Prédicateur : Abbé Pascal Desthieux
Date : 16 mars 2014
Lieu : Eglise Saint-Joseph, Genève
Type : radio
« Le meilleur moyen d’avoir les pieds sur terre, c’est d’avoir la tête en haut ! »
Chers paroissiens et chers auditeurs, cette sentence n’est que bon sens. Et pourtant, il faut bien le reconnaître, nous avons trop souvent la tête au ras du sol, dans toutes sortes de préoccupations très « terre à terre ». Pour garder cette image, si nous avons la tête trop proche du sol, nous aurons du mal à marcher bien droit et à choisir la bonne direction… « Le meilleur moyen d’avoir les pieds sur terre, c’est [donc bien] d’avoir la tête en haut ! »
Les commentaires de ce beau récit de la Transfiguration insistent souvent sur le retour en plaine, sur la nécessité de revenir dans le quotidien après cette rencontre merveilleuse avec le Seigneur. Aujourd’hui, je n’irai pas dans ce sens. Car les soucis du quotidien, le repas à faire tout à l’heure, la douleur à la hanche, la solitude peut-être, tout cela va revenir tout seul et bien assez vite. Restons un peu au sommet, avec le Seigneur, en compagnie de nos frères chrétiens, en grande union avec tous ceux et toutes celles qui nous écoutent, et avec cette magnifique musique de Mozart. Je comprends tellement bien Pierre qui ne voulait pas redescendre et qui disait : « Dressons ici trois tentes ».
Nous aussi, efforçons-nous de garder la tête en haut.
Élevons notre coeur
A chaque messe, dans le grand dialogue qui nous introduit dans la prière eucharistique, le célébrant invite justement les fidèles à prendre de la hauteur : « Elevons notre coeur », « Nous le tournons vers le Seigneur ». Sursum corda ! Littéralement : en haut les cœurs ! Quand j’étais petit, je pensais que cette invitation était une manière polie de dire « levez-vous »…
Il s’agit d’un mouvement de conversion : les croyants sont invités à se détacher de leurs soucis, préoccupations et attachements pour se mettre en quelque sorte, « à la bonne hauteur », suivant la parole de saint Paul : « Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre » (Col 3, 2) et l’invitation du prophète Jérémie : « Élevons notre cœur et nos mains vers le Dieu qui est au ciel » (Lam 3, 41).
Par sa réponse, l’assemblée manifeste qu’elle adhère à cet appel du célébrant et qu’elle veut tourner son cœur vers le Seigneur.
Prendre de la hauteur
C’est bien ce que fait Jésus, en emmenant Pierre, Jacques et Jean, pour un temps de grâce extraordinaire, dans le but de les affermir et préparer à la passion qui vient en leur indiquant déjà sa Résurrection. Il leur fait prendre de la hauteur. Nous le vivons à chaque fois que nous partons en montagne où nos efforts sont récompensés par une vue magnifique qui nous invite à louer le Seigneur.
Comment avoir la tête en haut ?
Mais nul besoin de gravir une montagne pour avoir la tête en haut. Si l’on en croit les lectures de ce jour, avoir la tête en haut, c’est d’abord accueillir l’invitation du Père d’écouter son fils bien-aimé. Prendre du temps pour nous mettre l’écoute de sa parole, comme nous le faisons à chaque messe. Mais aussi prendre du temps en dehors de la messe pour lire sa Parole. Chers amis, dites-moi très franchement, c’était quand la dernière fois que vous avez ouvert votre Bible ?
Avoir la tête en haut, c’est partir, comme Abraham qui n’hésite pas à tout quitter, tout ce qui faisait sa sécurité, pour aller vers l’inconnu, et faire confiance à l’impossible, à cette promesse d’une grande descendance alors qu’il a déjà 75 ans. Pour nous, il ne s’agit pas forcément de tout quitter, mais peut-être de partir quelques jours pour un temps de retraite. Ou tout simplement de nous déconnecter complètement, pour une fois. Le calendrier de l’Action de Carême nous apprend qu’en moyenne, en Suisse, on passe 1h45 devant l’ordinateur, 30 mn à lire des journaux ou magazines, 2h30 devant la télé et 1h40 à écouter la musique ou la radio (en l’occurrence, vous faites bien d’écouter la radio actuellement). Mais quand même, nous consacrons en moyenne 6h30 de notre journée en consommation médiatique.
Le calendrier de carême nous apporte le témoignage des membres de la famille Frei qui s’engagent, pendant le Carême, à renoncer pendant une semaine à toute consommation médiatique. Les téléphones portables sont dans les tiroirs, éteints ; la connexion internet n’est pas enclenchée ; l’abonnement au journal suspendu ; la télévision aussi est en pause. Les Frei reconnaissent que les deux premiers jours sont difficiles, mais rapidement d’autres choses réapparaissent : on ressort la veille boîte de jeux de société, les conversations à table se prolongent et s’approfondissent, et on aborde des sujets importants, parce qu’on a justement plus de temps à disposition. Ce jeûne de médias permet de prendre le temps de se rencontrer. Maître Eckhart disait : « La personne la plus importante est toujours celle qui est à l’instant en face de moi ».
Avoir la tête en haut, c’est prier avec confiance comme le psalmiste : « Nous attendons notre vie du Seigneur, il est pour nous un appui, un bouclier, il veille sur ceux qui le craignent ».
Avoir la tête en haut, c’est enfin accueillir les responsabilités qui nous sont données, comme Saint Paul recommande son disciple Timothée à se montrer courageux de sa vocation de messager de l’Évangile, en n’oubliant jamais de se fonder sur la grâce de Dieu. « Dieu nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce ». Autrement dit, va de l’avant, sois un témoin rayonnant et courageux, mais n’oublie pas aussi de t’arrêter et de lever la tête pour tout recevoir du Seigneur qui est ton appui et qui veille sur toi.
Chers paroissiens et chers auditeurs, nous aussi, allons de l’avant, et pour aller dans la bonne direction, gardons la tête en haut !»
2e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4a ; 2 Timothée 1, 8b-10 ;Matthieu 17, 1-9