vide et la promesse que leur avait faite le Christ, dont nous savons peut-être mieux qu’eux à ce moment-là, qu’il est vainqueur de la mort ; c’est un peu comme la fin d’une symphonie qui s’étire, le brusque relâchement d’une tension , un crépuscule.
Le récit des Saintes Femmes aurait dû les remplir d’une frémissante attente, comme plus tard l’Espérance, conjuguée à l’action de l’Esprit-Saint, remplira les Apôtres d’un courage missionnaire.
Nous savons, nous qui lisons ce récit, avant même les disciples, que c’est le Christ qui leur parle, et qu’il est celui auquel leur cœur aspire ; nous aurions à notre tour envie de leur dire : » regardez, écoutez, Il est là avec vous et vous n’arrivez pas encore à croire ? »
Ils se mettent à entendre puis à écouter l’inconnu, mais n’arrivent pas encore à faire le lien entre Moïse, les Saintes Ecritures, les prophètes et ce récit des Saintes Femmes.
Ce discours ne semble pas encore pouvoir raviver leur Espérance en deuil ; cependant les mots font leur chemin, petit à petit leur cœur se prépare. Et, le soir venu, selon les lois de l’hospitalité, les disciples invitent l’étrange voyageur à leur table.
Et c’est le miracle du pain rompu , du vin partagé ! les gestes de Jésus leur ouvrent les yeux et le cœur – la symphonie n’était donc pas terminée – dans un mouvement extraordinaire, la musique rebondit, le Ciel s’éclaire, la Pâque fait irruption dans l’univers des disciples.
Tout ce qu’ils ont traversé d’épreuves à la suite du Christ prend soudain un sens et comme nous, ils sont prêts à entendre ces paroles que prononcera Pierre à Jérusalem au jour de la Pentecôte :
« oui mon cœur est dans l’allégresse, ma langue chante de joie ; ma chair elle-même reposera dans l’Espérance ; Tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton fidèle connaître la corruption – Tu m’as montré le chemin de la Vie, Tu me rempliras d’allégresse par Ta présence ».
Frères et Sœurs, nous croyons connaître tout l’histoire et son dénouement ; mais ce récit des disciples d’Emmaüs nous interpelle aussi et nous invite, à notre tour, à nous laisser toucher au plus profond de nous-mêmes par la grande nouvelle de la Résurrection.
Ce récit est construit sur le modèle de nos eucharisties où la Parole nous prépare, par le cœur et l’intelligence, à entrer dans le partage du corps et du sang de notre Seigneur.
Il s’agit, pour nous aussi, d’étayer nos trop fragiles certitudes.
Nos assemblées sont construites sur la Pâque et c’est dans la mort et le résurrection du Christ que nous sommes baptisés. Chrétiens, sommes-nous prêts à nous laisser bousculer par la Bonne Nouvelle ?
Quand nous lisons les exploits des premiers disciples, la rapide progression du message évangélique, nous nous laissons impressionner par ces événements ; mais il ne faut pas oublier que cet élan, qui est celui de l’Eglise de tous les temps, se reçoit du Christ lui-même ;
c’est Lui qui – comme dans le récit d’Emmaüs – a l’initiative.
Il nous est demandé, à l’instar des Apôtres, de nous laisser rejoindre et revêtir par la Grâce à laquelle nous sommes invités à nous conformer ; ce n’est pas nous qui rendons avant tout l’Eglise vivante, c’est le Christ !
Voilà, Frères et Sœurs, toute cette multitude de témoins qui nous précèdent, marqués du signe de la foi – les deux disciples au départ pouvaient évoquer ce que nous sommes parfois, dans nos doutes et nos fatigues, marqués par un monde si tourmenté.
De même que leurs yeux se sont ouverts et qu’ils ont reconnu le Christ vivant, nous sommes également invités à suivre le même chemin ; il s’agit de laisser le Christ entrer en nous , de répondre à cette exhortation qu’il fit aux apôtres : » N’ayez pas peur « .
Frères et Sœurs, si nous participons parfois sans conviction à nos eucharisties dominicales, ne s’agit-t-il pas pour nous de nous demander en profondeur la signification de ce que nous sommes en train de vivre ?
Nous célébrons le Christ vivant qui nous donne ou nous redonne vie ; considérons que chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, c’est la Pâque qui est actualisée.
En Jean XXIII et Jean-Paul II, l’Eglise a célébré dimanche passé, deux infatigables pasteurs qui ont cru en la modernité du message pascal et ont voulu qu’il soit porté aux confins de la Terre.
Ces saints, que l’Eglise propose à notre vénération, ne sont pas des idéaux inaccessibles, mais bien plutôt des exemples vivants de ce à quoi nous sommes tous invités : témoigner dans tout ce que nous sommes, faisons et disons, que la Vie triomphe de la Mort.
Pour cela il convient que notre cœur soit brûlant comme celui des disciples alors qu’ils écoutaient notre Seigneur – préparons-nous ensemble à accueillir l’Esprit de Pentecôte – ainsi la symphonie n’est pas achevée !»
3e dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 2, 14.22-33 ; 1 Pierre 1, 17-21 ; Luc 24, 13-35