Date : 30 août 2015
Lieu : Eglise de St Pierre-de-Clages
Type : radio
Il est de bon ton d’opposer Jésus et l’Eglise,Morale et liberté,Liberté et religionComme si, tout ce qui est contraignant empêchait l’homme de s’épanouir.
Première lecture : Moïse rappelle l’exigence de pratiquer la loi du Seigneur, dont le noyau est le décalogue ou « les dix commandements », comme on dit en général. Je vais vous prouver que pratiquer les commandements est chose très utile pour le bien commun :
Moi, depuis que j’ai arrêté de tuer mes voisins, eh bien je me porte beaucoup mieux, et eux aussi d’ailleurs. 5e commandement.
Depuis que je ne prends plus la femme des autres, ces messieurs me saluent à nouveau. 10e commandement.
Depuis que j’ai cessé de voler sur les étalages, je ne suis plus nerveux du tout lorsque j’entre dans un magasin. 7e commandement.
Quant aux règlements qui découlent des commandements, ce n’est pas mal non plus : lavage de coupes, de plats, une bonne douche au retour du marché, surtout lors des canicules, le lavage méticuleux des mains avant de manger, préservent des maladies. « T’es-tu lavé les mains ? » clament les parents lorsque le petit revient du bac à sable. Lorsque je suis invité à manger chez des gens bien, la remarque est plus élégante : « Monsieur, si vous voulez vous rafraîchir, la salle d’eau, c’est par là… ! » Ce qui ne veut pas dire que le repas se réduira au frou-frou des serviettes, au cliquetis de l’argenterie ou à des règles de bienséance, bien sûr que non ! Toute cette tradition en usage n’est là que pour faciliter la rencontre, l’échange des cœurs et l’intérêt que l’on porte à l’autre… Car si par malheur je renversais mon verre de rouge sur la nappe, je ne serais pas pour autant, mis à la porte, car la personne vaut bien plus qu’une nappe de table ! Compliquons : si, autour de cette même table se trouvaient des religieux psycho rigides et blindés de principes, eux ne verraient que la nappe tachée en chuchotant : « Celui-ci, on ne l’invitera plus jamais ! » Nous sommes là au cœur du sujet : « l’intérêt porté à l’autre, l’amour, la charité, la miséricorde pour celui qui a fauté, vaut plus que la loi et que la tache… »Que l’on soit du côté des juges ou des personnes jugées, ça fait mal deux côtés. Et c’est cela que Jésus dénonce, ce qui sort du cœur de l’homme, comme de l’acide, et ce qui tourne dedans comme du vinaigre : « pensées perverses, jalousies, méchancetés, démesures, orgueil, amertumes… », parce qu’il veut guérir les uns comme les autres de ce qui fait mal…Ceux qui réfugient derrière la loi au nom de la religion sont des gens blessés, amers, incapables de compassion et d’amour, d’abord envers eux-mêmes. Bourrés de peurs, ils les déchargent sur les autres comme du vinaigre. On ne résout rien à coup de lois et d’accusations, on ne bâtit que sur le dialogue ! « Votre peur la plus grande, écrit Nelson Mandela, n’est pas d’être petit et faible, mais c’est d’accepter enfin cet être merveilleux que vous êtes, au-delà de toute limite. Quand vous vous enfermez, vous enfermez aussi les autres, mais quand vous vous libérez vous incitez automatiquement les autres à en faire de même. »Jésus vient d’abord parler à « l’être merveilleux » qui est en nous, derrière sa pauvreté. Il écoute toute souffrance humaine, que celle-ci soit la conséquence d’une maladie, d’un péché grave, de blessures d’enfance. Il dit à chacun : « Je connais ta souffrance, je ne te juge pas. Je viens t’aimer à l’endroit même où tu souffres, pour que tu puisses te regarder en face et trouver ton chemin pour aller mieux. » A la Samaritaine qui avait eu six maris, Jésus ne lui fait aucune leçon, mais il lui dit simplement : « Si tu savais le don de Dieu qui est en toi, si tu savais… » C’est à partir de ce regard-là que la Samaritaine pourra changer de vie et trouver son propre chemin… (Voir Jean 4) L’Evangile est d’abord un message de consolation qui rassure, encourage et soutient. Il s’ouvre sur un dialogue qui aide les personnes à changer de vie pour aller mieux.
La loi, les exigences et les traditions sont-elles dès lors balayées ? Certainement pas ! Mais elles sont dépassées, par quelqu’un, le Christ ! Le Christ se tient devant la loi, il dialogue avec chacun pour l’aider à trouver son chemin, et à grandir selon les exigences évangéliques. La personne sera toujours plus grande que la règle. Par exemple, l’invité qui a versé son verre de rouge sur la table, je vais le rassurer par un bon mot d’humour, du genre : « T’en fais pas, elle en a vu d’autres, cette nappe ! » Et si je ne tue plus mes voisins parce qu’ils font du bruit tard le soir, ni n’appelle la police, je peux faire un pas de plus pour dialoguer avec eux et chercher un compromis. Et si soudainement je découvrais que la personne qui a fait un faux pas et que je m’apprête à juger, n’était rien d’autre… que mon propre enfant… ? Mon regard glisserait sur la loi car comment juger mon enfant, celui que j’aime tant ? Ne vais-je pas tout faire pour l’aider ? Parce qu’entre la loi et mon enfant, il n’y a plus que de l’amour… Voir en chaque homme un frère, son propre enfant… Alors nous avons tout compris… »