Homélie du 18 novembre 2012

Prédicateur : Abbé François-Xavier Amherdt
Date : 18 novembre 2012
Lieu : Eglise Saint-Germain, Savièse
Type : tv

Supposons que par un petit tour de passe-passe céleste donné à la ronde des astres, le Créateur ajoutait une vingt-cinquième heure à nos journées. Qu’en ferions-nous? Serions-nous prêts à consacrer quotidiennement ces soixante minutes supplémentaires à la prière et au service bénévole de nos frères et sœurs ? Pas sûr ! Nos «obligations» obéissent immuablement à la loi d’expansion des gaz : dès qu’un vide existe, ils le remplissent aussitôt à ras bord !

Le Seigneur est le Maître de l’histoire, il nous fait le cadeau du temps. Qu’en faisons-nous ? Où plaçons-nous nos priorités ?

«En ce temps-là se lèvera Michel le chef des anges. Ce sera un temps de détresse. Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple et beaucoup s’éveilleront pour la vie éternelle» annonce le Livre de Daniel. «Après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, Jésus-Christ s’est assis pour toujours à la droite du Père», affirme la Lettre aux Hébreux. «En ce temps-là on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Mais quant au jour et à l’heure où cela arrivera, nul ne le connaît si ce n’est le Père » dit l’évangile de Marc.

1ère lecture, 2ème lecture, Evangile : quelle insistance ! Les textes de ce jour parlent sans cesse du temps. Temps de catastrophes et de crises, comme Sandy à New York – mais, dans le langage biblique, ce ne sont que des signes avant-coureurs de la libération et du salut pour l’humanité.

Temps des premières feuilles du figuier, quand les branches deviennent tendres – signes des temps qui annoncent une floraison prometteuse et des fruits d’avenir. Comme une belle vigne saviésane !

Nous approchons du terme de l’année liturgique. Cela sent la fin. Et pourtant c’est le prélude à un nouveau début, à un nouvel Avent qui nous rapprochera encore plus du retour du Christ, lorsqu’il viendra instaurer les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Je l’attends avec impatience!

Dieu nous fait la grâce du temps, passé, futur, présent. Comme une valse à trois temps, une valse trinitaire. Si nous nous ouvrons à l’Esprit Saint, nous «avons» littéralement le temps. «J’ai le temps», c’est-à-dire que le temps m’a été remis par toi, Père. Je l’ai reçu comme un cadeau quand j’ai commencé d’être. Il m’accorde la possibilité des lentes et sûres germinations, jusqu’à l’heure suprême où je donnerai pleinement mon fruit, en présence de ton Fils Jésus-Christ qui rassemblera toutes les nations auprès de lui.

Temps passé, dont nous pouvons faire mémoire : ce Jubilé des 50 ans du Concile Vatican II, actualisé par le Synode des évêques sur la «nouvelle évangélisation» le mois dernier. Et aussi l’action de grâce pour tous ces bénévoles de la paroisse, celles et ceux qui ont depuis toujours offert de leur temps, de leur amour, de leur compétence, pour visiter les malades, faire la décoration florale, organiser un apéritif, animer la catéchèse, distribuer le pain bénit à la sortie de la messe… Ils ont ainsi répondu à leur vocation de baptisés.

Le passé, puis le futur, auquel nous sommes appelés à nous abandonner, avec confiance, avec foi et fidélité, fides en latin, amen en hébreu, parce que la promesse de Dieu est solide, nous pouvons nous appuyer sur elle, comme sur un roc valaisan, pas turc.

Nous savons où nous allons, l’histoire a un sens, une direction. Nous sommes promis à une éternité de délices. Lorsque les sages brilleront comme les constellations du firmament et que les justes resplendiront comme les étoiles dans le ciel de Dieu. Les sages, les justes, ce sont nos bénévoles, bene-volentia, bien-veillance en latin, ceux qui « veulent et font du bien » aux autres, ceux qui portent la lumière au cœur de chaque vie. Ce sont déjà les «stars» dans le regard de Dieu. Nous pouvons tous devenir «stars» de la bienveillance divine par notre bénévolat.

Faire mémoire, nous tourner vers l’avenir, mais c›est aujourd’hui que tout commence. La grâce du temps s’offre au présent. Car le «présent» est cadeau. Avec Dieu, c’est toujours le moment favorable de continuer, de persévérer, de se convertir. Carpe diem : cet adage latin dit la spiritualité du temps chrétien. Déguste le présent, cueille ce jour, vis-le comme si c’était le dernier. Nul ne sait ni le jour ni l’heure.

Fukushima, secret bancaire, suppression d’emplois : pourtant, ne paniquons pas, n’ayons pas peur. Car le Seigneur est le Maître du temps, il conduit l’histoire à bon port.

La seule chose qu’il nous demande ? Tirer profit des années et des mois, des jours, des heures et des minutes qu’il nous donne. Accueillir la perfection que le Christ nous a acquise une fois pour toutes et avancer sur ce chemin de sainteté qu’il nous propose.

Les années s’accumulent, cette année 2012-2013 est spéciale, nous allons le souligner tout à l’heure : c’est l’année de la foi, l’occasion d’ouvrir nos portes à la relation intime avec Dieu, car c’est cela la foi.

Ou alors, pourquoi pas, comme certains jeunes, prendre une année sabbatique, avec une ONG, dans un «Point Cœur», pour vivre l’expérience durable du don de soi.

Les mois se succèdent, c’était en octobre le mois du rosaire et de Marie; ce sera en décembre, le mois de l’Avent; novembre, c’est le mois du souvenir de nos défunts, le mois de tous les saints, de notre propre sainteté, puisque nous sommes tous appelés à être des saints, c’est-à-dire à vivre dans l’Esprit et à participer à la vie divine par notre bonté fondamentale et nos paroles bienfaisantes.

Les jours ? C’est la journée annuelle de corvée, dans un des nombreux villages de Savièse, celle du nettoyage des bisses; c’est la journée de la solidarité et du bénévolat comme aujourd’hui; c’est la sortie organisée pour son filleul, si propice aux confidences partagées; c’est le dimanche, jour du Seigneur, de l’action de grâce et du repos, pour échapper à l’esclavage du travail et des magasins ouverts sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

L’heure, c’est l’heure de catéchèse ou d’enseignement religieux à l’école, les quarante heures d’adoration dans la paroisse chaque mois; c’est l’heure offerte pour un grand-papa âgé qui sourit d’aise en présence des membres de sa famille; c’est la communion apportée à domicile, la visite à l’hôpital ou au home. C’est la durée d’une belle eucharistie à Chandolin, plus brève qu’un épisode de «Top Model». C’est une réunion du conseil, du groupe, efficace et utile, c’est la répétition hebdomadaire de la chorale; c’est la haie taillée chez le voisin en échange de la voiture lavée, dans un troc de services rendus.

La minute, c’est le verre d’eau tendu qui nous fait entrer au paradis, comme le promet l’Évangile; c’est l’oreille prêtée à l’adolescent en mal d’écoute, c’est le sourire donné à tous ceux que je croise, c’est la parole bienfaisante qui relève. C’est la brassée de secondes que je présente au Seigneur dans mon oraison quotidienne.

Seigneur, Maître du temps, fais que je sois toujours prêt à rendre le temps que tu m’as donné.»

 

33ème dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Hébreux 10, 11-18; Marc 13, 24-32

https://www.cath.ch/homelie-du-18-novembre-2012/