Homélie du 08 septembre 2013

Prédicateur : Abbé Willy Kenda et pasteur Philippe Genton
Date : 08 septembre 2013
Lieu : Eglise catholique, Monthey – Schubertiade d’Espace 2
Type : radio

INTRODUCTION AU THEME (Par le curé Willy Kenda)

Frères et sœurs, le pasteur et moi-même avons voulu mettre cette célébration œcuménique sous le thème de la fête de la Croix Glorieuse, normalement célébrée le 14 septembre. Cette fête se rattache à la dédicace (consécration) de la basilique de la Résurrection, à Jérusalem, érigée par Constantin sur le tombeau du Christ en 335. D’après une ancienne tradition, l’emplacement du Calvaire avait été découvert par sainte Hélène, la mère de Constantin, venue en pèlerinage à Jérusalem : ayant fait faire des fouilles, elle avait retrouvé les reliques de la crucifixion : les clous, la couronne d’épines, la croix.

A première vue, il peut paraître « fou » de fêter un tel instrument de supplice, le plus abominable qui soit, sur lequel Jésus a tant souffert. Saint Paul répond à cette objection : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est sagesse de Dieu. »(1 Corinthiens 1, 18)

La croix est en effet « sagesse de Dieu », en ce qu’elle est signe de son amour qui a bravé avec patience toutes les épreuves de la vie jusqu’à la mort. Sagesse qu’il nous est demandé de contempler pour prendre conscience de l’étroitesse humaine qui n’a pas pu reconnaître l’amour : « Ceux qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. » (Luc 23, 48).

Frères et sœurs, le Christ ne veut nullement nous enfermer dans notre péché mais nous ouvrir à son pardon. Les larmes amères qui jaillissent de nos cœurs repentants nous ouvrent au feu de l’amour divin : « Et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à Moi. »(Jean12, 32).

Dialogue entre le curé Willy Kenda et le pasteur Philippe Genton

Philippe
C’est bien entendu l’Évangile, plus encore le Christ qui nous invite à partager cette célébration, même si c’est également la Radio Télévision Suisse, mais c’est également Schubert qui en est l’argument.

Willy
C’est vrai. Et la joie que nous en ressentons nous vient essentiellement du Christ et de la Croix glorieuse que j’ai rappelée tout à l’heure. Mais… avant de nous retrouver en communion de foi, nous avons quelque plainte… enfin…

Philippe
… disons que c’est une remarque que nous tenons absolument à faire. Et à faire ensemble !

Willy
Oui, c’est ça…
Nous sommes très heureux de participer à ces Schubertiades, très heureux à la pensée que la chorale paroissiale va tout à l’heure chanter une des messes de Schubert, mais nous avons constaté qu’il manque quand même des paroles essentielles dans les credos d’au moins deux d’entre elles.

Philippe
En effet : cela concerne en tout cas la Messe en mi bémol majeur, et celle en la bémol pour certaines questions, et toutes les messes pour d’autres.
En effet : dans le credo de la messe en mi bémol majeur il y manque… Je te laisse le dire et le traduire, le latin t’est familier…

Willy
Oui, trois choses manquent: omission, au début, du « Patrem omnipotentern » en français « Dieu tout Puissant » pour la personne de Dieu le Père, du «Genitum non factum » en français « engendré et non créé » pour celle du Fils, et la troisième qui manque dans toutes ses messes : Et Unam Sanctam Catholicam et Apostolicam Ecclesiam» en français, « et l’Église une, sainte, catholique et apostolique »

Philippe
Ce n’est pas rien quand même, une révision théologique de poids ! Et ce n’est pas tout, dans cette messe en mi bémol majeur, comme dans celle en la bémol, il y manque finalement l’essentiel :

Willy
Comme tu dis, il y manque l’essentiel : Et exspecto resurectionem mortuorum. » en français au sujet de Jésus Christ : … et ressuscité d’entre les morts… comme tu dis, ce n’est pas rien….

Philippe
Vous comprenez notre remarque à la RTS : nous demander de prêcher l’Évangile, sans rien dire, alors que Schubert se permet de faire de la théologie… enfin de la contre théologie !

Willy
C’est vrai, Philippe, mais ne crois-tu pas que nous sommes un peu « pédants » avec ces remarques ? d’autant plus que nous sommes bien incapables d’expliquer pourquoi Schubert corrige le credo. Je suis d’ailleurs bien incapable de savoir si c’est lui tout seul qui a écrit ces paroles, ou s’il a subi des influences…

Philippe
Tu as raison… ne jouons pas les musicologues. Restons humblement des théologiens, et revenons à nos discussions de ces dernières semaines. Tu me faisais remarquer qu’il y a deux omissions qui sont typiquement modernes :

Willy
Oui. La contestation de l’universalité de l’Église et la résurrection.

Philippe
Tu veux dire la catholicité de l’Église.

Willy
Par égard pour les protestants, j’évitais d’utiliser le mot catholique.

Philippe
Je t’en remercie, mais c’est dommage. Je suis convaincu quant à moi que les relations à l’intérieur du christianisme y gagneraient si toutes les églises revendiquaient toutes d’être catholiques.

Willy
Que veux-tu dire ?… ce n’est peut-être pas le moment de relancer les débats difficiles qu’avait fait naître l’encyclique Dominus Iesus ?

Philippe
A mon avis, revendiquer d’être catholique n’implique pas de se demander quelle est l’Église véritable. Nous sommes tous catholiques puisque l’Église ne peut-être qu’universelle, du fait même qu’elle est l’œuvre de Dieu ! d’ailleurs toi, tu n’es pas catholique !

Willy
Je ne suis pas catholique ? première nouvelle ! et je suis quoi alors ?!?

Philippe
Mais tu es romain. C’est pour cela que je dis que nous sommes tous catholique ! Rassure-toi, tu es bien catholique, mais tu es catholique romain. Comme il y a des catholiques orthodoxes grecs et russes, des vieux catholiques, des catholiques chrétiens…

Willy
Et tu es quoi toi ?

Philippe
Et bien je suis catholique réformé ! voilà tout !

ORGUE par Marie Christine Raboud

Et si Schubert était « Jésus, oui, l’Eglise, non » ?
Je crois en l’Eglise… J’attends la résurrection…

Willy
Pour moi, cette affirmation veut dire que le mystère du Christ et celui de l’Eglise sont inséparables. On ne peut pas connaître Jésus uniquement par la science historique. Ce serait un homme du passé… Pour les croyants, connaître Jésus exige une certaine relation vivante avec lui. Cela passe par la prière qui inclut la communion avec tous ses frères. Et cette immense communauté de vie, Paul l’appelle « Corps du Christ » et c’est elle qui rend le Christ présent dans l’histoire jusqu’à la fin du monde.

Philippe
il est aussi vrai que le slogan « Jésus, oui, l’Eglise non » est la conséquence des erreurs commises dans le passé, et dont nous nous sentons responsables, mais l’Eglise ne peut pas être identifiée à l’agir de quelques-uns. Elle déborde les frontières conventionnelles et ne se résume pas aux comportements dispersés des individus. C’est cette Eglise-là, corps mystique du Christ, qui est la continuation du Christ ressuscité et de sa présence efficace à toutes les époques, pour être instrument d’unité de tout le genre humain. Cette Eglise-là subsiste dans les églises catholique et réformée. Je peux donc dire : Je crois en l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique.

Willy
si nous assumons cette identité d’être « le Corps du Christ », nous réalisons qu’à l’exemple de Jésus et à sa suite, nous sommes envoyés les uns envers les autres pour rendre réelle et toujours abondante la vie divine. C’est peut-être là la meilleure définition de la Résurrection ? J’aimerai faire mienne cette méditation de Louis Evely : « Le seul moyen de croire à la résurrection, c’est d’avoir été un jour ressuscité par l’amour. Il ne faut pas demander à un chrétien actuel s’il croit en la résurrection, il y a bien des chances qu’il y croit d’une façon passive et conventionnelle, que c’est comme s’il n’y croyait pas ! Cela ne change rien à sa vie, et cela ne l’engage à rien. Aussi, la vraie question à poser, c’est (…) Quelqu’un t’a-t-il déjà assez aimé pour te ressusciter ? Quelqu’un t’a-t-il déjà si bien pardonné que tu t’es senti plus heureux après ta faute qu’avant ? Y a-t-il, dans le monde, un être capable de te ressusciter ? Et toi, as-tu déjà ressuscité quelqu’un ?

Philippe
en effet, un chrétien ne croit pas à une vie future, mais à une vie éternelle. Et si elle existe de toute éternité, c’est bien qu’elle est déjà là : « Mes bien-aimés, parce que nous aimons nos frères, nous savons que nous sommes déjà passés de la mort à la vie. Celui qui n’aime pas reste dans la mort. » (1Jean3, 14) Nous écouterons à la fin de cette célébration de nombreux témoignages de ceux qui ressuscitent les autres par les petits gestes d’amour. Je puis donc dire ce que Schubert a omis : « J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. Amen.

Lectures bibliques : Philippiens 2, 5-11 et I Corinthiens 6, 19; Psaume 22

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