Homélie du 28 juillet 2013

Prédicateur : Chanoine Raphaël Duchoud
Date : 28 juillet 2013
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Frères et Sœurs dans le Christ,

Au cœur de ce pèlerinage que nous avons commencé hier en marchant depuis Ferrêt jusqu’ici à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, en méditant sur le thème : «Fragile existence : un appel à vivre», nous sommes interpellés ce matin par une parole de Dieu qui révèle une dimension fragile dans le cœur de l’homme et, si j’ose me permettre de dire, également dans le cœur de Dieu.

Dans l’Evangile dont nous venons d’entendre la lecture, un des disciples demande à Jésus : « Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples. »

Question surprenante quand on pense que les disciples partageaient quotidiennement leur temps avec Jésus. Mais cette question ne révèle-t-elle pas un manque ressenti dans le cœur des apôtres, témoins de la vie spirituelle de Jésus ? Ce qui peut encore surprendre davantage, c’est que ce sont les disciples eux-mêmes qui demandent à Jésus de leur enseigner à prier, comme si leur maître ne se souciait pas de leur enseigner à entretenir un rapport avec Dieu dans la prière.

C’est que Jésus ne s’impose pas ; il laisse à chacun de ses disciples, comme à chacun de nous, cette liberté intérieure de se tourner vers le Père. De notre part, il nous arrive de nous comporter comme des personnes auto-suffisantes : en nous appuyant sur nos propres forces quand tout semble bien aller dans notre vie, en oubliant que nous ne sommes pas faits pour les réalités de ce monde et en mettant Dieu hors de la sphère de notre existence. A partir du moment où nous ressentons que notre vie est fragile, deux perspectives peuvent voir le jour : ou bien on se replie sur soi-même dans une attitude de découragement, ou alors, au cœur de cette prise de conscience de la fragilité nous discernons un appel à vivre, à aller de l’avant.

Les disciples de l’Evangile d’aujourd’hui demandent à Jésus de leur enseigner à prier ; certes, en voyant le Sauveur passer de longues heures en prière, ils prennent conscience du manque dont ils sont habités par le fait de ne pas savoir prier. Ce qui est intéressant, c’est de noter que ce sont les disciples qui en font la demande et ce n’est pas Jésus qui les y oblige. Le Seigneur respecte leur temps, mais quand il exauce leur prière, il les amène vers l’authenticité des rapports de l’homme avec son Père en leur enseignant la relation filiale avec Dieu au moyen de la prière par excellence : celle du Notre Père.

Un deuxième aspect à relever dans ce contexte est celui qui invite et aussi fait sortir impérativement chacun de sa tranquillité : celui de la prière qui dérange. Dans la parabole que Jésus exprime dans la deuxième partie de l’Evangile, celle de l’ami importun, la fragilité de l’existence du requérant à cause du manque de pain en l’occurrence se traduit par un appel à vivre adressé à celui qui « à cause du sans gêne ce cet ami, se lèvera et lui donnera tout ce qui lui faut. »

Frères et sœurs dans le Christ, cette prière incessante, voire importune à laquelle le Christ exhorte conduit à une découverte plus profonde du visage du Père tel que l’Evangile nous révèle. On peut même découvrir une fragilité chez Dieu, non pas due à la présence du mal en lui puisqu’il est parfait, mais à la présence d’un amour vulnérable qu’il voue pour sa créature bien-aimée qu’il a créée à son image et sa ressemblance.

Par son exhortation de prier sans cesse, Jésus introduit ses disciples dans la connaissance d’un Dieu amoureux de l’homme, qui se laisse déranger par les supplications de ses enfants. L’homme de l’Ancien Testament, Abraham, apprend déjà à découvrir cette mansuétude divine par sa prière insistante pour le salut des justes dans la ville de Gomorrhe. Mais Dieu a une manière de répondre qui va dans le sens du don de la vie pour ses enfants : de la même façon que des parents avisés donnent satisfaction à la requête de leurs enfants pour leur bien, Dieu répond à nos prières de façon à nous procurer ce qui est nécessaire à notre vie spirituelle. « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons pas prier comme il faut » nous dit saint Paul.

Dans ce contact avec Dieu dans la prière, le Seigneur nous invite à faire l’expérience de la fragilité de notre existence mais dans le sens d’un appel à vivre. Souvent celui-ci prend des chemins inattendus pour nous atteindre. Bien souvent, cela se manifeste dans l’attitude de la prière : combien de fois entendons-nous dire que nos prières ne sont pas exaucées.

Cela me fait revenir à la mémoire cette anecdote vécue lors d’une de mes visites auprès des malades à l’hôpital au début de mon ministère en paroisse en tant que jeune prêtre : alors que je me trouvais près du lit d’un octogénaire frappé par une attaque cérébrale, je me suis entendu cette réflexion de la part de ce patient : « Monsieur le Vicaire, savez-vous pourquoi souvent nos prières ne sont-elles pas exaucées ? C’est parce qu’elles ne sont pas faites au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. »

Au cœur de notre existence fragile, l’appel à la vie nous invite à nous tourner vers celui qui est venu habiter parmi nous et remplir notre souffrance de sa présence. C’est lui qui est venu au cœur de notre fragilité humaine nous enseigner le chemin qui conduit à la vie. « Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés » nous dit saint Paul dans sa lettre aux Colossiens. Certes, ce n’est pas le chemin auquel on aurait pensé de prime abord, mais la fragilité qu’on peut ressentir en diverses occasions peut et doit être le point de départ d’une nouvelle étape dans la vie, ce qui fait comprendre que la croissance intérieure n’emprunte pas d’autres chemins que celui de la Croix du Christ.

J’ai demandé la force   Dieu m’a donné les difficultés pour me rendre fort.
J’ai demandé la sagesse   Dieu m’a donné des problèmes à résoudre.
J’ai demandé la prospérité   Dieu m’a donné un cerveau et des muscles pour travailler.
J’ai demandé de pouvoir voler   Dieu m’a donné des obstacles à surmonter.
J’ai demandé l’amour   Dieu m’a donné des gens à aider dans leurs problèmes.
J’ai demandé des faveurs   Dieu m’a donné des potentialités.

Je n’ai rien reçu de ce j’avais demandé…
Mais j’ai reçu tout ce dont j’avais besoin.

17° dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Colossiens 2, 12-14; Luc 11, 1-13

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