Homélie du 23 décembre 2012

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 23 décembre 2012
Lieu : Institut La Pelouse, Bex
Type : radio

Si vous nous avez suivi durant ces dimanches de l’Avent, frères et sœurs, peut-être aurez-vous été attentifs au chemin que nous avons essayé de tracer, en écho à l’année de la foi, promulguée pour notre Église le 11 octobre dernier, lors du cinquantième anniversaire du concile Vatican II. S’interroger sur la foi qui nous est commune, c’est du même coup acquérir davantage de certitude sur notre propre existence – puisque il s’agit, pour chacun d’entre nous, de s’abandonner à l’amour dont Dieu entoure tout être vivant.

Nous avons commencé notre parcours en nous interrogeant sur ce qu’est une communauté chrétienne dans le monde contemporain. Avec le concile Vatican II, nous avons désigné la communauté chrétienne par sa manière de scruter les signes des temps. C’est là que nous pratiquons la vigilance de la foi, pour ce temps que l’on qualifie volontiers, de « temps de crise ». Attentif à ce qui germe dans l’humanité contemporaine, le chrétien est délibérément « moderne ».

Nous nous sommes interrogé ensuite sur les rapports entre la raison et la foi. L’homme est un être épris de rationalité – particulièrement depuis l’avènement des Lumières au XVIIIe s. – , de cette rationalité qui voudrait dominer l’univers et qui malheureusement enferme l’homme sur lui-même. Au point qu’il n’est plus disponible pour l’imprévisible. La foi – loin de s’opposer à la raison – ouvre cette dernière à la nouveauté : celle que Dieu veut éternellement pour l’homme, son bien-aimé.

Dimanche dernier, nous avons passé en revue l’une ou l’autre implication concrète de notre état de croyant. La foi au Christ implique une manière d’être, de traverser ce monde dans la simplicité et la joie. La foi vécue dégage un style chrétien, un rapport aux êtres et aux choses propre aux disciples que nous sommes. Ainsi l’Évangile est-il annoncé par toute la terre. Come écrit Pierangelo Sequeri (L’idée de la foi, 2011), la foi vraie est « testimoniale ».

Il nous faut toutefois ajouter à ce sommaire de notre état de croyant un aspect significatif – au sens littéral du terme : il signifie, en effet, quelque chose, pour ceux qui nous regardent de l’extérieur. Les évêques suisses ont d’ailleurs expressément mis l’accent là-dessus pour 2012-2013 : la célébration liturgique. Dans sa Lettre apostolique Porta fidei, Benoît XVI rappelle que l’assemblée liturgique apparaît comme lieu où la foi au Christ est confessée. En particulier l’Eucharistie, dit le Pape, laquelle est « le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa force. » (citation de la Constitution Sacrosanctum Concilium n. 10)

Notre identité chrétienne ne se réduit pas à l’adhésion, plus ou moins consciente, à un corps de doctrines : « elle est de l’ordre d’un avènement ou d’un événement unique et ultime, véritablement nouveau, de l’ordre d’une présence » (écrit Joseph Famerée, théologien à Louvain-la-Neuve). Cet événement est, pour chacun de nous – et c’est bien cela qui nous autorise à nous déclarer chrétien croyant – la rencontre avec le Christ vivant, le Christ pascal, vainqueur de la souffrance et de la mort. Rencontre qui se réalise bien sûr dans la vie de tous les jours, particulièrement dans le service des plus pauvres et des plus démunis de nos frères et sœurs. Mais encore, de manière symboliquement importante, dans la célébration liturgique. S’il est un lieu où le Christ me parle, c’est l’assemblée liturgique. Chaque fois que j’y participe – pleinement, consciemment et activement (concile Vatican II) – il y a là une parole pour moi. Le Dieu, qui est Vérité, se manifeste, se révèle à moi, à travers les rites, les gestes, les paroles et les chants de l’action sacrée.

Exemple. Que nous dit le Christ en ce dimanche ? Il se révèle par la médiation des lectures que nous venons de proclamer. Particulièrement la deuxième (He 10, 5-10), laquelle cite le psaume 39. La voix du Christ retentit à travers le psaume désignant le Christ comme locuteur de ces versets : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c’est bien de moi que parle l’Écriture. En passant de l’hébreu au grec, un changement significatif s’est produit : alors que l’hébreu dit quelque chose comme tu as ouvert mes oreilles (pour entendre), le Nouveau Testament parle de corps ; c’est-à-dire de l’Incarnation du Verbe et de sa vie offerte en sacrifice. La Nativité du Christ est donc d’ores et déjà pascale. Si Dieu assume notre humanité c’est pour la sauver.

Ne perdons pas cependant la mention de l’ouverture de l’oreille. Car, dans la Trinité, le Fils est celui qui est depuis toute éternité à l’écoute du Père, en parfaite relation avec lui. Et donc pour nous qui sommes également les fils et les filles de ce Père-là ainsi que les frères et sœurs du Christ, Verbe incarné, il y a une oreille à ouvrir. L’action liturgique est un espace d’écoute : le Christ, Logos du Père, nous parle. De quoi nous parle-t-il sinon de sa vie donnée, du mystère de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, de sa Pâque. Et nous comprenons alors que l’action liturgique s’accomplit vraiment pour nous quand nous acceptons, à notre tour et à la suite du Christ, de donner notre vie, d’en faire une offrande. C’est bien dans notre existence quotidienne que s’accomplit pour nous le culte nouveau dont parle la Lettre aux Hébreux.

Et, pour ne pas oublier l’évangile de ce dimanche, notre vie de disciple du Verbe incarné devient ainsi comme une matrice maternelle où la Parole prend chair et tressaille déjà de la présence eschatologique et glorieuse du Christ.»

4ème dimanche Avent – Année de la foi

Lectures bibliques : Michée 5, 1-4; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45

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