Prédicateur : Abbé Pascal Desthieux
Date : 09 mars 2014
Lieu : Eglise Saint-Joseph, Genève
Type : radio
Introduction : beaucoup de pépins…
Chers jeunes, chers paroissiens et chers auditeurs,
Trois personnes sont terriblement tentées : d’un côté, Adam et Eve, de l’autre Jésus.
Adam et Eve se laissent complètement avoir. Pour résumer, on peut dire qu’avec Adam et Eve, nous avons : deux bonnes poires, une pomme et beaucoup de pépins !… Jésus, le nouvel Adam comme dit St Paul, lui aussi est tenté, mais il ne succombe pas. Alors, où est la différence ?
Ne pas discuter avec le tentateur
La principale différence est que Adam et Eve discutent, entrent en matière, argumentent avec le tentateur, et finalement ils se laissent convaincre.
Jésus, lui, ne discute pas avec le tentateur, n’entre pas en matière : il répond par la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui vient de Dieu. Il est écrit : tu aimeras le Seigneur ton Dieu et lui seul ».
Pour illustrer cette différence, j’aimerais vous raconter ce qui est arrivé à un homme, au sud de la France. Il avait une vie sexuelle très désordonnée, il en souffrait beaucoup. Il passait quelques jours dans une communauté religieuse pour essayer de s’en défaire. Et voilà qu’un après-midi, une petite voix dit en lui : « Ce serait bien d’aller prendre l’air, de sortir un peu de cette maison. Vas-y, prend ta voiture, et pars ». Mais il se dit : « Non, si je prends la voiture, je risque trop d’aller dans ce quartier de Toulouse où l’on fait des rencontres si faciles… » Mais la voix reprend : « Mais non, pars tranquille, tu n’iras pas à Toulouse ». Il prend donc sa voiture et démarre. La petite voix lui dit : « Tiens, tu devrais aller dans la librairie catholique de Toulouse, acheter un livre qui te fera du bien ». Il se dit : « Cette librairie se trouve justement à côté de la zone des rencontres faciles… C’est trop dangereux pour moi » « Mais non, lui répondit cette voix intérieure, tu iras juste acheter ton livre et tu partiras immédiatement après ». Le voici au centre-ville et que s’est-il passé ? Il n’est pas entré dans la librairie catholique, mais il est allé là où il ne devait pas… En fait, quand il est arrivé dans ce quartier, c’était pratiquement déjà trop tard. C’était avant qu’il ne fallait pas discuter avec cette voix de tentation. Au final, qu’a fait cet homme ? Il a pris un moyen radical : il a vendu sa voiture ! Pour ne plus être tenté.
Quelles sont ces tentations ?
Revenons à nos lectures bibliques. Quelles sont ces tentations ? Du côté d’Adam et Eve, le serpent les embobine par une insinuation mensongère : « Alors, comme ça, Dieu vous a dit que vous ne pouvez manger le fruit d’aucun arbre du jardin ? ». Et voilà qu’Eve entre dans cette discussion et lui répond : « Non, on peut manger tous les fruits qu’on veut, sauf de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Tout à coup ce fruit défendu devient hautement désirable, et que toute l’attention est focalisée sur cet arbre, qui n’était pas au centre du jardin contrairement à l’arbre de vie, en oubliant tous les autres.
Jésus aussi est tenté, et ses tentations sont terriblement d’actualité. Ce sont les tentations du plaisir immédiat, de la foi qui ne coûte rien, de l’avoir et du pouvoir faciles :
« Ordonne que ces pierres deviennent du pain ». C’est la tentation du plaisir facile. Aujourd’hui, ces sont les pubs qui nous susurrent : « Regarde comme cet objet est agréable ! Tu serais vraiment heureux si tu le possédais. Vas-y, qu’est-ce que tu attends, achète-le ». L’affiche de la campagne œcuménique de Carême, qui passe une paire de jeans à la loupe, nous rappelle que notre envie d’acheter des vêtements bon marché peut favoriser l’exploitation honteuse de travailleurs trop mal payés et même la pollution de la terre.
Jésus répond que le matériel ne peut pas nous combler entièrement, qu’il y a une autre nourriture, spirituelle, que nous devons rechercher.
« Jette-toi en bas, et les anges te récupèreront ». C’est la tentation de la foi facile : « Si Dieu existe, il faut que tu puisses sentir sa présence ; et surtout qu’il t’exauce rapidement, qu’il t’accorde tout ce que tu lui demandes, sans effort de ta part. Et qu’il n’y ait plus de guerre ni de famines ».
Jésus répond : Ce n’est pas à toi de commander à Dieu et de lui dire ce qu’il doit faire.
« Tout cela, je te le donnerai si tu m’adores ». C’est la tentation de l’avoir et du pouvoir facile. C’est la course à l’argent : « Il faut que tu aies davantage, et tant pis pour les pauvres qui deviennent encore plus pauvres. Et veiller surtout à garder ton petit pouvoir ; ne le lâche surtout pas ». Jésus répond qu’on ne doit pas se prosterner devant les faux dieux de l’argent et du pouvoir.
La tentation n’est pas un traquenard mais une épreuve
Dans la Bible, la tentation est une mise à l’épreuve. Une épreuve qui peut certes nous faire chuter, ou au contraire nous affermir si nous parvenons à la surmonter.
Jésus sait que nous sommes tous tentés. Dans le Notre Père, il nous invite à demander à Dieu de nous aider à ne pas entrer en tentation. C’est d’ailleurs une phrase qui pose problème, car quand nous prions le Notre Père, nous disons : « Ne nous soumets pas à la tentation ». Cela est certes conforme au texte original grec qui dit littéralement : ne nous met pas dans la tentation. Mais est-ce que Jésus a vraiment voulu dire que c’est Dieu qui nous pousse dans la tentation et qu’il faut lui demander de ne pas le faire ?… Cela ne semble pas compatible avec son enseignement. La tentation ne peut pas être un traquenard que Dieu nous tend, pire dans lequel il nous ferait tomber.
Voilà pourquoi la nouvelle traduction de la Bible de la liturgie propose cette formulation différente : « Ne nous laisse pas entrer en tentation », et nous serons bientôt invités à le prier ainsi dans le Notre Père. Plutôt que : « Ne nous fais pas entrer dans la tentation », il est plus juste de dire : « Fais que nous n’entrions pas en tentation ». A Gethsémani, Jésus dira : « Priez pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26,41). Saint Jacques ajoutera : « Que nul, quand il est tenté, ne dise « ma tentation vient de Dieu ». Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. Chacun est tenté par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit. » (Jc 1, 13-14) Nous demandons au Père de nous aider pour que nous n’entrions pas en tentation.
Conclusion : évitons les pépins…
En conclusion : les textes de ce premier dimanche de carême nous disent que nous aussi, nous sommes tentés ; nous n’y échappons pas. Il peut être bon ce matin de bien regarder où est-ce que nous sommes le plus fragile, le plus tenté, afin de trouver des moyens concrets, et s’il le faut radicaux comme cet homme qui a vendu sa voiture, pour éloigner cette tentation. Il nous faut agir en amont, avant de nous retrouver trop proche de la tentation. Peut-être nous faut-il renoncer à notre tablette, ou faire bloquer le wifi pendant la nuit, ou encore nous faire interdire de casino, ou veiller à ne pas avoir une goutte d’alcool à la maison.
Jésus a été tenté, mais il n’est pas entré dans cette tentation. Et donc l’important c’est de ne pas entrer en matière, de ne pas discuter avec cette tentation.
Nous pouvons demander l’aide du Seigneur : « Ne nous laisse pas entrer en tentation », selon la nouvelle traduction liturgique. N’entrons pas en discussion avec la tentation, cela nous évitera bien des pépins…»
1er dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 2, 7-9 ; 3, 1-7; Psaume : 50; Romains 5, 12-19; Matthieu 4, 1-11