Prédicateur : Abbé Bernard Jordan
Date : 13 janvier 2013
Lieu : Monastère de Montorge, Fribourg
Type : radio
Chers amis,
C’est par deux témoignages que je vous propose d’entrer dans le dynamisme de la fête du baptême de Jésus.
Frank, un jeune que je visite à la prison, a écrit une lettre d’excuse à la personne qu’il avait lésée. A sa grande surprise, il reçoit une réponse. La personne l’encourage à s’efforcer de tout mettre en œuvre pour mieux réaliser sa vie, elle lui souhaite même une bonne fête de Noël et une nouvelle année pleine de promesses .
Quel beau geste de cette personne qui aurait pu s’enfermer dans sa haine, envers ce jeune !
Frank, tout ému, me dit que c’est l’un des plus beaux cadeaux reçus dans sa vie.
Cette personne lésée s’est plongée dans l’univers de ce jeune pour l’aider à s’en sortir.
J’ajoute encore un exemple car les témoignages nous encouragent parfois plus que de la théorie.
Karim, un jeune musulman éducateur dans une maisonnée d’adultes handicapés, se propose de passer la veillée de Noël avec deux résidents qui n’ont pas pu rejoindre leur famille. Remarquant de la tristesse dans leurs yeux, Karim leur dit: » je vais vous gâter ce soir », le sourire revient et les deux personnes lui racontent les beaux Noël qu’ils ont passés quand tout allait bien.
Le soir venu, rien ne manquait dans la salle à manger, sapin, crèche, étoiles, fleurs, foie gras, un CD a aidé nos trois compères à chanter les chants de Noël devant la crèche.
Une fois de plus Karim s’est plongé dans l’univers de ces deux personnes pour les sortir de leur nostalgie et les ramener sur le rivage de la joie de Noël.
Dieu a besoin de nous pour rendre ce monde plus beau.
Il ne peut pas et ne veut pas nous laisser paumés et sans secours dans ce monde où le mal, la souffrance, la peur sous toutes ses formes, le doute, la solitude nous harponnent souvent.
Paul Valéry le dit bien » un homme seul est un homme en mauvaise compagnie »
Jésus va nous montrer comment, avec Lui, il faut nous y prendre.
Après 30 ans de silence, où sa divinité s’est imprégnée d’humanité ou le contraire, Jésus inaugure sa mission de sauveur, par un geste hautement symbolique ; mais toujours dans une discrétion désarmante, c’est le langage de Dieu auquel nous devons nous habituer tout au long de notre vie.
Il descend, il se plonge dans l’eau purifiante du Jourdain, lui le tout pur, en solidarité avec cette humanité souffrante pour nous libérer de ce qui nous colle à la peau et nous ramener sur les rives pour respirer les parfums du bonheur. Et on dit qu’à ce moment là les cieux se sont ouverts. Ouf ! Nous ne sommes pas abandonnés !
Alors, pendant 3 ans, Jésus va se plonger dans la vie de ceux qu’Il rencontre :
– il mange avec les pécheurs
– il accepte Marie Madeleine parmi ses disciples
– il engage la conversation avec la samaritaine
– il permet à une prostituée de lui parfumer les pieds
– il défend la femme adultère et empêche qu’on la lapide.
– il va discuter avec les financiers de son époque, l’un devient même l’apôtre Matthieu
– il privilégie les malades, il les guérit, même le jour du sabbat,
– Il touche même les lépreux pour les guérir
– il nous apprend à prier : Quand vous priez, dites : Notre Père. Vous réalisez les conséquences !
Tout cela ne plait pas aux bienpensants de la religion de son époque. Ils le mettent à mort mais sa résurrection nous introduit dans un bonheur durable » aujourd’hui, tu seras avec moi dans mon royaume »
Ainsi, par notre baptême nous reconnaissons que Dieu nous communique sa force de sauveur : « vous ferez cela en mémoire de moi »
De sauvés nous devenons aussi des sauveurs. Nous sommes invités par Jésus à nous « mouiller » pour que le bonheur, la paix, la tolérance, la solidarité puissent être des réalités qui nous font vivre et mieux vivre.
Nous rejoignons ainsi tous les hommes de bonne volonté du monde entier, baptisés ou pas car tout être humain est enfant de Dieu, saint Paul nous le rappelle aujourd’hui :
» Dieu ne fait pas différence entre les hommes » Merveilleuse justice !
Vivre en frères, se mouiller pour les autres, parler à Dieu, c’est beau à entendre mais dans le quotidien, il faut s’y cramponner.
Certains nous disent : si on est dans la religion chrétienne, on ne se sent pas libre, on est toujours confronté à des interdictions, on rentre dans des zones trop sérieuses, trop austères, on se sent trop étriqué, il semble qu’on n’ose pas apprécier la vie, on nous culpabilise.
Ce sont leurs mots.
Et dire que c’est tout le contraire, tout le contraire, je le répète.
Nous l’avons vu dans le témoignage de Jésus, comme il respecte les personnes, comme il aime la vie. Mais aimer est parfois et souvent exigeant. C’est là, peut-être, une pierre d’achoppement, on rechigne souvent devant l’effort. Il faut savoir ce que l’on veut.
Je me pose tout de même la question : est ce que les chrétiens ont tendance » à stériliser » le message du Charpentier de Nazareth ? Question que se posait, dans la presse, il y a quelques mois, avant de mourir, le cardinal Martini de Milan, que se pose aussi l’abbé d’Einsideln et bien d’autres encore. La question reste ouverte.
Mais rassurons nous, il y aura toujours des François d’Assise, des abbés Pierre, des Mères Teresa, des sœurs Emmanuelle, des Jean XXIII, il y aura toujours des personnes lésées qui pardonnent, il y aura toujours des Karim.
Justement, je termine avec l’humour de sœur Emmanuelle, on en a besoin de l’humour :
Voici ses paroles :
« Je dis en riant que j’ai besoin qu’on m’embrasse, ce que je ressentais beaucoup moins quand j’étais jeune. Dans la vieillesse, les signes d’affection me font du bien. J’aime que, de temps en temps, on m’embrasse sur les deux joues. C’est bon. C’est humain. C’est vrai. C’est Dieu qui vient à moi. »
Amen
Dimanche du baptême du Seigneur
Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5. 9-11;Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7; Luc 3, 15-22