Homélie du 06 janvier 2013

Prédicateur : Abbé Paul Frochaux
Date : 06 janvier 2013
Lieu : Eglise Notre-Dame, Vevey
La fête des rois ! C’est ainsi qu’on appelle traditionnellement l’Epiphanie. L’Ecriture toutefois ne nous dit pas que les mages étaient rois, ni même qu’ils étaient trois. En revanche, dans notre passage d’Evangile, il y a deux rois : le Roi des Juifs, le roi Hérode. Serait-ce plutôt la fête de ces deux rois là ? Pour le petit roi juif, oui, ce moment, cette rencontre est une fête car les Mages qui viennent à lui sont le signe de l’universalité du salut. Jésus est venu non seulement pour le peuple élu représenté par Marie, Joseph, les bergers, mais il est venu pour tous les hommes de bonne volonté. Parce qu’il veut être manifesté à tous, cette rencontre est pour nous une fête. On peut se demander pourquoi l’étoile n’a pas conduit les mages directement à Bethléem. Pourquoi ce détour par Jérusalem par les scribes et les prêtres ? Sans doute parce que Dieu est fidèle à ses promesses et que si le salut est offert à tous, il vient par l’intermédiaire des juifs.

Le roi Hérode, lui, n’est pas à la fête. A la question des Mages, question qui est en même temps une annonce : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? » il est pris d’inquiétude et tout Jérusalem avec lui, nous dit l’Ecriture. Le peuple dont Hérode est le roi était pourtant en attente de la venue d’un Messie. A la place de susciter l’enthousiasme et la joie prophétisée par Isaïe « Debout Jérusalem, resplendis, elle est venue ta lumière… » C’est l’inquiétude qui prévaut en même temps que le funeste dessein de faire disparaître au plus vite ce roi si petit et déjà si gênant.

Lorsque devenu adulte Jésus sillonnera son pays, proclamant à temps et à contre temps la Bonne Nouvelle, accomplissant des miracles, s’en prenant à la Loi, il sera encore gênant, tellement même qu’on parviendra finalement à le faire arrêter et à le juger. Lors de son procès, Pilate lui demandera : es-tu le Roi des Juifs ? Nous connaissons la réponse : « Ma royauté ne vient pas de ce monde » Avec l’expression « Roi des Juifs », il y a dans le mystère de l’Epiphanie une note de la Passion comme dans les icônes orientales de la Nativité qui placent l’enfant-Jésus dans une grotte noire évoquant déjà le tombeau, comme encore dans la myrrhe offerte par les Mages qui est utilisée pour les sépultures Le don de la myrrhe annonce que Jésus est homme et qu’il connaîtra la mort.

Mais, Jésus reste Roi. L’or déposé à ses pieds en est le symbole, c’est un cadeau de roi. Or ce Roi exercera d’une toute autre manière sa royauté. Il ne sera pas roi d’un seul pays, mais du monde, on dit même lors de la fête du Christ-Roi, qu’il est Roi de l’univers. De fait, son étoile brille au firmament, elle est visible de partout, elle brille pour tous les hommes de bonne volonté. Il ne sera pas un roi imposé à un peuple, mais un roi choisi dans les cœurs.

On ne sera pas simplement invités dans son royaume, mais celui-ci sera donné en partage à tous ses disciples. Et, par la grâce de sa royauté, il fait du peuple des baptisés un peuple de prêtres, de prophètes et de rois. Par la foi qui les a conduits jusqu’à Jésus, par leur recherche obstinée, par leur long voyage, les Mages qui ne sont pas rois à la manière humaine le deviennent en fait en recevant eux aussi la Royaume des cieux en partage. Cette fête de l’Epiphanie n’est donc pas la fête des rois mages comme je l’ai dit plus haut, mais la fête des mages devenus rois en recherchant le Christ en l’adorant et en lui offrant leurs présents. Elle aussi notre fête puisque, comme les mages, nous sommes descendants des païens et nous sommes aussi associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ, par l’annonce de la bonne nouvelle.

Si tout cela est merveilleusement possible, c’est parce que le petit roi des juifs est non seulement homme, mais encore Dieu et que ce qui est impossible aux hommes l’est à Dieu.

L’encens est le rappel de la divinité de Jésus car l’encens est d’abord offert à la divinité.

A travers leur quête, leur démarche, à travers leurs dons, le Mages nous donnent un message magnifique et nous sommes invités à les suivre.

Les suivre en sachant reconnaître et en accueillant avec joie les signes que Dieu nous donne.

Les suivre en ne cessant de rechercher le Christ dans notre vie pour en recevoir le message, pour l’adorer.

Les suivre en apportant à Jésus nos présents. Nous lui offrons l’or de notre vie, de nos bonnes actions, de notre amour pour lui. Nous lui offrons l’encens de notre prière, de notre union spirituelle à lui. Nous lui offrons la myrrhe de notre condition humaine que nous nous efforcerons de vivre en communion avec ses souffrances et sa mort.

Les suivre en apportant ensemble nos dons, en Eglise, nous ne sommes jamais seuls. Que nos démarches envers le Christ soient le signe d’une Communauté de foi et d’espérance.

Les suivre en comprenant que lorsque l’on a rencontré Jésus, il nous faut prendre un autre chemin, le chemin que Dieu nous indique et non les chemins qui nous plaisent.

Les suivre en ayant le souci de témoigner de celui en qui nous croyons, en cherchant non à l’imposer mais à le proposer à tant d’homme et de femmes si proches de nous et qui ignorent qu’un Sauveur nous est advenu.

En partageant la galette des Rois, en portant peut-être à notre tête la couronne de carton, souvenons-nous qu’un message essentiel nous est donné à travers l’Evangile de ce jour : En suivant l’exemple des Mages, nous porterons un jour une couronne non pour un petit moment mais pour l’éternité bienheureuse et cette couronne sera une vraie couronne, une couronne de gloire.

Amen !

Fête de l’Epiphanie

Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Ephésiens 3, 2-6; Matthieu 2, 1-12

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