Homélie du 25 novembre 2012

Prédicateur : Chanoine Jean Scarcella
Date : 25 novembre 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs, mes frères,

Jésus, Fils unique de Dieu et fils de l’homme – Jésus, Verbe de Dieu – Jésus, Vérité de Dieu – Jésus, le Témoin fidèle – Jésus, le souverain des rois de la terre…

Jésus, Christ ET Roi !

L’Écriture Sainte nous dit aujourd’hui :

« Sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite » (Daniel)

« Le Seigneur est roi, […] dès l’origine ton trône tient bon » (Psaume)

« Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre » (Apocalypse)

« Ma royauté ne vient pas de ce monde », finit par dire Jésus à Pilate.

« Alors, tu es roi ? »…

Dans ce face à face avec Pilate quel visage royal Jésus peut-il montrer ? Il est là, enchaîné, couvert de sang, misérable condamné à mort, sans aucune ressemblance avec l’image que l’on se fait d’un roi. Où sont son armée et ses gardes qui auraient pu le défendre, où sont les signes extérieurs de sa richesse, de son pouvoir royal ? Rien de tout cela, et pourtant Jésus ne change pas son discours : « C’est toi qui dis que je suis roi ».

On est là en face de ce qu’on pourrait appeler effectivement un dialogue de sourds. Chacun des deux protagonistes ne met pas la même chose dans le mot «roi» ; pour Pilate, le roi est le chef d’un État doté d’autorité suprême sur tous ses sujets. Pour Jésus, un roi est le représentant de Dieu auprès de son peuple, chargé de guider les hommes vers Dieu, car Dieu seul est Roi. – Oui, mais avec quelle autorité ? avec quelle puissance ? – Jésus, Fils du Père, n’a pas d’autre puissance que l’amour, cet amour qu’il a manifesté avec force pour son père et pour tout homme. Alors nous pouvons peut-être comprendre Pilate, car l’amour n’a ni l’allure d’une armée, ni le poids d’une richesse, ni la force d’un pouvoir… l’amour, ne se voit pas, il se donne à voir ! Voilà le royaume de Dieu, dont la puissance d’amour est traduite ainsi dans le Livre de Daniel : « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Ici, le terme «domination», traduit du grec, signifie «la souveraineté par excellence», donc celle de Dieu, et plus précisément celle du Christ : « Le souverain des rois de la terre », renchérit l’Apocalypse.

Oui, frères et sœurs, c’est en cela que Jésus est roi. Une royauté qui, même si elle ne vient pas de ce monde, dépasse cette terre, tout en la concernant, pourtant. C’est ainsi que l’explique saint Augustin quand il dit dans son traité sur saint Jean : « Venez à un royaume qui n’est pas de ce monde. Venez-y par la foi ». Parce que le règne de Dieu ce sont ceux qui croient en lui et c’est sur cette terre qu’il doit… s’incarner et devenir, comme nous le prierons tout à l’heure dans la préface, « Règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix. »

Une incarnation de surcroît à celle de Jésus ou une continuation de celle-ci, ou même – mieux peut-être ? – une incarnation de l’incarnation ?… Ce que je veux dire par là, non pas qu’il y ait deux incarnations, bien évidemment, mais que Jésus, Fils et Verbe de Dieu fait chair, a pris corps d’homme en devenant fils de l’homme, pour accomplir la volonté d’amour du Père, et instaurer le règne de Dieu dès ici-bas : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix », disait encore Jésus à Pilate.

Jésus, le témoin fidèle, est donc la vérité de Dieu. Et le bon larron l’avait bien compris quand, au cœur de leur supplice partagé, il dit à Jésus : « Souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne ». Cette parole prophétique, qui n’apparaît que dans l’Évangile de Luc, est prophétique, frères et sœurs, parce que d’abord le bon larron reconnaît implicitement que Jésus est Roi, et ensuite il annonce que le Règne de Dieu est en attente d’accomplissement. En effet, la traduction de la Bible de la liturgie parle «d’inaugurer» ce règne. Or, une inauguration n’a lieu que pour fêter ou magnifier quelque chose qui est accompli.

C’est là, frères et sœurs, que nous entrons en scène, si j’ose dire, en nous souvenant des mots de saint Augustin qui disait que le Royaume ce sont ceux qui croient en Dieu ; donc ceux-ci, les chrétiens et les hommes de bonne volonté, qui sont appelés à construire le Règne d’amour, à la suite du Christ serviteur. Voilà, le mot est dit : «serviteur»… C’est en cela que Jésus est Roi. C’est parce que « Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique» (Jn 3, 16) – afin de nous faire vivre par sa mort. Et celui qui s’est fait serviteur pour cela, nous l’acclamons aujourd’hui comme Roi Serviteur. En effet, Jésus est venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité, la grande et merveilleuse vérité que Dieu nous aime, frères et sœurs. Jésus est la vérité de Dieu : ayons soif de vérité, ouvrons-nous à cette vérité libératrice à tous les niveaux de notre vie, accueillons Jésus comme le roi de nos vies, assumons notre responsabilité de disciples du Christ en contribuant, à notre mesure, à la construction de ce Royaume d’amour, car « chaque geste d’amour construit le royaume du Christ, dans l’histoire et dans l’éternité» [in Magnificat].

Oui, chers amis, reconnaissons la royauté de Jésus en l’accueillant en tant que Verbe, Parole de Dieu, lui qui est roi parce qu’il nous révèle le Père et nous conduit à lui.

«Seigneur, sois le roi de mon cœur !

Ainsi soit-il !

 

Le Christ, Roi de l’univers

Lectures bibliques : Daniel 7, 13-14; Apocalypse 1, 5-8; Jean 18, 33-37

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